« Les distorsions de concurrence pas au coeur du problème des agriculteurs »


AFP le 20/07/2025 à 09:25

Les distorsions de concurrence, régulièrement mises en avant par les agriculteurs qui défendent la loi Duplomb et la réautorisation de certains pesticides, « ne sont pas le cœur du problème de compétitivité » de la ferme France, estime Christophe Alliot, directeur du bureau d'études Basic et expert en analyse de chaine de valeur.

Alors qu’une pétition demandant l’abrogation de la loi Duplomb avait recueilli samedi soir plus de 700 000 signatures, soit bien plus que le seuil des 500 000 permettant potentiellement un débat parlementaire sur son bien-fondé, la FNSEA a une nouvelle fois brandi la menace samedi d’un risque de « disparition » de l’agriculture française si on lui impose des normes plus sévères que celles de ses voisins européens.

« Est-ce que c’est recevable, le fait qu’il y ait des distorsions de concurrence ? Potentiellement oui, mais ce n’est pas ça qui est au cœur, selon nos analyses, du problème de compétitivité de l’agriculture française », remarque Christophe Alliot dans un entretien avec l’AFP.

Basic a publié en novembre une étude sur la création de valeur et les coûts sociétaux du système alimentaire français, à la demande notamment du Secours catholique, de Solidarité Paysans et des Civam (Centres d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural).

Le cœur du problème vient, selon cette étude, du choix de la majeure partie des acteurs du système alimentaire français « de faire des produits agricoles en quantités toujours plus importantes », « standardisés » et de ce fait, en « concurrence frontale » avec d’autres pays européens, mieux armés pour « vendre moins cher », souligne M. Alliot.

« L’avantage comparatif de la France, c’est plutôt d’avoir une grande diversité de zones de production, de terroirs, de conditions différentes », relève-t-il, alors que l’étude menée par son bureau indique qu’« à peu près 90 % de la valeur de toute l’agriculture et de l’alimentation » est générée par ce modèle de massification des volumes.

Une loi qui ne tient pas compte des autres maillons

« Mais ce n’est pas que la responsabilité de l’agriculteur, loin de là, c’est la responsabilité aussi de tous les autres maillons », souligne le directeur de Basic, évoquant une alimentation dont « la valeur est plutôt faite sur du marketing, de la publicité ».

Or, selon lui, la loi Duplomb « ne parle que d’agriculture, comme si l’agriculture était toute seule, et comme si nous mangions ce qui sort des champs », sans tenir compte des nombreux intermédiaires (industriels, transporteurs, distributeurs) entre le champ et l’assiette, s’étonne M. Alliot, qui rappelle le problème récurrent de la répartition de la valeur, qui se fait souvent au détriment de l’amont.

En 2021, une étude publiée par son bureau sur l’économie des pesticides en France « avait montré que la quasi-totalité de l’augmentation des dépenses de pesticides sur la décennie écoulée » en France était « le fait d’un petit nombre d’agriculteurs, une minorité », déclare l’expert.

C’est pourquoi la démarche de réautoriser certaines substances « risque d’être inégalitaire », estime-t-il, « et d’aider une petite élite d’exploitations agricoles qui se sont organisées pour être dans la concurrence internationale ».

Selon un recensement mené par Basic avec l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), la dépense publique (Etat, Europe et collectivités locales) pour soutenir le système alimentaire français a représenté en 2021 plus de 48 milliards d’euros.