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Industrie sucrière

Les pulpes de betterave, un coproduit de plus en plus rare ?


TNC le 15/03/2023 à 08:03
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Entre concurrence avec la méthanisation et baisse de la production, il sera de plus en plus difficile pour les non-planteurs de prétendre aux coproduits de l'industrie sucrière. (©TNC)

La diminution de l'emblavement en betteraves sucrières a des répercussions sur le monde de l'élevage via la baisse des disponibilités en pulpes. Il sera de plus en plus difficile pour les non-planteurs de se procurer des coproduits : une épine dans le pied pour les éleveurs des grandes régions sucrières.

Éleveur dans le nord de la Seine-Maritime, Stéphane Mainnemarre devra bientôt se passer de pulpe de betterave. Apporteur jusqu’à l’année dernière pour la sucrerie Tereos, l’agriculteur bio envisage de ne pas semer de betteraves pour cette nouvelle campagne. « A 80 € la tonne de betterave bio, ce n’est plus assez attractif », explique l’éleveur qui en implantait 4,5 ha chaque année. « Je n’étais pas un gros producteur, mais cela me permettait d’avoir accès aux coproduits. Aujourd’hui, sans être lié à une sucrerie, c’est peine perdue ».

Les planteurs prioritaires

A 50 € la tonne de pulpe bio, le coproduit devenait déjà un aliment de moins en moins bon marché. Avec la diminution de la sole en betterave, inutile d’espérer de la pulpe en tant que non-apporteur. « On nous a dit que comme nous ne produisions plus, nous n’aurions plus accès aux coproduits », explique Stéphane Mainnemarre, qui en utilisait chaque année 120 t pour ses 65 vaches laitières. Avec la baisse des volumes de collecte, la coopérative Tereos a prévu de modifier ses conditions d’attribution des pulpes. Les volumes seront réduits pour les non-coopérateurs, puis supprimés à horizon 2025.

Même constat pour Dominique Neige, à la tête de Pollen, un négoce lorrain de matières premières et co-produits à destination de l’alimentation animale. « Dès lors qu’il y a moins de volumes, il y a moins de pulpes. Et comme nous ne sommes pas planteurs, nous savons qu’à terme nous devrons nous en passer. » Si le négoce écoulait jusqu’à 10 000 t de pulpe surpressée par le passé, il aura dû se contenter de 2 000 t sur la précédente campagne.

Les coproduits sont de plus en plus convoités. La méthanisation est un nouveau débouché pour les sucreries. « Aujourd’hui, les industriels sont à la recherche de surfaces à collecter pour alimenter leurs usines, peu importe ensuite la destination des pulpes. » Les sucreries ont tout intérêt à privilégier leurs planteurs pour sécuriser les volumes de collecte. Si par le passé, les céréaliers n’avaient aucun intérêt à récupérer la pulpe de betterave, c’est chose révolue avec le développement de la méthanisation. Dans ce contexte, difficile pour les éleveurs non-planteurs de compter sur de nouveaux volumes. « Entre diminution de la production, protocoles logistiques, garanties d’enlèvement ou encore garanties de paiement, j’ai du mal à imaginer un industriel travailler avec un agriculteur qu’il ne connaît pas », estime Dominique Neige.

Pour l’entrepreneur, la disponibilité en coproduits est cependant une composante majeure du maintien de l’élevage dans les zones de polyculture. « Il y a certains endroits où s’il n’y a plus de pulpe, il n’y aura plus d’élevage ! Sur des terres à fort potentiel, certains auront plus à gagner à arrêter l’élevage qu’à implanter des cultures de substitution. »

A défaut de substitut, miser sur l’autosuffisance

Pour remplacer 400 t de pulpe, il faudra compter 115 t de MS de fourrage. « Si l’on est en système maïs, cela représente 8 ha à 15 t de MS/ha. Et si l’on fonctionne avec de l’ensilage d’herbe, on sera sur un équivalent de 15 ha », précise Stéphane Lartisant, ingénieur conseil au BTPL. « Dans l’Est, un producteur de betteraves avait de la pulpe à un prix à la tonne de MS proche de celui du maïs ensilage, à cela près qu’elle demande moins de charges de mécanisation, peu de main d’œuvre et laisse les terres disponibles pour d’autres cultures ».

Les coproduits, un plus pour la fertilisation
L’éleveur normand regrette également de perdre l’accès aux vinasses et écumes, des fertilisants non négligeables en agriculture biologique. « Vu le prix des cultures et des fertilisants bio, difficile de les remplacer par autre chose » regrette l’agriculteur.

Stéphane Mainnemarre va donc miser sur la substitution pour l’affouragement de ses bovins. Il implante désormais des betteraves fourragères (en passant de 1 à 2,5 ha de culture) et met en place un système plus extensif. « On va devoir accorder une plus grande surface pour la production animale et remettre des parcelles en pâtures ».