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« Ports morts »

Opération inédite pour « redonner un avenir à la filière pêche »


AFP le 29/03/2023 à 10:38

Pour la première fois, le comité national des pêches appelle à des journées mortes dans les ports français pour exiger du gouvernement des réponses à une série « d'attaques » fragilisant le secteur, dans un climat de tensions jamais vu depuis la crise du Brexit.

Pas un bateau en mer, pas un poisson vendu, pas de mareyage, pas de transformation : l’opération inédite « filière morte » est prévue jeudi et vendredi, chaque comité local choisissant le ou les jours qui lui conviennent. À Boulogne-sur-Mer, principal port français, où la mobilisation a démarré dimanche soir avec le blocage du port, la criée a fermé dès ce mardi : les pêcheurs ont prévenu les navires européens frayant dans la Manche de ne pas venir débarquer leurs poissons.

« La coupe est pleine et il nous faut redonner un avenir à tous les acteurs de notre filière car aujourd’hui l’horizon est sombre », affirme le comité national des pêches. Il précise que ces journées « filière morte » sont le fruit d’une « action unitaire », coordonnées entre pêcheurs, criées et mareyeurs:  car à terme, « la disparition d’une partie de la flotte menacera directement tout le bassin d’emploi des ports, jusqu’aux usines de transformation ».

Des « réglementations européennes inadaptées »

À l’issue d’une réunion avec le comité national, le secrétaire d’État à la Mer Hervé Berville s’est dit « solidaire de l’esprit du mouvement » et a promis de « renforcer le travail collectif » engagé, notamment contre certaines réglementations européennes, dans une déclaration à l’AFP. Depuis plusieurs jours, la colère monte : manifestations musclées à Rennes ou Lorient, blocages à Boulogne, où le maire Frédéric Cuvillier a appelé dans l’après-midi à « faire front » au niveau européen, contre une réglementation qui va « mettre au ban des métiers, des traditions, des économies et finalement du patrimoine humain ».

Les professionnels dénoncent des « réglementations européennes inadaptées », notamment l’interdiction de la pêche de fond dans les aires marines protégées d’ici 2030, et la décision du Conseil d’État imposant d’ici six mois la fermeture de certaines zones de pêche en Atlantique afin de préserver les dauphins dont les échouages se sont multipliés dans le golfe de Gascogne. Ils réclament le paiement des aides gazole, dont « certaines n’ont pas été versées depuis six mois », et l’harmonisation des règles de contrôle des pêches comme de sécurité des navires en France, où un mille-feuilles administratif complexe paralyse les investissements faute de visibilité. En un mot, ils s’insurgent contre « le désengagement » de l’État.

« Éviter la violence »

Le constat est amer, alors que la flotte française a déjà diminué de plus d’un quart en 20 ans et que la pêche nationale ne représente que 25 % du poisson vendu sur les étals. Après le Brexit, qui a abouti à l’envoi à la casse de 90 navires, les professionnels jugent l’existence même de la filière « compromise par un harcèlement incessant et des soutiens au coup par coup sans accompagnement vers une vision d’avenir ». Ils ont fait part de cette colère au président Emmanuel Macron, dans une lettre ouverte envoyée la semaine dernière et réclament depuis d’être reçus par le chef de l’État.

Dans l’attente d’une réponse, le comité des pêches « appelle tous les représentants professionnels à suspendre leur participation aux instances de gestion environnementales ». Un geste de mécontentement mais aussi le signe d’une détresse profonde, quand depuis cinq ans, « les pêcheurs sont à l’initiative de programmes scientifiques et techniques pour déterminer des solutions d’évitement (sonars répulsifs, filets spéciaux), pour concilier activités de pêche et protection des dauphins » et qu’ils ont « déjà limité les périodes et zones de pêche » pour « prendre soin de la ressource », selon le président du comité, Olivier Le Nézet.

Hervé Berville a renouvelé l’engagement de l’État français à se battre contre le plan européen sur l’interdiction des chaluts de fond et dit sa volonté de « trouver le chemin avec tous les acteurs pour continuer de déployer un plan d’action contre les captures accidentelles de cétacés ». Il s’est aussi engagé à faciliter le « quotidien administratif des pêcheurs ». Cela suffira-t-il ? « Nous voulons éviter tout mouvement de violence. Et c’est pour cela qu’on prévient qu’il faut agir maintenant. Nous voulons maintenant des réponses et un calendrier clair », a déclaré à l’AFP Olivier Le Nézet.