Sur 26 ha de SAU, Léo Girard dépend de ses voisins pour nourrir son troupeau
TNC le 08/11/2019 à 05:51
La ferme de Léo Girard, éleveur dans la Drôme, tourne à plein régime. Problème : elle ne dispose que de 26 hectares de SAU, pas suffisant pour lui permettre d’être autonome en fourrage. Il doit ainsi acheter chaque année 150 tonnes de luzerne sur pied, qu’il sèche en grange. Au moins le double de surfaces serait nécessaire pour sécuriser son système. Une vraie difficulté dans une région où le foncier est cher et convoité.
Installé en 2013 à la tête d’un troupeau de brebis laitières, Léo Girard a fait le choix de la diversification. La ferme compte aujourd’hui 140 Lacaunes, 40 à 60 porcs et une trentaine de bovins de race Aubrac. Trois ateliers auxquels viennent s’ajouter chaque année la production d’environ 20 tonnes d’ail semences.
La ferme, située à la Baume Cornillane, au pied du Vercors, commercialise 100 % de ses produits en vente directe (sauf l’ail) sous label bio, et emploie aujourd’hui 5 salariés. Avec un EBE d’environ 60 000 €, « l’entreprise fonctionne bien, se félicite le jeune homme âgé de 28 ans, mais mon système reste précaire. Il faudrait atteindre 50 à 60 hectares de SAU pour sécuriser l’autonomie fourragère et protéique. »
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Un séchage en grange pour maximiser le nombre de coupes de luzerne
Léo Girard dispose actuellement de 26 ha de SAU dont 8 en propriété, vendues en 2014 par la Safer au prix de 8 000 €/ha. Des surfaces qui lui permettent d’auto-produire 50 tonnes de foin de luzerne (12 à 13 t/ha) ainsi que de l’orge (3 à 5 ha/an pour un rendement d’environ 38 q/ha). Pour compléter ses besoins en fourrage, le jeune éleveur doit néanmoins acheter chaque année 150 tonnes de luzerne sur pied aux céréaliers des environs.
Équipé d’une remorque auto-chargeuse, il réalise lui-même les chantiers de coupe. Du 15 avril à la fin août, et en automne lorsque la météo est clémente, 40 ha de luzerne sont ainsi récoltés en vrac puis séchés en grange. « C’est un argument qui a joué en ma faveur pour convaincre mes voisins de me vendre leur marchandise, pointe-t-il. Notre système de séchage permet de faucher dix jours plus tôt, ce qui garantit au minimum trois coupes en sec, et 5 à 6 coupes sur les parcelles irriguées. Les propriétaires sont gagnants. De plus, la rapidité de récolte fait qu’on n’abîme jamais les parcelles. » Prix de vente : De 50 à 60 €/t. Depuis la mise en place du séchage en grange, en 2015, la diminution du nombre d’interventions aux champs a également permis de réaliser d’importantes économies de carburant sur la ferme : « On fait deux fois plus de luzerne qu’avant avec la même quantité de gasoil. » 30 tonnes d’orge C2 sont aussi achetées à l’extérieur (290 €/t).
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Être dépendant des céréaliers pour avoir suffisamment de fourrage
Côté équipements, le système de séchage en grange, prévu dès le départ pour être intégré au bâtiment attenant à la bergerie se compose de deux cellules de 1 200 m3. Un unique ventilateur est couplé à un coffret de régulation et à un système de récupération de l’air chaud sous toit ; l’ensemble est alimenté par 50 m2 de panneaux solaires délivrant une puissance de 9 kW. Un investissement dont le coût s’élève à 65 000 €, remorque auto-chargeuse (d’occasion) et griffe (neuve) comprise, hors panneaux solaires.
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Autre atout majeur du système, la valeur nutritionnelle des fourrages récoltés qui en fait produit de premier choix :
Foin de luzerne 3e coupe 2019 – analyses | ||
Sec | Brut | |
Matière sèche | 90,9 % | |
Humidité | 9,1 % | |
Matière minérale | 11,0 % | |
Matière organique totale | 89,0 % | |
Cellulose brute | 281,7 g/kg | 256,0 g/kg |
Protéines | 206,8 g/kg | 187,9 g/kg |
Valeurs nutritives (résultats sur sec) | ||
DMO | 62 % | |
UFL | 0,70 | |
UFV | 0,60 | |
PDIE | 102 g/kg | |
PDIN | 133 g/kg | |
PDIA | 59 g/kg |
Unités d’encombrement | ||
UEL | 1,08drom | |
UEB | 0,93 |
« Faire soi-même ses luzernes est une chance car cela permet de maîtriser la qualité, reconnaît Léo Girard. Mais j’aimerais me sentir moins dépendant, sans compter le risque que plusieurs propriétaires décident de labourer et qu’on n’ait pas assez de fourrage à faire, bien qu’il soit improbable qu’ils l’enlèvent tous en même temps. Heureusement, nous avons la chance d’avoir des céréaliers autour, ils en ont besoin dans leur assolement. » En effet, ce type d’échange leur permet de diversifier leurs cultures, comme l’expliquait Thierry Fertel dans un précédent reportage.
Dans la Drôme, des terres vendues 13 000€/ha non-irrigable
Sans pistes de foncier concrètes pour l’instant, le jeune chef d’exploitation déplore l’augmentation du prix des terres agricoles dans le sud du département de la Drôme. « Certes nous sommes sur un secteur de cultures à fortes valeurs ajoutée. Mais surtout, il y a une nouvelle référence de prix qui a été récemment prise en compte par la Safer, à 13 000 €/ha, sans accès à l’eau, pour un projet à vocation non-agricole porté par une SCI. Les instances de la Safer répondent qu’elles ne peuvent rien faire. Pour ma part, je ne sais pas amortir un hectare à ce prix avec de l’élevage. Je souhaiterais d’ailleurs plutôt louer, mais lorsque vos parents ne sont pas agriculteurs comme les miens, c’est un frein – il ne faut pas se le cacher. »
Valoriser ses jeunes bovins en bio : la vente directe en caissettes
Léo commercialise ses jeunes bovins en caissettes de 10 kg. L’objectif : proposer une bête par mois. Deux types de produits sont principalement proposés aux clients :
– Veau mâle abattu à 8 mois (les femelles étant gardées pour le renouvellement)
Poids carcasse : 180 kg
Rendement 70 %
Prix de vente 17,20 €/kg
10 à 12 caissettes/veau
Estimation du coût de production hors MO : 1 000 € nets/animal
– Broutard mâle abattu entre 12 et 14 mois
Poids carcasse 310 kg
Rendement 71 %
Prix de vente 15,20 €
18 à 20 caissettes/broutard
Estimation du coût de production hors MO : 1 300 € nets/animal
La finition des jeunes veaux ne donne toutefois pas entière satisfaction à l’éleveur. « La viande est rosée sur les deux types de produits, mais l’état d’engraissement est bien meilleur sur les animaux plus âgés, et nos clients ne comprennent pas forcément l’écart de prix. » La valorisation est également moins marquée que pour le broutard, un produit sur lequel l’éleveur souhaite à terme réorienter l’ensemble de sa production viande bovine.