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Reportage chez F. Cattez (62)

Objectif : vêlages 28 mois et minimum 4 lactations


TNC le 25/06/2021 à 05:58
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Dans le Pas de Calais, François Cattez cherche à optimiser sa conduite de troupeau pour limiter la part d’animaux improductifs. En plus d’améliorer les performances économiques de l’atelier laitier, cette démarche permet de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

« En m’installant, j’avais envie de m’impliquer dans une démarche environnementale. Je me suis d’abord intéressé à la certification HVE, mais ça ne concerne que les cultures. Chez moi, l’atelier laitier représente la moitié du chiffre d’affaires, ça aurait été dommage de ne pas l’inclure. » explique François Cattez, éleveur laitier à Aire sur la Lys dans le Pas de Calais. La visite d’exploitation s’est déroulée dans le cadre du projet régional Lait bas carbone Nord Picardie Ardennes. « J’ai été attiré par le bas carbone car cela permet d’optimiser mon exploitation sur le plan technique. En réduisant les émissions de carbone, on peut faire des économies sur certains postes, sans parler de la vente de crédits carbone. Il y a également une attente forte de la part des consommateurs et des politiques, je pense qu’il faut les prendre en compte si on veut continuer à écouler sa marchandise. »

Augmenter la production par jour de vie, en faisant davantage de lactations et en limitant le taux de renouvellement

Après avoir effectué un diagnostic CAP’2ER niveau 2 en 2019, l’éleveur a choisi de concentrer ses efforts sur deux principaux leviers, à savoir : la réduction de l’âge au premier vêlage, et la diminution du taux de renouvellement. L’objectif sous-jacent : augmenter la production par jour de vie pour avoir moins d’animaux sur l’exploitation. Comme le méthane représente 50 % des émissions des GES d’une exploitation laitière, diminuer le nombre d’animaux est le principal levier pour émettre moins de carbone.

Augmenter la part de multipares dans le troupeau laitier

En France, les vaches laitières effectuent en moyenne 2,3 lactations, ce qui revient à une production de 11,1 kg de lait par jour de vie. Dans ces conditions, les animaux sont improductifs durant la moitié de leur vie. Un élevage dont les vaches effectuent 2,6 lactations aura une production d’environ 12,9 kg de lait par jour de vie, et avoisinera les 60 % de temps de vie productif. Mieux vaut raisonner en termes de production par jour de vie : élever une génisse coûte cher, alors autant garder les mêmes vaches longtemps. 

Élever une génisse représente un investissement qui est amorti par les premiers litres de laits qu’elle produit. Plus une génisse vêle tôt, plus l’investissement est faible, et plus vite il est remboursé. Ne pas avoir trop de génisses permet d’éviter de surinvestir, et évite des réformes inutiles. Si l’on ajoute ensuite le fait qu’une multipare produit davantage qu’une primipare, mieux vaut ne pas avoir trop de primipares dans son troupeau. Travailler sur la longévité des vaches est donc un levier pour améliorer sa production. 

En vêlage 24 mois, les vaches sont rentabilisées dès la fin de leur première lactation (©Xavier Sys – Conseiller d’élevage, expert génisses chez Oxygen)

Ma plus vieille vache a 7 ans et part pour sa 5ème lactation

François Cattez effectue aujourd’hui 2,9 lactations par vaches en moyenne, et a pour objectif d’atteindre les 4 lactations sur le troupeau. « Je cherche à faire autant de lait, avec moins de vaches, et éviter les réformes bêtes. » Pour y parvenir, il a identifié ses principales causes de réformes, à savoir la boiterie et les mammites afin de travailler sur ces éléments. « Pour avoir des vaches capables d’effectuer 4 voire 5 lactations, il faut miser sur le bien-être animal. J’ai installé un brumisateur ainsi qu’une brosse dans mon bâtiment pour améliorer le confort. » Le jeune éleveur, qui a repris l’exploitation familiale en 2020, est attentif aux boiteries et pâre régulièrement ses animaux. Le travail sur la génétique aide également. En plus des traditionnels index de production, les caractéristiques morphologiques, ou la locomotion sont à étudier pour éviter les problèmes de boiterie. « La plus vieille de mes vaches a 7 ans, et part pour sa 5ème lactation. Je pense que ça sera sa dernière, mais ça montre bien qu’en prenant soin des animaux ils peuvent aller loin. »

