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Maïs riches en huile

Vers une rémunération du lait selon la qualité de sa matière grasse ?


TNC le 12/02/2019 à 05:57
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Les maïs riches en huile ont une incidence sur la qualité nutritionnelle du lait en modifiant le profil des acides gras. Michel Welter, gérant de la ferme des 1 000 vaches et utilisateur des maïs RH, affirme : « Le lait produit avec ces maïs présente la même composition qu'un lait produit à l'herbe. » Ainsi, Panam semences espère que les laiteries et les producteurs trouveront un accord pour créer une filière qui rémunère davantage les éleveurs capables de produire un lait répondant aux attentes des consommateurs.

Depuis 20 ans, le semencier Panam semences sélectionne des variétés de maïs avec l’objectif d’augmenter leur teneur en huile. Qui dit matière grasse dit énergie, soit la possibilité d’améliorer la production laitière des vaches qui consomment ce type de maïs. En effet, l’huile serait cinq fois plus énergétique que l’amidon.

+ 1,2 à + 1,9 litre/jour/VL grâce aux maïs riches en huile

Grâce à leurs germes plus volumineux, les maïs RH ont une teneur en huile du grain comprise entre 6 et 7 %. À titre de comparaison, les maïs « classiques » ont une teneur en huile de 3 %. Le semencier propose même une gamme de maïs RH+ dont la teneur en huile se situe entre 10 et 12 %.

Trois instituts techniques se sont penchés sur cette particularité. Les expérimentations menées à l’Inra Saint-Gilles montrent que l’association herbe-maïs RH permet une amélioration des performances (plus de lait et plus de protéines) au détriment du TB qui diminue légèrement. La ferme des Trinottières (Maine-et-Loire) conclue quant à elle à une augmentation de la production laitière grâce aux maïs riches en huile avec cependant une dilution des taux. Enfin, l’essai de la ferme expérimentale de Agroparistech révèle également une augmentation de la production laitière et de la matière utile ainsi qu’une ingestion plus importante. En regroupant ces trois études, Panam semences est en mesure d’affirmer que l’augmentation de la production laitière est de l’ordre de 1,2 à 1,9 litres.

Parmi 400 élevages producteurs de maïs RH, la ferme des 1 000 vaches à Drucat (Sommes) a sauté le pas il y a trois ans. Michel Welter, gérant de l’exploitation témoigne : « La première année, nous n’avions semé qu’une seule parcelle en maïs RH ce qui nous remplissait un silo complet. On a vraiment vu la différence lorsqu’on a changé de silo : les vaches étaient dans un meilleur état d’engraissement et les fraîches vêlées reprenaient plus vite. L’ingestion était meilleure, la production a grimpé au détriment de la matière grasse qui a légèrement diminué. »

Mixer l’apport énergétique en associant plusieurs maïs en semis intercalés

Aujourd’hui, les maïs riches en huiles représentent plus d’un tiers de la surface en maïs de la ferme des 1 000 vaches (90 ha sur 250 au total). Les vaches y tournent d’ailleurs en moyenne à 30 litres, 34 de TP et 42 de TB. « Cette année, on prévoit des semis intercalés : 1/3 de maïs RH, 1/3 de maïs RH+ et 1/3 de maïs dentés. » En effet, les experts préconisent d’associer les maïs RH+ (les plus riches en huile, jusqu’à 12 %) avec du maïs conventionnel pour obtenir une teneur moyenne de 7 % d’huile et ainsi mixer l’apport énergétique par les matières grasses avec celui de l’amidon. « Remplacer une partie des apports énergétiques de l’amidon par l’huile permet entre autre de réduire les risques d’acidose », explique Frédéric Poujaud, gérant de Panam semences.

Il poursuit : « Nos maïs sont fortement décriés par nos concurrents car leur rendement reste inférieur aux maïs « classiques ». En effet, nous n’avons que 20 ans de recherche derrière nous, contrairement aux autres semenciers qui sélectionnent depuis bien plus longtemps. En revanche, nous progressons assez vite pour rattraper notre retard : les rendements des variétés RH se rapprochent des variétés conventionnelles (110 qx/ha contre 130 en moyenne en variétés classiques). »

Plus d’énergie à l’ha grâce à la richesse en matière grasse.

« Les maïs RH sont bien adaptés aux élevages biologiques : ils apportent plus d’énergie à l’ha et fournissent un aliment plus concentré. Ils sont également utilisés chez les éleveurs qui transforment leur lait car la ration est moins riche en amidon. » Pourtant, ces variétés ont d’abord été développées pour les monogastriques en vue de produire du maïs grain humide riche en énergie pour les porcs. « Ce sont les éleveurs laitiers qui nous ont sollicité pour essayer ces variétés dans leurs étables », se rappelle Frédéric Poujaud.

Un lait de meilleure qualité : une aubaine pour les industriels… et les éleveurs

Le lait produit à partir de rations composées de maïs RH a été analysé. Sa composition nutritionnelle ne serait pas la même qu’un lait produit avec du maïs « classique ». Les résultats des expérimentations menées à la Trinottière et à Agroparistech sont formels : le profil des acides gras du lait est différent. En effet, les acides gras saturés sont remplacés par des acides gras insaturés.

Pour rappel, les acides gras insaturés (plus connus sous le nom d’Oméga 3, 6 ou 9) sont essentiels : l’Homme ne peut les synthétiser lui-même. Les nutritionnistes recommandent d’ailleurs de privilégier ces acides gras insaturés et de limiter les saturés, mauvais pour la santé lorsqu’ils sont consommés en excès (cholestérol, diabète, hypertension…). « Pour les industriels laitiers, ce lait de meilleure qualité nutritionnelle correspond parfaitement aux demandes des consommateurs qui sont de plus en plus regardants », affirme le gérant de Panam.

Des éleveurs mieux rémunérés en livrant un lait de qualité pour le consommateur.

Selon lui, les laiteries pourraient mieux valoriser ce lait en créant une filière dédiée : « Les éleveurs leur fournissent un aliment de qualité qui répond aux exigences nutritionnelles. De la même façon que les produits issus de la filière Bleu blanc cœur, le lait produit est riche en oméga 3. En revanche, il coûte moins cher à produire pour les éleveurs car il est fait à partir d’une ration maïs et non pas par l’ajout de graines de lin ou autres aliments coûteux. »

Pour Frédéric Poujaud, une concertation entre les éleveurs et les industriels est indispensable et chacun doit pouvoir tirer son épingle du jeu : « Les industriels doivent de leur côté être prêts à mieux rémunérer les producteurs qui leur fournissent un lait d’une telle qualité ! »

On fait du lait de pâturage 365 jours de l’année avec des vaches en bâtiment et une ration maïs.Le profil des acides gras et la teneur en acide oléique du lait produit à partir des maïs RH est proche de celui d’un lait issu d’une alimentation à l’herbe. Michel Welter de la ferme des 1 000 vaches se plait à dire : « L’analyse infrarouge nous a révélé une chose incroyable : on produit un lait de pâturage 365 jours de l’année avec des vaches en bâtiment et une ration maïs. » Même s’il n’est pas convaincu que les industriels soient prêts à payer plus pour une meilleure qualité, il affirme qu’il continuera à utiliser des maïs riches en huile : « Certes, les doses me coûtent un peu plus chers (environ 90 €/dose) mais ce surcoût est largement compensé par le lait produit en plus. »