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Viande

Les « lasagnes au cheval » ont freiné l’appétit des Français pour la viande


AFP le 19/01/2019 à 10:30

L'escroquerie de la viande de cheval vendue comme du bœuf a accéléré le déclin de la consommation de viande rouge en France, et nourri un ressentiment entre villes et campagnes alors que les agriculteurs n'étaient pour rien dans l'affaire.

Le scandale qui a éclaté en 2013 a exposé au grand jour les méthodes de l’agro-industrie, où la viande devient un « minerai » anonyme : les consommateurs européens ont « découvert que près de 4,5 millions de plats cuisinés contenant du « cheval clandestin » ont été distribués dans une quinzaine de pays européens », résume Anne de Loisy dans son ouvrage « Bon appétit », une enquête sur l’industrie de la viande parue en 2015 (Presses de la Cité). Ils ont aussi pris conscience que « les plats préparés, qu’ils soient surgelés ou non, ne sont soumis à aucune réglementation européenne », ajoute-t-elle. Selon une enquête du Credoc (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) datant de septembre 2018, les adultes français consommaient 135 grammes de produits carnés par jour en 2016, contre 153 grammes en 2010 avant le scandale, soit un recul de 12 %.

La désaffection pour le carné entamée depuis la crise de la vache folle dans les années 1990 touche surtout la viande bovine, la consommation de poulet continuant d’augmenter. En cinq ans, la coappétit nsommation de viande bovine a baissé de 6,5 %, chaque Français n’absorbant plus que 22,8 kilos de steaks et pot-au-feu par an en 2017, contre 24,4 kilos en 2012 avant l’éclatement du scandale, selon les statistiques de l’Institut de l’élevage (Idele).

La viande de cheval, une spécificité française, souffre aussi de désamour. Les abattages de chevaux ont baissé de 18 % en 2016 et de 33 % en 2017, selon la filière équine française. Depuis le démantèlement d’un vaste réseau passant par le sud-ouest de la France, le Luxembourg, la Roumanie, où de la viande de cheval était revendue d’intermédiaire en intermédiaire pour finir dans des raviolis ou des lasagnes, les analystes relèvent beaucoup d’autres éléments pour expliquer la baisse régulière de la consommation depuis une vingtaine d’années. Le Credoc note par exemple que le prix de la viande bovine a en moyenne plus progressé que l’inflation.

« Recul de la confiance »

Il cite aussi les inquiétudes pour la santé depuis la mise en évidence en 2015 du caractère cancérogène de la viande rouge lorsqu’elle est surconsommée, ainsi que la sensibilisation grandissante à son impact sur l’environnement et le réchauffement climatique. Quant à la montée de la prise en compte du bien-être animal et des partis « animalistes », ils ont encouragé la vague actuelle végétarienne ou végane. Dans ce paysage, les seules « lasagnes de cheval », qui « n’ont rien à voir avec l’agriculture à proprement parler », ont néanmoins déclenché un « recul de la confiance » entre consommateurs et éleveurs, indique à l’AFP Eddy Fougier, chercheur à l’Iris. Selon une enquête annuelle de l’Ifop, seuls 66 % des Français estimaient que les consommateurs pouvaient faire confiance aux agriculteurs en 2017. Ils étaient 82 % en 2006 et 80 % en 2013.

Malgré la crise, le chiffre d’affaires de l’industrie de la viande en France, qui va de l’abattage à la préparation industrielle de produits à base de viande, représente un quart des industries agroalimentaires du pays, souligne l’Insee. Avec 33 milliards d’euros de chiffre d’affaires, le secteur emploie près de 100 000 personnes dans quelque 2 600 entreprises, mais réalise des marges plus faibles que dans d’autres secteurs agroalimentaires. Le moindre centime au kilo comptant, de grands noms du secteur ont été éclaboussés par le scandale, comme William Saurin après la découverte de viande de cheval – fournie par le même intermédiaire que dans l’affaire Spanghero – dans des raviolis fabriqués pour l’italien Panzani. Sous pression, la filière française de la viande a introduit un peu de transparence dans l’espoir de regagner la confiance des consommateurs. Principale conquête, l’étiquetage de l’origine de la viande et du lait dans les plats préparés, accepté à titre expérimental pour deux ans par l’UE en 2016 à l’initiative de la France, vient d’être prolongé pour deux ans.