Le taux de renouvellement en France est de 34 %. Cela revient à dire que tous les 3 ans, les troupeaux laitiers sont intégralement renouvelés. François Cattez cherche donc à élever uniquement le nombre de génisses nécessaire au renouvellement, pour passer de 38 %, à un peu plus de 25 % de taux de renouvellement, même si « avoir un peu d’avance peut parfois aider. Lorsqu’une vache boite méchamment, on est bien content d’avoir une génisse d’avance ».

Se donner les moyens du vêlage à 24 mois

Avancer l’âge du premier vêlage, c’est diminuer le nombre de génisses improductives et donc réduire les besoins en aliment, en places dans le bâtiment ou encore en termes de temps de travail. Indirectement, cela permet de réduire les émissions de carbone. « Le vêlage à 24 mois est un vieux sujet, mais les choses changent assez peu dans les étables » déplore Xavier Sys, conseiller d’élevage – expert génisses chez Oxygen. En 2006, l’âge au premier vêlage était de 31,5 mois, en 2018 nous étions toujours à 29,7 mois.

François Cattez a augmenté la valeur énergétique de la ration des génisses pour améliorer leur croissance (©TNC)

Certes le vêlage à 24 mois n’est pas adapté à tous, ceux qui ont beaucoup de surface herbagère, ou qui recherchent des périodes de vêlages particulières ne choisiront peut-être pas cette option, mais pour Xavier Sys, « si l’on ne parvient pas au vêlage 24 mois, c’est parce que bien souvent, on ne s’en donne pas les moyens. Il faut mettre en place une stratégie alimentaire avec des points de contrôle, éventuellement des pesées pour surveiller la prise de poids. Le vêlage précoce se prépare dès les premiers jours de l’animal. Il faut veiller à atteindre un poids maximum au sevrage, soit entre 95 et 100 kg. Le plus important est d’avoir une bonne croissance avant les 6 mois de l’animal pour idéalement atteindre les 200 – 220 kg. Plus les animaux sont lourds plus ils ont de capacité d’ingestion et plus ils grossiront vite, d’où l’importance d’un bon démarrage ».

S’habituer à un nouveau format de génisses

Concernant les rations, d’après Xavier Sys, il faut fournir à partir de 6 mois 750 à 800 g de tourteau par jour. La protéine favorise le développement du muscle plutôt que du gras. Pour le conseiller, « c’est un investissement qui permet de faire des économies par la suite ». Il faut également s’habituer à un nouveau format de génisses, avec des animaux qui ont un plus petit gabarit au moment de l’IA et qui vont continuer leur croissance. Quoi qu’il en soit, toujours privilégier le poids « certains éleveurs inséminent des génisses de 13 mois, l’essentiel est qu’elles aient atteint les 400 kg ».

François Cattez a donc travaillé à proposer des rations plus denses à ses génisses. Pour 1 kilo de matière ingéré, elles assimilent maintenant davantage d’azote. Le jeune installé a effectué son diagnostic bas carbone en 2019. Les changements de conduite d’élevage demandent du temps pour révéler leurs effets mais les premiers résultats commencent à apparaître : si les génisses vêlaient auparavant à 34 mois, les dernières inséminées vêleront à 28 mois. Les vaches produisent actuellement 10,8 l de lait par jour de vie, mais l’éleveur a bon espoir d’améliorer ce chiffre grâces aux mesures mises en place.