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Bovin viande

Produire du bœuf plutôt que d’exporter les broutards ?


TNC le 30/11/2022 à 05:01
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Pour bien valoriser les mâles limousins, la Ferme expérimentale a choisi de proposer des bœufs bien finis de 31-32 mois et de conformation U -. (© Ferme expérimentale de Thorigné d'Anjou)

Si une partie des broutards est aujourd'hui exportée, la production de bœuf pourrait permettre aux éleveurs de valoriser l'intégralité des animaux issus de leurs troupeaux et ainsi capter de la valeur ajoutée. La production de bœuf, si elle est bien menée, répond d'ailleurs aux standards de consommation français, en proposant une viande équivalente à celle des jeunes vaches de réforme.

Près de la moitié des veaux mâles issus des exploitations françaises sont destinés à l’export de broutards d’après la synthèse des données économiques des filières bovines publiées par l’Institut de l’élevage. La question de la valorisation des mâles se pose plus encore pour la filière bio, au sein de laquelle les trois quarts des mâles retrouvent le circuit conventionnel pour l’engraissement, en France ou à l’export. Dans ce contexte, la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou a cherché à évaluer l’intérêt de redévelopper la production de bœuf bio au sein des exploitations françaises. Les résultats des travaux ont été présentés à l’occasion de Tech’Elevage.

Un système bio rentable

Engraisser des bœufs sur l’exploitation suppose d’adapter son chargement. « Se lancer dans l’engraissement de bœuf, c’est passer par une phase de capitalisation, et une légère diminution du nombre de mères pour assurer l’autonomie alimentaire du troupeau », note Bertrand Daveau, ingénieur recherche à la Ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou. À surface constante, produire un bœuf de 31-32 mois demande d’avoir 0,75 vêlage en moins sur la ferme.

La production de bœuf par rapport à la vente de broutards permet de dégager un produit viande plus important, à chargement constant en UGB. En passant de 94 vêlages avec vente de broutards, à 78 vêlages accompagnés de l’engraissement d’une vingtaine de bœufs, l’équation est gagnante pour la ferme de Thorigné d’Anjou, en agriculture biologique. L’engraissement des bœufs permet de dégager une marge brute supérieure de 5 750 € (avec des bœufs valorisés 5,40 €/kg pour des broutards vendus 990 €). 

Il est possible de faire de la viande de qualité avec des bœufs

Les interrogations sur la qualité de la viande peuvent également freiner les éleveurs, mais la ferme expérimentale de Thorigné d’Anjou a comparé les qualités organoleptiques de la viande issue de 12 bœufs, et de 12 jeunes vaches. Les deux types d’animaux ont présenté des qualités comparables. Les seuls points de différence concernaient l’appréciation de la tendreté, subtilement portée en faveur de la viande issue de bœuf, et de la couleur de surface où c’est cette fois la vache de réforme qui disposait de la couleur la plus prononcée, mais les bœufs ont été abattus plus jeunes. Quoi qu’il en soit, « on voit qu’il est possible de faire de la viande de qualité avec des bœufs, à condition de bien finir la les animaux », conclut Julien Fortin. 

Une filière structurée en bio, à construire en conventionnel

« Sur la filière bio, pour l’opérateur avec lequel nous travaillons (Unebio) la filière est structurée et permet de valoriser des bœufs, mais c’est beaucoup moins évident pour la filière conventionnelle », admet Bertrand Daveau. L’appellation bœufs regroupe en effet des animaux assez hétérogères en termes de caractéristiques de carcasse, ce qui peut être un frein au développement de la filière. « Tout l’enjeu est de construire et promouvoir un itinéraire technique éprouvé pour des caractéristiques de carcasse mieux connues, afin d’obtenir une viande comparable à celle obtenue avec des jeunes vaches de réforme. »

Jouer sur les croissances compensatrices

Produire des bœufs est relativement long. Pour optimiser son itinéraire technique, Julien Fortin conseille de mettre en place des sevrages tardifs pour maximiser les croissances sous la mère, et de jouer avec les croissances compensatrices après le sevrage. 

Les Limousines de la ferme de Thorigné d’Anjou sont conduites en deux saisons de vêlages, l’occasion d’expérimenter deux itinéraires d’élevage. Les veaux nés au printemps ont été élevés exclusivement au pâturage, avec le lait de leur mère. « L’objectif est de bien nourrir les mères pour qu’elles puissent exprimer leur potentiel laitier, plutôt que de complémenter les veaux, même pendant les creux de production. » Le sevrage a eu lieu courant novembre, avec des animaux de 7 à 8 mois. La ration en bâtiment se compose alors d’ensilage de cerpro (ou méteil), complémenté avec du foin ou de la féverole.

Les veaux nés à l’automne ont été complémentés au bâtiment durant l’hiver, avec 1,2 kg de concentré autoconsommé à base de triticale pois et féverole. Cette complémentation est arrêtée lors de la mise au pâturage, et ce jusqu’au sevrage. « On observe une phrase délicate à la mi-juin avec le sevrage, la castration, la transition alimentaire, et ce à une période où la ressource en herbe peut être limitante », souligne Bertrand Daveau. Les animaux sont ensuite conduits au pâturage. « La ration hivernale limite la croissance, autour des 500 g de GMQ, mais cela permet de bénéficier d’une croissance compensatrice au pâturage, avec des GMQ à plus de 900 g. »

De meilleures performances avec les veaux de printemps

La finition a été entreprise à 27 mois. Environ 8 kg de MS de fourrage (enrubannage ou foin de luzerne, cerpro et foin…), et 6 kg bruts de concentré fermier (triticale pois) pour une durée d’engraissement de 132 jours pour les bœufs nés au printemps, et 166 jours pour ceux nés à l’automne pour des poids de carcasse avoisinant les 500 kg. Les veaux de printemps affichent des croissances autour de 1 350 g par jour, qui font suite à une période de plein pâturage. L’engraissement hivernal demande environ un mois supplémentaire avec des croissances autour de 1 100 g par jour.