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Atelier ovin et blés rustiques

Laurent Pénicaud : « Mon élevage et mes cultures sont intimement liés »


Agriculture biologique le 03/02/2017 à 18:25
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Passionné et persévérant, Laurent Pénicaud joue la carte de la qualité plutôt que de la quantité. Sur seulement 72 ha, il fait pâturer ses agneaux bio et cultive des variétés paysannes de blé meunier. Désireux de maîtriser sa production de A à Z, il réalise même depuis peu sa farine avec son propre moulin. Présentation d'un système où bonne pâture rime avec belle mouture.

Laurent Pénicaud s’est installé en 1987 à Linards, dans la Haute-Vienne, sur une ferme familiale. Le système agricole qu’il finit aujourd’hui de mettre en place est le fruit d’une longue réflexion, celle de l’éleveur comme du cultivateur. « J’ai débuté par des agneaux de bergerie, comme cela se fait traditionnellement dans la région, puis en 2007 je suis passé à des agneaux d’herbe. » Dans la foulée, Laurent Pénicaud prend le tournant du bio et diminue son cheptel de 350 à 250 têtes. Objectif : ne plus avoir à complémenter les bêtes. « En passant au 100 % herbe, j’ai fait une économie d’à peu près 8 000 € sur les aliments et une plus-value d’environ 30 € par bête à la vente. » Un beau résultat rendu possible en optimisant ses prairies. Ni intrant, ni mécanisation à outrance, mais la mise en rotation d’une partie des pâturages avec les cultures.

Laurent Pénicaud a depuis toujours eu des cultures en parallèle de l’élevage : avoine, tournesol, maïs, blé ou sarrasin. En 2011, il fait le pari de cultiver des variétés paysannes de blé meunier. Un terme qu’il préfère à celui de variétés anciennes : « Ce sont des semences sélectionnées par les paysans pour les paysans. On obtient des blés éloignés des critères DHS mais adaptés à leur terroir, dotés d’une plus grande diversité génétique et souvent plus résistants. » Au lieu de partir sur un mélange déjà réalisé, Laurent Pénicaud a préféré faire évoluer plusieurs variétés pures pour étudier leur comportement respectif. Aujourd’hui le Rouge de Bordeaux, le Saint-Priest Vernois Rouge et le Rouge du Morvan occupent une quinzaine d’hectares sur les terres limoneuses de l’exploitation. « Et j’ai toujours au minimum une dizaine de variétés en test sur mon exploitation, c’est une passion. Il se passe quelque chose entre ta semence et toi, il se crée un lien. C’est entre le végétal et l’humain. »

« Mes pâtures rentrent en symbiose avec mes cultures. » Les brebis profitent de prairies riches en légumineuses avec du ray-grass anglais, de la fétuque, un peu de dactyle et beaucoup de trèfles. Derrière ces prairies d’une durée de trois à cinq ans, une culture de sarrasin réalisée sans labour. « Quand les conditions ne sont pas favorables, je travaille le sol au cover-crop avant de labourer peu profond sur 10 à 15 cm. Si je sème du sarrasin fin mai/début juin, c’est pour profiter de la faim d’azote. Les micro-organismes du sol mobilisent en effet la majorité des réserves disponibles pour dégrader la matière organique. Le sarrasin, qui se développe bien sur des sols peu azotés, ne risque pas de verser. Le blé demande à l’inverse beaucoup d’azote est semé après. » Suit une culture dérobée, un mélange de navettes et de colza, qui permet la finition des agneaux, avant de généralement resemer du sarrasin.

L’objectif serait de modifier quelque peu ce système de rotation pour optimiser les prairies. « Sous couvert de sarrasin, en faible densité (semis à 7-8 kg/ha), une luzernière pure serait semée en été puis conservée un an en place. Cette dernière apportant beaucoup d’azote, le blé pourrait y être semé en direct. » Les variétés paysannes offrant par ailleurs une bonne résistance au salissement – notamment grâce à des pailles hautes (1,3 à 1,6 m) – Laurent Pénicaud a rarement besoin de désherber et recourt au binage en ligne quand cela est indispensable. Un problème persiste néanmoins : le ray-grass d’Italie. Semée initialement pour ses prairies, elle est aujourd’hui la bête noire de l’agriculteur. « Je regrette d’en avoir fait pousser, elle a pollué mes parcelles et a tendance à dominer sur le blé comme la luzerne. » Un labour devient parfois nécessaire.

En élevage ovin, les résultats sont très satisfaisants. Même si finir les agneaux uniquement à l’herbe s’est révélé difficile certaines années. Avec ce modèle, Laurent Pénicaud dispose désormais non seulement de plusieurs sources de fourrage pour complémenter ses bêtes mais aussi du son extrait durant la mouture. Quant à la farine, les tests de panification réalisés en 2007 étaient concluants, aussi bien au niveau du taux de protéine que des saveurs. Reste à compléter la liste d’acheteurs, boulangers et particuliers. Objectif : vendre trois tonnes par mois (à 1 500 € la tonne). « Je me donne trois ans pour y arriver. »