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Partages d'expériences

Une mini-laiterie du Burkina Faso vient chercher des idées en Auvergne


AFP le 10/11/2019 à 14:28

« Chez nous les Peuls, un repas n'est pas complet s'il ne se termine pas avec du lait » : pour encourager la production de « lait local » au Burkina Faso, Moktar Diallo, gérant d'une mini-laiterie à Ouagadougou, est venu chercher des idées dans les montagnes de l'Auvergne, en plein centre de la France.

Cette région a accueilli de nombreux participants africains lors du Sommet de l’élevage en octobre près de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Éleveurs ou ministres de l’agriculture de pays sahéliens y ont multiplié les visites dans des fermes ou organismes agricoles. L’Afrique de l’ouest aimerait augmenter son autonomie laitière, estimée à seulement 50 % des besoins dans les pays de la communauté économique des États de l’Afrique de l’ouest (Cedeao).

« En ville, notre lait est le plus souvent du lait en poudre importé » d’Europe ou d’ailleurs, explique Moktar Diallo, en caressant un veau dans la ferme de Pascale Chassard, productrice de fromages Saint-Nectaire à Saint-Diery dans le Puy-de-Dôme. L’été dernier, la sécheresse a frappé dur dans ce coin du Massif Central. Les prairies d’ordinaire verdoyantes se sont transformées en paillasses poussiéreures. De quoi rapprocher Moktar, Alimata Ouedraogo, responsable de la mini-laiterie « la vache enchantée » à Ouagadougou, Fatimata Diallo, présidente de la laiterie coopérative Suudukosam (la maison du lait) dans le Sahel, et les éleveurs auvergnats.

« Ghapal » au Sahel, « Lissove » en Auvergne

Pascale leur explique la surveillance en continu de la qualité de l’herbe et des microbes du sol que ses vaches consomment, dans le but d’améliorer la qualité du lait et le goût des fromages. Fatimata raconte son quotidien avec 13 producteurs, dont certains en brousse, qui lui rapportent chacun entre 2 et 10 litres de lait par jour. Outre des yaourts, elle fabrique du ghapal et des dégués, desserts à base de lait ou de yaourt mélangé avec de la farine de petit mil. En Auvergne, « ce genre de dessert s’appelait une « lissove » autrefois », sourit Pascale Chassard, une préparation à base de lactoserum (sous-produit du lait) et de farine de sarrazin.

Historiquement, en zone de montagne, la fabrication même du fromage est venue du besoin de conserver le lait. Un autre rapprochement possible avec le Sahel, où réfrigérateurs et chambres froides manquent. « Le système des mini-laiteries au Burkina Faso ressemble à celui des fruitières de Comté, qui réunissent beaucoup d’éleveurs mettant en commun leur production de lait pour réaliser ensemble un seul fromage », remarque Pascale. Mais, outre la maîtrise de la chaîne du froid et l’amélioration de la collecte du lait, Moktar, Fatimata et Alimata ont bien d’autres problèmes à régler : comment augmenter la quantité de lait d’un cheptel insuffisamment productif, pas assez nourri et vulnérable aux changements climatiques ? Comment gérer la commercialisation et lutter contre la concurrence du lait en poudre réengraissé importé, beaucoup moins cher que le lait local ? « Tout ce que nous fabriquons, le supermarché le prend et nous pourrions en faire plus ! », dit Moktar. « Quelle chance ! » répond Pascale, qui leur conseille quand même de se méfier de la grande distribution.

« Nos bergers sont tués »

« Face à eux, vous devez constituer des organisations de producteurs pour garder la valeur ajoutée de vos produits » dit-elle. De son côté, elle a développé la vente directe à la ferme, via internet et dans les marchés locaux. Même chose en amont. Le regard d’Alimata s’illumine lorsque Pascale lui explique que les producteurs de la région sont organisés en coopérative pour l’achat en commun des intrants nécessaires à la confection des fromages, comme les ferments lactiques par exemple. « Nous manquons tellement souvent de ferments pour nos yaourts ! » dit-elle, « et nous dépendons d’un seul fournisseur qui les vend très cher ». « Si vous vous groupez, ce sera plus facile », conseille Pascale.

Mais au chapitre « transhumance des troupeaux », plus pratiquée au Sahel qu’en Auvergne, Fatimata ne trouve pas de réponse face à la violence quotidienne qui menace la pérennité de sa laiterie : « Nos bergers sont tués, et les troupeaux disparaissent du jour au lendemain. » La région du Sahel est en proie à une flambée de violence jihadiste, touchant Mali, Burkina Faso et Niger, ainsi qu’à des conflits intercommunautaires meurtriers.

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