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Reportage à l'Earl des Fresnes (76)

Une « grosse ferme » qui fait vivre cinq personnes


TNC le 16/05/2022 à 06:02
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L'atelier lait est saturé pour fonctionner à l'optimum. (©TNC)

À l'EARL des Fresnes en Normandie, Philippe Levavasseur est attaché à créer de l'embauche. Et ses quatre salariés à temps plein contribuent à la résilience de la ferme, au même titre que la complémentarité entre les productions.

Installé depuis 2006, Philippe Levavasseur est la 5e génération sur la ferme située à l’est de Rouen en Seine-Maritime. Il élève 100 vaches laitières et leur suite et exploite 200 ha, « une grosse ferme comme disent certains, mais qui fait vivre cinq personnes », fait remarquer Philippe. En effet, s’il est le seul décisionnaire dans les faits, il est épaulé de ses quatre salariés (et de son père de façon ponctuelle).

Jusqu’à 6 UMO sur la ferme

« Chacun a sa spécialité selon ses compétences et ses préférences, explique le chef d’exploitation. L’un est plutôt sur la plaine et sur le site des élèves, le second est responsable du troupeau laitier, le troisième gère tout ce qui concerne les effluents, le nettoyage et aide dans les champs, et le quatrième est menuisier de formation : il gère tous les aménagements, les réparations… Et j’embauche aussi mon père 20 h/mois. » Philippe quant à lui, jongle entre les différents ateliers et consacre 1,5 j/semaine au bureau, il « ne délègue rien de la paperasse ».

L’EARL Levavasseur en quelques chiffres :
5 à 6 UMO (Philippe, chef d’exploitation, et 4 salariés à 36 h/sem + son père ponctuellement)
200,7 ha de SAU – la moitié en SFP (maïs, prairie, luzerne), le reste en blé, orge, colza, lin textile et betterave sucrière
100 à 110 VL de race Prim’holstein
1,027 M de référence laitière (Sodiaal)
Production moyenne : 10 000 l/VL
Taux moyens : 42/34
1/3 des femelles inséminées en croisement viande pour l’atelier d’engraissement de la ferme
SARL de travaux agricoles (principalement pour les travaux de lin)
Activité de gites

Si chacun est réparti par domaine de prédilection, la diversité sur la ferme permet aux salariés de toucher un peu à tout et de ne pas faire le même travail toute l’année (d’autant plus via l’activité de travaux agricoles).

Il n’y a pas de routine dans la diversité…

Et Philippe y tient : « Certaines tâches sont moins drôles, il faut donc faire des roulements et travailler à plusieurs. Trois personnes sont également capables d’effectuer tous les travaux de la ferme. »

« Je ne fixe pas d’objectif, mais je mets un point d’honneur à ce que tout le monde se sente bien. Le but, c’est de garder le plaisir à travailler pour les salariés. Et de mon côté, ça me conforte à maintenir toutes les activités. » Et ça fonctionne : le dernier embauché sur la ferme l’a été il y a neuf ans.

Objectif : ne pas subir le travail sur la ferme

« Je suis attaché à garder un esprit familial, poursuit-il. On prend le temps d’échanger tous ensemble, je leur communique les résultats, et tout le monde prend part à l’évolution de l’exploitation. »

Très engagé en dehors de la ferme (syndicalement, dans la Cuma, au sein de sa coopérative…), Philippe s’absente une journée par semaine et partage un planning en ligne avec son équipe pour mieux s’y retrouver.

« Je suis aussi père de famille et j’essaie de me dégager du temps libre. » Il y parvient 1 week-end/mois et 4 à 5 semaines dans l’année. Il teste actuellement l’outil Aptimiz qui mesure et analyse automatiquement le temps de travail passé dans chaque atelier. L’objectif : optimiser encore davantage les temps de chacun.

Alors quand on lui parle de transformation laitière, l’éleveur répond : « C’est trop d’astreinte, d’investissements et de normes à respecter. Ici on joue la carte volume, et ça fonctionne alors pourquoi se compliquer ? » Il produit quelques colis de viande dans l’année et du jus de pomme pour le plaisir mais rien de très représentatif.

La résilience, c’est la diversité des ateliers

S’il a appris beaucoup de choses en 15 ans, Philippe Levavasseur a aussi fait progresser la pérennité de sa structure. « C’est la complémentarité entre toutes les productions qui fait la résilience : il y en a toujours une qui va bien et d’autres un peu moins bien. »

L’éleveur a pourtant vécu deux années particulièrement difficiles : « J’ai combiné deux installations : la première avec une douzaine d’années d’endettement, puis quand mon père est parti en retraire j’ai racheté ses parts alors qu’il me restait deux années à payer de ma précédente installation. Heureusement, je n’aurai pas ça à revivre, mais ça a été difficile… » Et à cette époque, hors de question de se séparer d’un salarié : « On s’est débrouillé pour trouver une autre source de revenu. On a par exemple fait des travaux d’éparage dans les communes. »

« Même si le métier est usant et imprévisible, la diversité me plait, je me vois vieillir comme ça », racontait Philippe Levavasseur à l’occasion d’une porte ouverte. (©TNC)

Les résultats de l’exploitation sont plutôt bons, « dans la moyenne, voire au-dessus du groupe lait », mais la main d’œuvre pèse : « J’ai toujours 50 à 60 000 € de salaire en plus que les autres. »

Chiffres économiques (exercice 2020-2021) :
EBE : 163 152 €
EBE/produit : 22 %
(à noter, charges de personnel élevées : 101 270 €)
MB atelier lait : 254 €/1000 l, ou encore 2 981 €/ha

S’il garde l’objectif de se dégager plus de temps (et pourquoi pas d’embaucher un nouveau salarié si les finances le permettent), Philippe apprécie son statut de chef d’entreprise et seul décideur : « Je suis très bien où je suis. Même si l’on prend certainement de meilleures décisions à plusieurs, on les prend plus vite tout seul. Et j’ai été associé à mon père au début ; je ne manque pas de lui demander son avis quand j’ai besoin d’ouvrir la réflexion. »