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Financiarisation des terres agricoles

14 % de la SAU française contrôlée par des sociétés agricoles financiarisées


TNC le 28/02/2023 à 06:01
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Terre de liens a présenté en avant-première son rapport 2023 au salon de l'agriculture, le 27 février. (©Terre de liens)

Désormais, une exploitation agricole sur dix est contrôlée par des sociétés agricoles financiarisées, c’est-à-dire des sociétés à capitaux ouverts, permettant à des investisseurs non agricoles de prendre tout ou partie du contrôle de la ferme, alarme Terre de liens dans son rapport 2023 sur l’état des terres agricoles en France. Ces sociétés contrôlent au total 14 % de la SAU, et un tiers d’entre elles ne seraient pas gérées par des associés exploitants travaillant sur l’exploitation.

Alors que la dernière enquête foncière française date de 1992, Terre de liens entend lever le voile sur qui possède la terre en France, dans son rapport 2023. Car si les politiques publiques visent à réglementer l’accès au foncier agricole, elles sont régulièrement contournées, notamment par les sociétés financiarisées qui prennent le contrôle d’exploitations agricoles via les rachats de parts sociales.  

En 30 ans, les sociétés agricoles ont doublé et possèdent 7,5 % de la SAU. Parmi elles, les sociétés agricoles financiarisées possèdent 640 000 hectares (en propriété) et contrôlent au total, location compris, 14 % de la SAU. Ces sociétés, à capitaux ouverts, peuvent permettre à des investisseurs non agricoles, tels que des fonds d’investissements ou de grands groupes de l’agroalimentaire, de prendre le contrôle de fermes, en évinçant progressivement les agriculteurs exploitants.

Accaparement des terres

Ainsi, un tiers de ces sociétés financiarisées exploitent des terres sans agriculteurs à leur tête, via du travail à façon, ou du salariat agricole. Dans le Morbihan, la société Altho, qui produit les chips Bret’s, a racheté quatre fermes et pratique la délégation intégrale de travaux. En 40 ans, le développement des grandes cultures, de l’irrigation, l’arrêt important du lait et aujourd’hui, le départ à la retraite massif des agriculteurs qui ont mis en place ces exploitations en grandes cultures favorisent cette tendance, explique Samuel Servel, producteur à Pontivy (56). « Les capitaux sont devenus très importants à racheter, donc non transmissibles hors agrandissement ou industrie », témoigne-t-il, ce qui rend extrêmement difficile l’installation en dehors des fermes familiales.

« Ce qui interroge, c’est le manque de transparence sur les transactions, face à l’impossibilité pour des nouveaux candidats d’avoir accès à la terre ». Les cessions de parts sociales, quand elles restent partielles, ne transitent pas par les Safer. Ces dernières estiment ainsi que chaque année, en France, 200 000 ha de terres agricoles changent de main en échappant à leur contrôle.

Le foncier, un enjeu pour la future loi d’orientation agricole

« On est aujourd’hui à un carrefour : si on continue les tendances actuelles, on se dirige vers une agriculture sans agriculteurs », estime Tanguy Martin, responsable de plaidoyer à Terre de liens. Pour l’organisation, il faut que le sujet foncier soit inclus dans la loi d’orientation agricole, actuellement en réflexion.

Quatre recommandations figurent en ce sens dans le rapport 2023 : assurer la transparence sur la propriété et l’usage des terres ; inciter les propriétaires à maintenir la vocation agricole de leur terre (aujourd’hui, 85 % des terres appartiennent à 4 millions de petits propriétaires privés qui ne sont plus agriculteurs, une grande partie étant également âgée de plus de 65 ans) ; renforcer la régulation sur les terres agricoles ; et favoriser le portage foncier non lucratif pour faciliter les installations. Une activité au cœur de l’action de Terre de lien, qui estime que les politiques publiques doivent prendre plus efficacement le relai sur ces questions de la préservation et du partage de la terre.