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Filière laitière

Pâturage, non OGM et autres démarches : vers quel standard demain ?


TNC le 06/08/2020 à 06:07
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Pour mieux valoriser les produits mais aussi pour répondre à la demande des consommateurs, de nombreuses démarches de segmentation ont vu le jour en filière laitière. Filière non OGM, lait de pâturage, démarches solidaires et/ou territoriales... : où en est-on aujourd'hui et vers quoi allons-nous, surtout depuis la crise sanitaire ? Éléments de réponses du Cniel et de l'Idele.

Consommer plus responsable : voilà la tendance actuelle. Mais cela passe par différents aspects, notamment l’anti-gaspillage, le local, l’environnement, le bien-être animal ou encore l’équitable. Du côté de la filière laitière, les démarches de segmentation se multiplient ces dernières années. Lait de pâturage, alimentation non OGM, lait sans antibiotiques, bas carbone, démarche territoriale ou encore solidaire…

À l’occasion de l’évènement Grand angle lait organisé par l’Institut de l’élevage, Benoît Rouyer du Cniel et Benoit Rubin de l’Idele ont fait le point sur le sujet.

De grandes disparités entre les démarches actuelles

Depuis 2017, les démarches territoriales et/ou solidaires pour une juste répartition de la valeur se sont amplifiées. « Elles sont soit portées par des collectifs d’éleveurs, soit par les distributeurs, explique Benoît Rouyer. Il y a en revanche de fortes disparités dans le développement de ces démarches. On a tous en tête par exemple « C’est qui le patron ?! » qui s’est fortement développée et représente aujourd’hui près de 40 millions de litres de lait liquide, mais la plupart des autres démarches sont bien plus restreintes, avec des volumes de ventes de l’ordre de 1 à 8 Ml de lait par an. »

Vers des standards lait de pâturage et non-OGM en lieu et place du lait conventionnel ?

« Concernant le lait de pâturage, les Pays-bas ont été les précurseurs et aujourd’hui, 80 % des exploitations du pays suivent le même cahier des charges (120 jours de pâturage par an). » Benoît Rouyer explique en revanche qu’en France, l’offre « lait de pâturage » qui se développe est souvent combinée avec des engagements d’alimentation non-OGM. De plus, le cahier des charges varie d’une laiterie à une autre.

Concernant le « sans OGM », c’est en Autriche que la filière s’est montée : « c’est devenu la norme pour l’intégralité du lait produit dans le pays depuis 2011. » En Allemagne, la démarche s’est également généralisée et elle est devenue un standard : « elle représentait 3 % du lait total du pays en 2011 et a grimpé à 61 % en 2019. Certaines laiteries ne font même plus de lait conventionnel », explique l’expert.

En France, des opérateurs mettent en place des collectes de lait non OGM et certaines laiteries comme Ermitage, Alsace lait, Pamplie ou encore ULM ont basculé dans le non-OGM pour l’ensemble de leur collecte. « En termes de rémunération, les primes varient entre 10 et 15 €/1000 l pour l’alimentation non OGM. Il y a aussi des engagements basés sur un prix de base garanti. »

Des incertitudes du côté des consommateurs depuis la crise…

« Selon un récent sondage Ipsos, les consommateurs sont d’accord pour payer 10 à 20 % plus cher pour des produits locaux. Les intentions sont donc là mais dans le  même temps, on remarque que les français surveillent de près leurs dépenses. Un sondage réalisé pendant la crise sanitaire révèlent que 46 % des français pensent que leur situation économique sera dégradée à 1 an (sondage Nielsen, avril 2020). Face à ça, on ne sait pas très bien quel sera l’équilibre », commente Benoît Rouyer.

Le confinement et ses impacts économiques ont d’ailleurs totalement perturbé la donne. « On s’attend à un recul de 7 à 9 % du PIB prévu en 2020, ce qui nous amène à se questionner sur la pérennité de toutes ces démarches… », confie-t-il.

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… Mais aussi du côté des acteurs de la filière

Pour compléter, Benoit Rubin de l’Idele ajoute : « Concernant les démarches en place (non OGM, pâturage, bien-être animal, local, etc.), on remarque une fourchette de prix très étendue du lait UHT en magasin. Et le plus frappant c’est qu’il n’y a pas de lien entre le cahier des charges et les prix. »

L’expert a conduit une étude sur les stratégies développées par les acteurs de la filière laitière pour mieux valoriser le lait de consommation. Et elle a révélé un autre élément important : les différents acteurs (producteurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs) ne se positionnent pas tous sur les mêmes objectifs ; les démarches ne se mettent pas toutes en place de la même façon. « Concernant la rémunération des éleveurs par exemple, on se rend compte que cet aspect n’est pas l’affaire de tous. Pour la filière « C’est qui le patron ?! », ce critère est porté à parts égales par les 4 acteurs. À l’inverse, pour « mon BB lait » (filière portée par l’association de producteurs Bel Ouest), on voit bien que la réflexion est principalement portée par les producteurs et le transformateur. Le consommateur et le distributeur n’ont pas été associés à la démarche. »

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Côté communication auprès des consommateurs, même constat : il y a différents niveaux de précision et l’expert fait remarquer : « Le rayon lait en magasin est aujourd’hui très étendu. Il est donc important d’informer le consommateur pour l’orienter au mieux dans son achat. »

Pour revenir à la question du prix, l’étude montre qu’il est difficile d’établir une relation entre le produit et son prix. Il reste alors tout un travail d’investigation à faire là-dessus. Quant à la négociation de la valeur du produit en lui-même, Benoit Rubin insiste : « Les éleveurs doivent absolument être impliqués dans la négociation ! »