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Changement climatique

Pour la neutralité carbone, pas de nouveaux projets fossiles, dit l’AIE


AFP le 18/05/2021 à 10:20

Oublier dès « maintenant » tout projet d'exploration pétrolière ou gazière et ne plus vendre de voiture thermique neuve au-delà de 2035 : telles sont des mesures nécessaires pour atteindre en milieu de siècle la neutralité carbone et avoir une chance de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, estime l'Agence internationale de l'énergie.

Le chemin est « étroit » mais encore « praticable » et il promet « d’énormes bénéfices » tant en termes d’emploi que de croissance économique ou de santé, note l’AIE qui publie mardi, à six mois de la COP26 de l’ONU, une feuille de route permettant de conduire à cet objectif. La « neutralité carbone », qui consiste à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que le monde ne peut en absorber, implique de changer de paysage énergétique avec un déclin accéléré de la demande en combustibles fossiles et une montée en puissance des renouvelables.

Conséquence : renoncer à tout nouveau site pétrolier ou gazier « au-delà des projets déjà engagés en 2021 », appelle l’AIE : « la baisse rapide de la demande signifie qu’aucune exploration n’est requise et aucun champ gazier et pétrolier nouveau n’est nécessaire au-delà de ceux déjà approuvés ». Pour le charbon, dont la consommation est repartie de plus belle, le monde doit déclarer la fin des décisions d’investissement de nouvelles centrales électriques.

Au contraire, le secteur électrique devra avoir atteint la neutralité carbone dès 2040. Ce qui impose d’installer d’ici à 2030 quatre fois plus de capacités solaires et éoliennes annuelles qu’en 2020, année record. À l’arrivée, en 2050, l’Agence voit 90 % d’électricité d’origine renouvelable, le reste venu du nucléaire. Les ressources fossiles ne fourniront plus qu’un cinquième de l’énergie (contre 4/5 aujourd’hui), pour des usages comme les plastiques.

Mais pour cela, les ventes de voitures thermiques neuves devront cesser dès 2035. Les calculs de l’AIE rejoignent ceux de l’ONG Transport & Environment. Dans les faits pourtant, la plupart des constructeurs n’en sont pas là – même si quelques-uns sont plus allants.

L’efficacité énergétique devra croître de 4 % par an dès cette décennie, trois fois plus que le rythme des deux dernières. « Ça n’a l’air de rien, mais c’est, par exemple, rénover un bâtiment sur cinq », décrit Laura Cozzi, responsable modélisation à l’AIE. Objectif : une demande énergétique globale in fine réduite de 8 % en 2050 par rapport à celle d’aujourd’hui, avec deux milliards d’humains de plus.

Coup de couteau, et défis

« L’ampleur et la rapidité des efforts requis par cet objectif critique et formidable – notre meilleure chance d’affronter le changement climatique et de limiter le réchauffement global à 1,5°C – en font peut-être le plus grand défi que l’humanité ait jamais eu à relever, » admet le directeur de l’AIE, Fatih Birol. Il impose « une action soutenue des gouvernements et une coopération internationale bien plus importante » qu’aujourd’hui, ajoute l’économiste, notamment pour soutenir les efforts des grands pays émergents.

Les investissements dans l’énergie devront passer de 2 000 milliards de dollars annuels à 5 000 milliards d’ici à 2030. Mais cela ajoutera 0,4 point de croissance par an au PIB mondial, selon une analyse menée avec le FMI.

Les défis ne manquent pas, inhérents à la part accrue de l’électricité, par exemple au besoin en métaux rares.

En 2050, près de la moitié des réductions d’émissions de CO2 viendront de technologies aujourd’hui au stade de la démonstration, dit l’AIE : batteries avancées, hydrogène vert compétitif, mais aussi systèmes de captage et stockage du CO2 (CCS), solution qui fait l’objet de débats au sein des experts du climat dont certains y voient une manière de maintenir des énergies émettrices.

Dave Jones, du think tank Ember, spécialisé dans l’énergie, voit dans ce rapport « un revirement complet par rapport à l’AIE orientée fossiles d’il y a 5 ans » : « un vrai couteau planté dans l’industrie des énergies fossiles ».

Fatih Birol parle de « pragmatisme » : « Nous avons identifié 400 étapes que les gouvernements devront franchir pour atteindre notre cible d’1,5°C. Nous pourrons suivre leurs décisions ». Lui qui décrit « un fossé croissant entre engagements et réalité » est-il optimiste ? « Aucun gouvernement ne voudra avoir un système énergétique dépassé. Je suis sûr que les États agiront pour soutenir l’économie de demain et signaleront clairement aux investisseurs que les options pour une énergie propre sont les garantes de retours lucratifs ».