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Agroalimentaire

L’oxyde d’éthylène, deux ans de retraits de produits et beaucoup de questions


AFP le 02/11/2022 à 10:05

Y'a-t-il un « scandale » européen de l'oxyde d'éthylène ? L'association Foodwatch en est persuadée, mais les données sont encore très incomplètes pour évaluer avec précision le nombre de produits contaminés par ce fongicide cancérogène, interdit dans l'Union européenne et pourtant détecté depuis fin 2020 dans de nombreux produits.

« Environ 18 000 lots de production » soit « près de 4 900 références de produits »: c’est le nombre de denrées qui ont fait l’objet d’un rappel par la Répression des Fraudes (DGCCRF) française depuis 2020.

L’oxyde d’éthylène, acronyme ETO, est un fongicide toxique classé comme « agent cancérogène, mutagène et reprotoxique », et à ce titre interdit en Europe.

Mais en septembre 2020, les autorités belges détectent ce produit dans des lots de graines de sésame importées d’Inde. Cet agent est notamment destiné à éviter que les denrées alimentaires ne se dégradent pendant le transport vers les lieux de transformation et de consommation.

L’association militant pour la transparence dans l’agroalimentaire Foodwatch assure alors que certains aliments contiennent des doses d’ETO « mille fois supérieurs à la limite maximale » européenne. De nombreux tests sont menés, entraînant le rappel d’un nombre important produits sur tout le continent, pas uniquement à base de sésame.

Retraits massifs de glaces

La DGCCRF a précisé à l’AFP avoir traité 517 « alertes » en 2020, principalement sur les graines de sésame et des produits en contenant -biscuits, pains ou plats préparés- et 1.446 alertes en 2021, sur des épices et condiments, compléments alimentaires et aliments diététiques « incorporant des matières premières contaminées » et glaces.

« La détection d’ETO sur de la gomme de guar, très largement utilisée dans l’industrie agroalimentaire, a conduit à des mesures massives de retrait-rappel dans le secteur des glaces », explique la Répression des Fraudes.

Selon deux sources interrogées par l’AFP, certains produits ont été retirés des circuits avant d’être mis à disposition du public et ne font alors pas l’objet d’une procédure de rappel. Interrogée, la DGCCRF n’a pas fait de commentaire.

Cette affaire de grande ampleur a mobilisé les équipes de la DGCCRF dans la durée si bien que selon Ingrid Kragl, de Foodwatch, « c’est en France qu’on a le mieux appliqué la réglementation européenne ».

En Belgique, d’où est partie la première alerte, l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire, équivalent de la DGCCRF, a procédé à 105 rappels de produits en 2020, et 210 en 2021. Des chiffres qui portent « sur le nombre de rappels de produits, mais pas sur le nombre de produits concernés », précise-t-elle à l’AFP.

En revanche, les services de la Commission européenne n’étaient pas en mesure de donner à l’AFP une estimation du nombre de retraits à l’échelle du continent.

Elle se dit « attentive au suivi par les autorités compétentes, mais ne tient pas de données statistiques chiffrées sur les produits, marques ou références concernés par les différentes alertes » au sein du RASFF, le Système d’alerte rapide pour les aliments par lequel les autorités sanitaires de chaque pays membre alertent leurs homologues en cas de problème supranational.

Pas mieux du côté du secteur de l’agroalimentaire, que ce soit l’Ania en France ou Food Drink Europe, son pendant européen. « L’impact est difficile à estimer, peut-être est-ce trop tôt », a simplement observé l’Ania, tandis que Food Drink Europe s’est montré laconique: « nous n’avons pas de données à partager ».

Des « dizaines de pays »

Le géant de l’agro-industrie américaine General Mills a en revanche communiqué sur l’impact financier de ces retraits. Le propriétaire de la marque de glace Häagen-Dazs, frappée d’une procédure de retrait volontaire cet été en Europe pour cause de présence d’oxyde d’éthylène, a indiqué en marge de ses résultats financiers le 21 septembre que le « rappel volontaire de certains produits glacés Häagen-Dazs à l’international » allait lui coûter sur l’exercice annuel en cours un point de son « profit opérationnel ajusté à changes courants ».

Le profit opérationnel ajusté n’est pas disponible dans la documentation du groupe, mais 1 % de son profit opérationnel représenterait environ 35 millions de dollars. Un calcul que l’entreprise, sollicitée par l’AFP, n’a pas souhaité commenter.

Foodwatch, dans son rapport annuel pour l’année 2021, estimait que dans cette affaire concernant « des dizaines de pays », « la question de la responsabilité des fabricants, importateurs, distributeurs était totalement éludée », les autorités semblant « débordées ».