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Sécheresse et fin des quotas

Le lait de montagne se sent menacé


AFP le 03/10/2019 à 14:23
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La « situation économique » des acteurs laitiers de montagne est « extrêmement préoccupante », à « un point de rupture », selon le Cniel. (©Pixabay)

Après la sécheresse exceptionnelle de l'été, la filière laitière française tire la « sonnette d'alarme », au Sommet de l'élevage à Cournon d'Auvergne, sur le risque de disparition des fermes de montagne, déjà fragilisées par l'abandon des quotas européens en 2015.

« La situation des producteurs de lait en montagne est en train de dévisser, la production recule car il y a de plus en plus d’abandons d’éleveurs et les entreprises laitières installées dans ces zones s’interrogent sur l’avenir de leurs investissements qui ne fonctionnent plus à plein volume », a indiqué à l’AFP Michel Lacoste, secrétaire-général adjoint de la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL) et éleveur dans le Cantal. La « situation économique » des acteurs laitiers de montagne est « extrêmement préoccupante », « à un point de rupture », résume l’interprofession du lait (Cniel) qui regroupe producteurs, industriels transformateurs, laiteries, crémeries, fromageries et distributeurs. En 10 ans, le nombre de producteurs de lait a drastiquement baissé dans les massifs français, alors qu’il s’agit souvent de la seule activité structurante dans ces territoires représentant quelque 65 000 emplois directs ou indirects, et 17 % du cheptel de vaches laitières.

À voir : Sommet de l’élevage – Les syndicats agricoles unanimes : À quand une réelle cohérence politique ?

Moitié moins d’éleveurs dans les Pyrénées

De 2008 à 2018, le nombre d’éleveurs livreurs de lait a baissé de 19 % dans le Jura, de 28 % dans les Alpes, de 30 % dans les Vosges, de 34 % dans le Massif Central (où se trouvent le plus grand nombre de producteurs) et même de 47 % dans les Pyrénées, selon l’Institut de l’Élevage. « Tant qu’il y avait des quotas laitiers, le lait de montagne était fragile, mais suivait la même évolution que la filière. Depuis la fin des quotas en 2015 », qui a généré plus de volatilité sur les prix et donc d’incertitudes pour les éleveurs, « on constate une différence de dynamique », ajoute Michel Lacoste. Or, ce lait représente 70 à 80 % de l’économie agricole dans les massifs et permet à un réseau de PME de transformation d’exister. Au-delà, c’est tout une vie rurale qui est concernée puisque l’existence de ce tissu économique permet bien souvent aux services publics (écoles, postes, etc.) de se maintenir. La « déprise agricole », c’est-à-dire l’abandon du métier par les jeunes, est aussi dû à la pénibilité d’un métier qui n’autorise guère de loisir, avec la traite 365 jours sur 365, deux fois par jour. Beaucoup de fermes ne trouvent pas de repreneurs dans ces zones. « En montagne, nos coûts de production et investissements sont plus importants qu’en plaine », explique Christine Vazeille, éleveuse en Haute-Loire. Du simple fait du relief et du climat, le coût de construction des bâtiments d’élevage est plus élevé qu’en plaine, car ils nécessitent plus de terrassements et d’isolation contre le froid et la neige notamment, explique-t-elle.

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Trèfles, fétuques, et dactyles

« Dans notre système herbager, nous avons aussi besoin de main d’œuvre pour gérer et faire évoluer les « pâturages tournants » avec des parcs clôturés mouvants, pendant la durée d’estive des bêtes », soit du 15 avril au 15 octobre environ. « Et malgré tout cela, le lait nous est toujours payé moins cher que nos coûts de production, heureusement nous avons des primes qualité sur le prix de base, car le lait de montagne est très riche », dit-elle en évoquant la biodiversité des herbes et fleurs de ses prairies, graminées, trèfles, fétuques, luzerne et dactyles. Premier signe d’espoir, Carrefour a annoncé mercredi un accord pour acheter 30 millions de litres de lait de montagne par an pendant trois ans à une coopérative regroupant 403 producteurs du Massif Central, en leur proposant un prix de base de 38,5 centimes du litre, soit plus que les 34 centimes versés en moyenne en France. Le ministre Didier Guillaume a aussi promis de tout faire pour que les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), versées par l’Europe dans les zones défavorisées, soient maintenues dans la politique agricole commune pour l’après 2021.

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