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Vol de bateaux par des passeurs

Les autorités face à l’inquiétude des pêcheurs


AFP le 09/01/2019 à 10:20

En une semaine, il a vu son bateau vandalisé deux fois par des passeurs voulant faire traverser la Manche aux migrants. Comme ses confrères pêcheurs de Boulogne-sur-Mer, Laurent Merlin s'inquiète de ces tentatives de vol, que les autorités tentent d'empêcher en sécurisant le port.

Son fileyeur, long d’une quinzaine de mètres, a été dégradé de nuit, d’abord le 27 décembre puis le 2 janvier. « À 7 h, un collègue d’un autre bateau m’a appelé pour me dire que la porte de passerelle était ouverte, j’étais chez moi », raconte à l’AFP ce pêcheur en déchargeant ses caisses de carrelet et de cabillaud frais. « J’ai eu la surprise de voir la porte fracturée, la charnière cassée, mon compteur du moteur tout arraché, mes fils coupés ». Conséquence : une journée de pêche perdue – et le chiffre d’affaires qui va avec -, le temps de tout réparer.

Sa mésaventure n’est pas un cas isolé : depuis mi-novembre, deux navires ont été volés et une douzaine auraient été dégradés par des passeurs, qui tentaient de les faire démarrer pour faire traverser leurs « clients », le plus souvent des Iraniens, vers la Grande-Bretagne. Et ce, toujours au même endroit, quai Gambetta, auquel on accède facilement en descendant des échelles ou deux passerelles. « Au départ, c’était de l’inquiétude (…) et puis, maintenant, ça s’est accentué à vitesse grand V. Il y a de la crainte et aussi de la colère », insiste Stéphane Pinto, vice-président du comité régional des pêches et représentant des fileyeurs des Hauts-de-France.

Selon le ministère de l’Intérieur, en 2018, 504 migrants ont tenté de franchir la Manche sur des embarcations et 276 d’entre eux sont parvenus à « atteindre les eaux et côtes britanniques », certes le plus souvent à bord de pneumatiques. « Selon les indications des migrants, ce sont ces derniers qui conduisent eux-mêmes les bateaux, les passeurs leur mettant à disposition les moyens et leur disant de se diriger vers l’antenne rouge de Douvres », rapporte Vincent Kasprzyk, chef de la brigade mobile de recherche de la Police aux frontières (PAF) près de Calais.

« Outil de travail »

Alors, certains pêcheurs ont pris leurs précautions : enlever les clefs, les batteries pour empêcher les passeurs d’allumer le moteur. « C’est notre outil de travail. Quand on arrive le matin, on n’est pas sûr de pouvoir partir en mer », témoigne Jean-Yves Noël, l’un des 32 patrons pêcheurs du plus grand port de pêche de France.

Leurs demandes ? Davantage de surveillance, ce que les autorités ont engagé et comptent poursuivre, dans le cadre des annonces récentes de renforcement du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. « Nous allons mettre en oeuvre une succession de mesures pour faire en sorte que le vol des embarcations soit le plus difficile et faire échouer ces tentatives », explique le sous-préfet Jean-Philippe Venin, sans donner d’échéance. Parmi elles : l’éclairage et la vidéosurveillance du quai, sur lesquels la société d’exploitation du port (SEPD) planchait déjà, avec transmission des images à la capitainerie. L’installation d’alarmes sur les bateaux pourrait aussi être prise en charge. L’État recherche également un financement pour qu’un vigile patrouille avec un chien toutes les nuits sur le quai ; les bateaux devraient aussi pouvoir rester dans les bassins fermés par des écluses les jours de repos – ce que certains font déjà.

Un budget total de 400 000 euros, dont une partie pourrait être prise en charge par les Britanniques. « Il y a une urgence, il faut traiter l’urgence», assure Jean-François Rapin, conseiller régional, qui dit étudier de possibles aides financières pour compenser le préjudice subi par le navire dont le moteur a été cassé. De quoi rassurer les pêcheurs tout en soulevant d’autres interrogations. Face à une sécurisation accrue du port, les passeurs pourraient se déplacer ou employer d’autres méthodes. Ce que les autorités n’excluent pas, même si c’est à cet endroit que les côtes anglaises sont les plus proches (33 km). A 50 km de là, dans le port de Gravelines (Nord), un Iranien a récemment tenté de voler des bateaux. Il été condamné à six mois d’emprisonnement avec sursis.