Accéder au contenu principal
[Témoignage] Jean-Louis Proust (59)

La principale difficulté en agriculture bio, c’est la gestion des adventices


TNC le 02/12/2022 à 16:20
fiches_210503143743_-_DESHERBAGE_MECANIQUE_HERSE_ETRILLE_LIN_-_credit_Nadege_PETIT_agri_zoom_

Passage de herse étrille, ici en photo sur lin. (©Nadège Petit @agrizoom/Banque d'images FranceAgriTwittos)

« Le principal facteur de réussite en agriculture biologique, c'est la propreté des champs », note Jean-Louis Proust. Désherbage mécanique, rotation, décalage des dates de semis... L'agriculteur nous explique, dans le cadre du Mois du bio organisé en novembre par Bio Hauts-de-France, les leviers qu’ils ont mis en place avec son associé, Denis Faidherbe, sur leur exploitation de grandes cultures.

Installés à Erchin dans le Nord, Jean-Louis Proust et Denis Faidherbe ont arrêté l’élevage laitier en 2015. Plusieurs voisins agriculteurs étant engagés en agriculture biologique et la communauté d’agglomération Douaisis agglo poussant à son développement, les deux associés s’intéressent à ce mode de production. Ils se lancent en 2016 avec une quinzaine d’hectares pour démarrer. Puis la conversion de l’exploitation avance progressivement au fil des années, pour s’achever en mars dernier.

Jouer sur tous les leviers disponibles

En agriculture bio, il y a deux points d’attention principaux : la fertilisation et le désherbage des cultures, comme nous le rappelait récemment Jean Champion de la chambre d’agriculture de la Drôme. Pour le premier, « on a la chance de travailler avec un voisin éleveur de 7 500 poules pondeuses (environ 100 t de fientes/an pour 50 ha) », explique Jean-Louis Proust. Le Gaec Faidherbe-Proust dispose aussi d’un atelier de 35 vaches limousines, qui lui fournit environ 200 t de fumier/an et enfin, il s’appuie beaucoup sur les légumineuses, dont la luzerne : « c’est le moteur à azote de la rotation », note l’agriculteur.

En ce qui concerne la gestion des adventices, Jean-Louis Proust souligne « la nécessité de jouer sur tous les leviers agronomiques à disposition, pour s’affranchir notamment de tout ce qui lève à l’automne. Premièrement, via la pratique de faux-semis et le décalage des dates de semis. L’agriculteur ne démarre pas ses semis de blé tendre avant le 1er novembre par exemple : « l’idéal serait de commencer au 10 novembre, mais cela peut être parfois compliqué dans le secteur », précise-t-il.

Suite à ce décalage, il a aussi revu les densités de semis : « en conventionnel, on semait environ 100 kg/ha, on est plutôt autour des 200 kg/ha désormais. On sait, par avance, que 10 à 15 % des plantules vont dégager… Au départ, on avait aussi testé le semis à la volée pour permettre une meilleure répartition des plantes sur la surface. Mais cela entraîne des soucis avec une profondeur aléatoire, donc on est repassé à un fonctionnement avec la rampe de semis ».

La luzerne et les couverts végétaux jouent également un rôle important dans la  gestion des adventices. « On essaie de couvrir au maximum le sol pour favoriser son activité biologique. » Les carabes qui mangent les graines d’adventices sont notamment des alliés que l’agriculteur tente de favoriser. « Vesce, trèfle, phacélie, moutarde, avoine… au sujet des couverts, on travaille avec des mélanges d’espèces, comprenant au moins 4 familles différentes », précise Jean-Louis Proust.  Autre levier utilisé : les cultures associées : orge-pois, lentille-cameline… « La lentille est, par exemple, associé à la caméline, qui a un rôle allélopathique. Elle sert de tuteur à la lentille et limite aussi la levée des adventices. »

Désherbage mécanique

Sur leur exploitation, les agriculteurs ont également développé l’usage du désherbage mécanique dès leur conversion. « On avait l’habitude d’utiliser la bineuse sur betteraves. En 2016, on a décidé d’investir dans une herse étrille et une houe rotative d’occasion, c’est la base », ajoute Jean-Louis Proust. Les deux associés ont également recours au matériel de leur Cuma de désherbage alternatif, qui dispose d’une herse étrille, d’une houe rotative et d’une roto-étrille.

