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Filière bois

Une « vraie enquête policière » pour sauver le pin des Landes


AFP le 02/07/2020 à 10:35
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(©Pixabay)

Avec le réchauffement climatique, les jeunes pins « ne passent pas l'été » dans la forêt des Landes littorale. Pour régénérer ce symbole touristique, essentiel à la stabilité de la dune comme à la filière bois, des chercheurs ont mené pendant quatre ans une « vraie enquête policière ».

« Nous avions une ribambelle de suspects », dit Laurent Augusto, chercheur à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), « maladie, climat, stress hydrique, appauvrissement du sol ». « Plusieurs études ont été menées en parallèle. Au final, il y a un coupable, le climat. Et des complices, les animaux », poursuit le chercheur.

La forêt des Landes s’étend sur un million d’hectares, dont 10 % en forêt dunaire, le long du littoral. Plantée au XIXe siècle pour éviter l’ensablement des zones habitées, elle fournit aujourd’hui l’industrie de la pâte à papier, du panneau de bois ou de la palette et de nombreuses scieries.

« En Aquitaine, la filière bois est la deuxième pourvoyeuse d’emplois après la viticulture », rappelle Francis Maugard, responsable recherche et développement à l’agence Landes Nord-Aquitaine de l’Office national des forêts (ONF).

Le pin, un symbole des Landes, « est la seule espèce qui peut se développer sur des zones pauvres comme la forêt dunaire », ajoute-t-il.

L’arbre est autant nécessaire à la stabilité de la dune qu’« essentiel » pour l’exploitation forestière, impossible pendant l’hiver sur le plateau landais, trop humide pour les engins forestiers, selon l’ONF.

« Mieux résister à l’aridité estivale »

Or, une mécanisation de plus en plus poussée pour l’exploitation des parcelles, puis les étés de plus en plus secs, ont freiné le renouvellement des arbres.

Un programme de recherche a donc été lancé dans un secteur compris entre Biscarrosse et Sainte-Eulalie-en-Born, associant l’ONF, des chercheurs de l’Inrae, de l’école d’ingénieurs Ensegid (environnement) et de l’université de Bordeaux.

Ils ont étudié la technique de reforestation traditionnelle qui consistait, non pas à planter des arbres de pépinières mais à « semer des graines à la volée et attendre qu’elles germent », raconte Laurent Augusto. Ce mécanisme « échouait sans que l’on arrive à comprendre pourquoi », selon le chercheur qui évoque une « vraie enquête policière ».

Deux facteurs concomitants ont été découverts : un microclimat sec et la présence croissante d’herbivores tels que des chevreuils et des petits rongeurs, de plus en plus nombreux, qui s’attaquaient au jeune pin.

« L’évolution vers des étés un peu plus chauds et un peu plus secs a contribué à ce que les jeunes pins ne passent pas l’été », dit le chercheur, « l’inquiétude était de voir cette tendance s’étendre progressivement à d’autres secteurs de la forêt landaise ».

Dans le même temps, les équipes ont remis au goût du jour une technique de reforestation abandonnée depuis les années 1960.

Il s’agit de ne plus effectuer de coupe rase mais maintenir après la coupe « plusieurs arbres adultes qui vont garantir une ombre partielle et un moindre assèchement de l’air durant la journée ». Ceci permet « aux jeunes plantules de mieux résister à l’aridité estivale », assure-t-il.

Avec ses contraintes : « Il faut prévoir une deuxième récolte délicate pour les grands arbres maintenus, sans abîmer les jeunes arbres qui ont eu tant de mal à pousser », ajoute Laurent Augusto.

La technique, appelée régénération naturelle ou coupe partielle, est encore utilisée en Espagne mais l’étude pourrait aussi intéresser d’autres massifs forestiers européens en proie à des difficultés de renouvellement.