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Reportage chez R. Robin (35)

La silphie, une fourragère pérenne aux valeurs protéiques alléchantes


TNC le 31/10/2022 à 08:02
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L’objectif à terme de Régis Robin : atteindre le même rendement que le maïs. (©TNC)

Régis Robin, éleveur breton a testé la silphie pour l'affouragement estivale de ses Rouges des Prés. L'implantation de cette culture pérenne est un véritable investissement pour l'exploitant, qui espère tirer profit de sa silphie durant une quinzaine d'années. Si aucune référence existe pour les valeurs alimentaires de cette nouvelle fourragère, des analyse réalisées par des éleveurs semblent indiquer un taux de protéine supérieur à 16 % sur les fauches précoces.

Régis Robin, éleveur de Rouges des Prés en Ille-et-Vilaine (35) recherchait une plante fourragère capable de s’adapter aux conditions particulières du marais de Dol-de-Bretagne. Avec des parcelles régulièrement inondées l’hiver, l’éleveur souhaitait trouver une plante résistant à la submersion : c’est chose faite grâce à la silphie.

Une pérenne qui résiste à la submersion

« C’est une culture assez stressante ! », confie l’éleveur, qui a implanté de la silphie pour la première fois en 2021. Ses parcelles ont d’ailleurs été rudement éprouvées par les intempéries dès la première année. « Je l’ai semée autour du 12 mai. S’en est suivi un orage de 50 mm, puis les pluies estivales ont noyé la culture durant trois semaines au mois de juillet… ». Régis craignait qu’elle ne résiste pas à ces submersions précoces, mais fort heureusement, « après les pluies, elle était toujours présente et est repartie au printemps 2022 ». 

La silphie lui aura permis de récolter l’équivalent de 12 t de MS/ha via une fauche de printemps et une fauche d’automne, récoltées en ensilage à la conditionneuse. « C’était ma première année de récolte. On considère la production en rythme de croisière en quatrième année. L’objectif à terme, c’est d’atteindre le même rendement que le maïs, et je pense qu’on va y arriver assez facilement », détaille l’éleveur, qui a réalisé cette année une récolte de l’ordre de 16 t de MS/ha en maïs ensilage.

L’ensilage de silphie a été utilisé cet été, pour affourager les animaux durant les périodes de canicule. « Les vaches se sont jetées dessus comme sur du maïs » décrit le producteur qui a composé un mélange à base de 50 % d’ensilage d’herbe et 50 % d’ensilage de silphie, associé avec des céréales aplaties et de l’herbe pâturée pour les bêtes à l’engraissement. « Les animaux ont été stables en production, d’autant plus que les mères étaient suitées. Je n’en ai pas eu qui ont décroché. »

Ça se sème comme du maïs

L’éleveur a implanté 2 ha en 2021 puis 2 ha en 2022 et pense continuer sur cette lancée. L’objectif à terme : combiner maïs et silphie pour sécuriser sa production fourragère. « J’implante la silphie petit à petit, tout d’abord parce que la première année, l’on ne récolte pas. Je ne peux pas me permettre d’avoir un tel trou dans ma production de fourrage, et aussi parce que j’autofinance l’implantation. C’est aussi une manière de limiter les risques ».

Régis Robin a implanté la culture avec un semoir monograine après avoir acheté les plateaux adéquats. Le sol a été préparé comme pour un semis de maïs afin d’obtenir une terre fine et bien rappuyée. La silphie a été semée à 37,5 cm d’inter-rang, via deux passages croisés avec un semoir à maïs réglé à 75 cm. Un désherbage a été réalisé post-semis. Par la suite, l’éleveur n’a pas prévu d’intervenir chimiquement sur la culture. La fertilisation est assurée par l’apport de 30 m3 de digestat par hectare. 

Pour ne pas manquer de fourrage l’année d’implantation, il est possible de semer un maïs en culture de couverture, explique Benoît Pasquet, responsable nutrition animale à la coopérative de Creully dans le Calvados (14), qui travaille également sur l’utilisation de cette nouvelle fourragère. « Nous avons implanté du maïs à 75 000 graines/ha avec la silphie, c’est moins qu’un maïs traditionnel semé à 100 000 graines/ha, mais cela nous aura permis d’effectuer un rendement de 12 t de MS/ha en ensilage, sur des terres qui donnent généralement entre 15 et 18 t de MS. » Pour Benoît Pasquet, l’un des défaut de la culture reste le désherbage « à la reprise la première année, il faut veiller à ce que la parcelle reste propre, car il n’y a pas de protocole de désherbage pour la culture. Il faut passer par du désherbage mécanique ». 

Des semences à 2 000 €/ha

« Ça coûte cher, mais si l’on raisonne sur 10 ans, c’est plus avantageux qu’un maïs » résume Régis Robin. Si la semence de silphie revient à 2 000 €/ha là où les semences de maïs avoisinent les 160 €/ha, la silphie est une plante pérenne dont l’exploitation peut dépasser 15 ans, ce qui permet également d’économiser sur le poste travail du sol. « On sait que ça tient 15 ans, j’espère donc la garder 15 ans. On verra après, mais je serai déjà content si elle résiste sur cette période étant donnée les intempéries qu’elle subit. »

La silphie, c’est également une manière de réduire les interventions chimiques sur la parcelle. L’eau du marais de Dol-de-Bretagne s’écoule sur la commune de Vivier-sur-Mer, où l’on retrouve de nombreux producteurs de moules, très attentifs à la qualité de l’eau. Cette problématique a notamment incité Régis Robin à choisir cette culture, peu demandeuse en traitements chimiques.

Une plante riche en protéines 

La coopérative de Creully cherche à étudier les valeurs alimentaires du fourrage en vue de l’intégrer en remplacement du tourteau de soja dans la ration des bovins. « La culture est encore au stade expérimental », insiste Benoît Pasquet. S’il est encore tôt pour se prononcer sur les rendements et valeurs alimentaires de la silphie, des analyses de fourrages réalisés par les éleveurs permettent d’avoir un aperçu du potentiel de la plante.

Deux stratégies sont possibles : la recherche de protéines, avec des fauches précoces qui donnent un fourrage aux valeurs alimentaires intéressantes, ou la recherche d’un rendement proche de celui du maïs, comme évoqué par Régis Robin. Dans les deux cas, la plante est intéressante car, comme elle est pérenne, elle bénéficie d’un important réseau racinaire, pouvant descendre jusqu’à 2 m ce qui lui permet de bien s’alimenter en eau et éléments nutritifs et « d’assurer ». 

« On l’exploite comme de la luzerne, ajoute Benoît Pasquet, à raison de plus ou moins quatre coupes par an. L’objectif est de faucher assez souvent, lorsqu’elle atteint les 60 cm pour avoir des valeurs protéiques intéressantes. Il est toujours possible la faucher plus haute, mais c’est une autre stratégie. » Avec cette technique, la coopérative de Creuilly table sur des rendements en silphie de l’ordre de 12 t de MS/ha, avec des taux de protéines compris entre 16 et 20 % de MS, et des UF avoisinant les 0,90. « C’est un fourrage, avec une bonne digestibilité, des azotes solubles, des manières minérales tout en étant assez appétant. Ce sont des caractéristiques que l’on ne retrouve pas forcément sur d’autres plantes », complète le responsable nutrition animale. La prochaine étape, l’introduction dans la ration, et le calcul de l’intérêt économique de la culture.