Avoir ce matériel en commun permet de « limiter les charges » et de « pouvoir intervenir efficacement lorsque les créneaux météo le permettent ». Pour Jean-Louis Proust, « la houe rotative fonctionne bien pour les plantules. Dès que c’est un peu plus implanté, la herse étrille est recommandée. C’est un bon outil en complément de la roto-étrille je dirais, selon l’itinéraire technique de la parcelle. L’avantage de la roto-étrille, c’est qu’elle « s’auto-débourre », elle est plus agressive ». 

Les plages d’intervention possibles selon les cultures en fonction de l’outil utilisé d’après Arvalis-Institut du végétal : 

Pour Jean-Louis Proust, l’adaptation est le maître-mot en agriculture biologique. (©Jean-Louis Proust)

« On a réalisé des essais avec la chambre d’agriculture, sur des céréales semées fin octobre. Le passage de la houe rotative au stade pointant du blé fonctionne bien. » L’agriculteur préfère, par contre, « éviter l’utilisation de la herse étrille lorsque la durée du jour raccourcit ». « Au printemps, on s’adapte suivant la texture du sol. Un passage de houe rotative peut être nécessaire avant celui de la herse étrille pour « faire de la terre » avant. L’avantage, c’est que cela active aussi la minéralisation. Tout va dépendre, en fait, de l’activité biologique du sol. Depuis notre conversion, il est possible de passer directement la herse étrille au printemps même après un hiver pluvieux. »

« Il faut toujours s’adapter »

Pour le tournesol, les agriculteurs réalisent « un faux-semis 2-3 jours avant le semis, puis un passage à l’aveugle avec la herse étrille 4-5 jours avant pour limiter les fils blancs. Et c’est la bineuse qui prend le relai ». Les faux-semis sont un bon moyen de limiter les populations d’adventices, mais il faut que ce soit réalisé dans de bonnes conditions : « au moins derrière 3-4 jours de beau temps. Cela a été plutôt compliqué cet automne, avec 97 mm en septembre. Le passage d’un scalpeur n’aurait pas bien fonctionné. On a dû labourer et semer en combiné derrière. On essaie de faire sans le labour, mais parfois c’est nécessaire, précise Jean-Louis Proust. Il faut toujours s’adapter. »

Pour Jean-Louis Proust, l’adaptation est le maître-mot en agriculture biologique. (©Jean-Louis Proust)

En outils de désherbage mécanique, les agriculteurs ont également investi dans une bineuse à caméra Garford 5 à 6 m, permettant de biner seul. Ils utilisent également le robot Farmdroïd pour gérer le semis et le binage des betteraves sucrières jusqu’à la couverture du rang. « On ne s’en sert pas pour le colza, car on aime bien que les semis soient faits rapidement. Aussi le colza est associé à la cameline (2 passages de bineuse généralement au mois d’octobre). »

« Le désherbage mécanique fonctionne surtout selon les opportunités, ajoute Jean-Louis Proust. Là encore, il faut s’adapter. Et cela peut faire peur au départ… » L’agriculteur souligne alors l’importance de l’accompagnement et du partage d’expérience avec ses collègues agriculteurs. En agriculture bio, le regard change aussi du conventionnel : « les parcelles ne sont pas complètement propres. On arrive à de belles choses, mais suivant les années, cela peut être différent…, observe Jean-Louis Proust. Le triage après la récolte est un complément important ! » Les deux associés stockent toute leur récolte sur l’exploitation et sont, en effet, équipés d’un trieur, qui leur permet de séparer les espèces des cultures associés et également de trier les graines indésirables. 

Enfin, en lien avec leur Cuma, les agriculteurs réfléchissent à investir dans une écimeuse ou une « arracheuse à pneus » pour la folle-avoine notamment. « Cela intéresse aussi des agriculteurs conventionnels pour des cultures spécifiques comme les oignons, pour gérer les chénopodes. L’arracheuse à pneus a l’avantage d’arracher complètement les adventices, alors que l’écimeuse laisse le système racinaire en place. »