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Pâturage tournant dynamique

Remettre l’herbe au cœur des élevages en zones céréalières


TNC le 20/02/2020 à 06:04
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En Nouvelle Aquitaine, tandis que les cultures remplacent de plus en plus souvent l'élevage et les prairies, scientifiques et éleveurs se sont penchés sur un système de pâturage tournant dynamique productif et économe. Baisse des charges (fertilisation et aliments) et performances équivalentes du troupeau, les résultats sont positifs. À tel point que certains élevages comme le Gaec La Coutancière (85) ont réduit leur surface de cultures de vente au profit du pâturage.

Au retour d’un voyage en Nouvelle-Zélande, un groupe d’éleveurs des Deux-Sèvres décide d’optimiser l’utilisation des prairies pour mieux maîtriser ses charges. Une expérimentation de terrain de grande ampleur est alors lancée pour évaluer l’efficacité technique et économique d’une méthode de pâturage tournant dynamique (PTD). Après 5 ans d’expérimentation sur 131 élevages de Poitou-Charentes et de Vendée, l’heure est aux conclusions.

Peu d’azote et moins de concentrés grâce au pâturage

La méthode de PTD étudiée repose sur trois fondamentaux :

– l’entrée des animaux dans le paddock au stade trois feuilles des graminées où la croissance végétative est maximale ;

– un temps de présence de trois jours maximum pour ne pas pâturer les repousses ;

– la sortie des animaux avant qu’ils ne consomment la gaine des graminées pour maximiser le rendement des pâturages suivants.

Le temps de retour des animaux fluctue selon les conditions météo et la disponibilité en nutriments : de 20 jours au printemps dans les zones Vendée et ex-Poitou-Charentes, à 90 voire 120 jours si la sécheresse estivale se prolonge. « Nous n’incitons pas aux systèmes 100 % herbe car nous subissons davantage de sécheresses, souligne Alice Poilane, une des ingénieures en charge du projet à la Caveb. L’objectif est de valoriser au maximum les prairies au printemps et à l’automne, voire l’hiver. »

Étudiées dans des zones différentes aux conditions pédoclimatiques diverses, les prairies conduites en méthode Herby montrent une productivité comparable aux références régionales, toutefois obtenue avec une faible fertilisation en azote. L’explication probable est la présence satisfaisante de légumineuses dans ces parcelles, ainsi que le retour de nutriments assuré par la présence des animaux.

Du point de vue de la valeur nutritive de l’herbe, les analyses révèlent une qualité élevée (en lien avec les légumineuses) et stable au cours des années. Dans la plupart des situations, les prairies Herby permettent une bonne couverture des besoins des animaux allaitants et laitiers, et un bon équilibre entre énergie et protéines.

En bovin viande, l’étude ne met pas en évidence un moindre coût alimentaire pour les éleveurs pratiquant la méthode Herby. Ils constatent cependant une baisse des coûts sur ces surfaces (qui s’explique notamment par la diminution voire la disparition des apports en fertilisation). Dans le cas des systèmes naisseurs, il apparaît aussi que les coûts de carburants-lubrifiants sont réduits avec l’augmentation de la part de SFP en pâturage Herby. Quant aux performances de croissance des veaux allaitants, elles sont équivalentes voire meilleures.

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Du côté des laitiers, le volume de lait par vache et le TB baissent pendant les périodes de pâturage, tandis que le niveau cellulaire est le plus souvent amélioré pour les troupeaux conduits en Herby. Les coûts de concentré sont inférieurs de 20 €/1 000 litres en moyenne, et la marge sur coût alimentaire est maintenue voire améliorée. Les éleveurs semblent raisonner leur atelier différemment : ils acceptent une plus grande variation du niveau de production, compensée par un coût alimentaire plus faible.

« Nous arrêtons des cultures pour augmenter le pâturage »

Avec son frère, Christian Giraudeau gère un troupeau de 125 Charolaises sur 125 ha. Ils produisent 125 jeunes bovins mâles par an. « Nous avons débuté avec 19 ha de pâturage en méthode Herby il y a trois ans et nous atteindrons 45 ha en 2020. Nous avons pour cela arrêté deux cultures de vente en 2019 : les haricots de conserverie et le chanvre. En revanche, nous sommes passés de 12 à 20 ha de ray-grass semence car cette production permet de valoriser de l’herbe.

Le pâturage est l’alimentation la moins chère. L’évolution de notre système permet de réduire les achats d’aliments et d’intrants pour les cultures, de baisser les charges de mécanisation et d’alléger le travail. L’objectif est de nourrir le minimum d’animaux en bâtiment dans notre troupeau de souche. Ainsi, nous pré-engraissons les femelles à l’herbe. Les poids de nos veaux à 120 et 210 jours ont progressé et sont désormais supérieurs aux références de Bovins croissance pour le quart supérieur des élevages vendéens.

Nous avons 30 ha en paddocks de 50 ares et 15 ha en paddocks d’1 ha. Les animaux restent en général deux jours. Nous adaptons la taille des lots selon la pousse. C’est vrai que le pâturage est davantage soumis à la météo : il faut observer ses parcelles, anticiper, s’adapter et réajuster en permanence. Mais nous préférons aller voir nos vaches dans les prairies que faire des heures de tracteur. »

« Nous ne sommes pas en mesure d’affirmer que les résultats obtenus avec la méthode Herby sont significativement meilleurs, résume en conclusion Anne Farruggia, ingénieure spécialiste des prairies à l’Inrae de Saint-Laurent-de-la-Prée (17). Le fait de travailler dans les conditions réelles d’exploitations agricoles génère de l’hétérogénéité. En revanche, ce projet a réussi l’exploit de remettre le pâturage au centre des systèmes en tant qu’option efficace sur les plans économique, écologique et du bien-être des animaux et des éleveurs. C’est le résultat le plus important à mes yeux. » À ce jour, l’ensemble des éleveurs engagés ont décidé de poursuivre avec la méthode Herby sur 2 700 ha de prairies, et plusieurs formations sont programmées pour de nouveaux candidats.

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