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Ration du troupeau en période sèche

Les arbres fourragers, une solution d’appoint pour complémenter vos bovins


TNC le 24/06/2021 à 10:05
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En plus de présenter des minéraux intéressants pour les bovins, les arbres fourragers peuvent permettre de complémenter les animaux durant les périodes sèches. Plusieurs techniques d’affouragement sont possibles, allant du pâturage d’arbre à la taille des branches pour les plus acrobates.

« La moitié des espèces ligneuses ont des valeurs fourragères au moins aussi intéressantes que les fourrages classiques », explique Eddy Cleran, conseiller gestion du bocage à la chambre d’agriculture de Normandie. Le recours aux arbres pour un affouragement d’appoint des animaux en période de sécheresse était présenté lors des dernières Prairiales, organisées le 10 juin dernier à la ferme expérimentale de la Blanche Maison, à Pont-Hébert, dans la Manche.

Si les arbres fourragers sont généralement utilisés en appoint, il est possible de les exploiter plus intensément, durant les périodes sèches par exemple. Le mûrier dispose d’une dégradabilité théorique de l’azote qui avoisine les 80 %, proche de celle de la luzerne. Le frêne a, quant à lui, un taux de dégradabilité de l’azote similaire à celui du ray-grass. L’orme, le châtaigner, le chêne sont également appréciés des bovins.  

Créer une ambiance fraîche dans les prairies

Les arbres permettent d’abord de créer une ambiance climatique dans la parcelle. Comme ils puisent l’eau en profondeur, ils restent verts en été et amènent de la fraîcheur aussi bien au troupeau qu’à la prairie. « Les pâtures les plus vertes durant les fortes chaleurs sont généralement aussi les plus arborées, souligne Eddy Cleran, et si l’on a peur de la concurrence avec l’herbe, il est toujours possible de passer une sous-soleuse ». En plus d’améliorer le pâturage, les arbres fourragers apportent du tanin aux animaux. Ce dernier manque généralement aux espèces fourragères classiques et permet de lutter contre le parasitisme.

Ça ne sera jamais la base de la ration, mais ça peut venir à point nommé pendant les périodes sèches.

Pour compléter la ration des ruminants à hauteur de 10 %, l’on comptera 0,09 arbre avec un tronc de 40 cm à hauteur de poitrine par jour pour les vaches laitières, et 0,06 arbre par jour pour les bovins viande. À noter que l’on ne coupe jamais plus du tiers de la surface foliaire d’un arbre. « Ça ne sera jamais la base de la ration, commente Eddy Cleran, mais ça peut venir à point l’été lorsque l’herbe vient à manquer. Tous les troupeaux ne sont pas habitués à valoriser des feuillages. Si les bovins en bocage n’ont généralement aucun problème à s’adapter, il leur faudra en plaine un peu de temps pour habituer le rumen aux feuilles. »

2,2 arbres ave un tronc de 40 cm sont nécessaires pour complémenter à hauteur de 10 % la ration d’une vache allaitante pendant 40 jours. (© Chambre d’agriculture de Normandie)

Les animaux trouvent dans les feuilles ce dont ils ont besoin.

Karine Marsilly, élagueuse depuis 20 ans, élève une douzaine de Bazadaises uniquement grâce à l’herbe de ses prés et aux feuillages qu’elle leur met à disposition. L’éleveuse, qui recherche avant tout la qualité de la viande, vend ses bêtes à 5 ans, lorsqu’elles avoisinent les 1 000 kg.

L’exploitation comprend 18,5 ha de prairies, découpées en petites parcelles d’environ un hectare. En plus d’éviter le sur-piétinement, cette découpe du parcellaire permet l’implantation de nombreuses haies en bordure de prairies. Le bocage assure la protection des animaux, apporte de l’ombrage et participe à la vie du sol. Chaque jour, Karine Marsilly apporte l’équivalent d’une remorque de 8 m² de branches à son troupeau. Les branches sont ensuite mises à disposition à même le sol. Pour la taille des arbres, elle le concède, elle aime grimper ! Mais pour les plus attachés aux plancher des vaches, il existe des outils. Pour Karine Marsilly, « avec les arbres, pas besoin de complémentation ou d’intrants en tout genre, les animaux trouvent dans les feuilles ce dont ils ont besoin. Depuis six années que je suis installée, je n’ai eu aucune maladie, ni besoin de donner un quelconque traitement à mes Bazadaises. »

Pour l’hiver, les bovins sont nourris avec le foin de l’exploitation, ainsi qu’avec des feuilles d’arbres séchées « quand on coupe les branches au mois de mai ou juin, les feuilles sont bien accrochées aux arbres. Lorsqu’on pend les branches pour le séchage, les feuilles ne tombent pas ».

Il est possible d’utiliser les branches pour effectuer des copeaux qui serviront de litière pour les animaux. 4m² de bois équivalent à 1 tonne de paille.  

Créer des tables forestières pour faire pâturer directement l’arbre

L’éleveuse, qui a l’expérience des arbres, donne de nombreux conseils sur la taille : « il est préférable de tailler en période estivale, d’abord parce que c’est à ce moment-là que l’herbe se fait la plus rare, et surtout parce l’arbre fabrique de la sève élaborée qui aide à la cicatrisation des plaies. Les animaux préfèrent cependant les jeunes feuilles, car elles sont moins riches en tanin. Mieux vaut par exemple donner de jeunes feuilles de chêne, car en avançant en saison, la teneur en tanin augmente et elles deviennent plus dures à manger. »

« Si l’on ne souhaite pas grimper, ou couper de branches, il est possible de créer des tables forestières. Ce sont des troncs bas avec de nombreux rejets disponibles pour les animaux. Cette pratique peut être un moyen de valoriser une zone humide ou peu accessible aux tracteurs. Il suffit de faire une bouture. Vous prenez une branche de 2 ou 3 cm d’épaisseur sur une longueur d’environ 2 m, et vous mettez en terre les 70 premiers centimètres. Le mûrier blanc a une grande capacité de repousse, vous pouvez aussi prendre du saule ou du peuplier qui ont la particularité de faire beaucoup de rejets quand on les coupe ».  Il est également possible de faire pâturer l’arbre directement en le taillant en têtard. L’enjeu est ensuite de réguler l’accès à l’arbre pour lui permettre de se régénérer.