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Hors de nos frontières

La dynamique économique de l’Irlande compte sur sa filière laitière


TNC le 30/11/2021 à 14:11
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Entre 2016 et 2020, le nombre de vaches en Irlande a augmenté de 37 % (©Pixabay)

Pour se protéger des aléas des marchés financiers après la crise de 2008, l’Irlande s’est recentrée sur ses propres forces, dont l’agriculture. Au pays où l’herbe est reine, la filière laitière a profité de la fin des quotas pour prendre son envol.

L’Irlande profite d’une économie particulièrement dynamique. « C’est le seul pays de l’Union Européenne à avoir connu la croissance en 2020 », souligne Sébastien Guillemet, un Français installé en Irlande pour faciliter le business entre les deux pays.

Pendant de nombreuses années, la période du « Tigre celtique », l’économie a été tirée par les entreprises informatiques et financières, étrangères pour la plupart. Après la crise économique de 2008, qui a mis ces secteurs à mal, l’Irlande a recentré son économie sur ses propres forces.

L’agriculture est la 1ere production indigène et assure 10 % du PIB. « L’Irlande a conduit un vaste plan de développement de son agriculture et principalement de sa filière laitière, retrace Sébastien Guillemet. Il a particulièrement bien fonctionné. »

Il poursuit : « Entre 2010 et 2020, les exportations irlandaises, essentiellement basées sur des produits agricoles et agroalimentaires, sont passées de 8 à 12 milliards d’euros. Pour continuer sur sa lancée, l’Irlande s’est fixé comme ambition d’arriver à 19 milliards d’exportations en 2025 ».

Du lait, toujours plus de lait

Pour développer ses exportations, l’Irlande dispose d’une locomotive, sa filière laitière. Avec 90 % de sa SAU en prairies, la verte Erin est une terre d’élevage. Grâce à la fin des quotas et portée par son ambition nationale, la filière laitière a connu une croissance sans précédent. Entre 2016 et 2020, le nombre de vaches a augmenté de 37 % et les volumes de lait de 60 %.

« L’Irlande produit en lait et viande de quoi nourrir 5 fois sa population, calcule Sébastien Guillemet. L’exportation est donc la base du modèle agricole, avec un mix produits très orienté sur les commodités (beurre, poudre). Pendant longtemps, les ventes se faisaient à un tiers vers le Royaume-Uni, un tiers vers l’Europe et un tiers vers le reste du monde. Pour anticiper le Brexit, il a fallu diversifier les clients en allant sur des marchés plus lointains comme l’Asie ».

Pour exporter, une des forces de l’Irlande réside dans son bas coût de production. Il est de 240 € les 1 000 litres, contre 320 € en France et 370 € au Danemark. Avec 250 jours de pâturage et de l’herbe qui assure 80 % de la ration et permet aux éleveurs irlandais de contenir leur coût alimentaire.

Mais, revers de la médaille, pour se caler sur la pousse de l’herbe, 90 % des vêlages sont concentrés entre fin janvier et début avril et la production est très saisonnière. « Entre le creux de l’hiver et le pic de printemps, la production est multipliée par 6 », souligne Sébastien Guillemet.

Sébastien Guillemet est intervenu lors du Space 2021 de Rennes pour évoquer la filière laitière irlandaise (©Cécile Julien)

Les capacités de transformation sont calibrées sur le pic de production mais, au final sur l’année, ne travaillent qu’à 62 % de sa capacité. « Des études ont été faites pour savoir s’il n’y aurait pas un gain de compétitivité possible en étalant la production et en réduisant, mais saturant, les usines. Le gain sur la transformation ne suffirait pas à compenser les surcoûts de production, notamment en termes d’alimentation ».

Même si l’Irlande veut continuer à augmenter sa production en optimisant la conduite au pâturage et en renforçant l’amélioration génétique de son troupeau (la moyenne actuelle de production à 5 300 litres/VL, ce qui laisse de belles marges de progrès), le pays doit gérer l’impact environnemental de ce développement.

« L’Irlande a obtenu une dérogation à la directive nitrates pour augmenter son cheptel, retrace Sébastien Guillemet. Mais apparaissent des divergences politiques entre ce développement agricole et le respect de l’environnement, notamment par rapport à la qualité de l’eau ».

Première victime du Brexit

Avec le Brexit, l’Irlande a trouvé un sacré caillou sur le chemin de son développement économique. Déjà au niveau politique, du fait des tensions persistantes autour de la frontière nord-irlandaise.

« Pour éviter de remettre une frontière physique, qui aurait remis de l’huile sur le feu, la frontière a été mise aux niveaux des ports d’Irlande du Nord, explique Sébastien Guillemet. Donc il n’y a pas de frais de douane pour les produits européens qui arrivent par ces ports mais ça a engendré une très grande complexité administrative ».

Au niveau économique, la sortie de l’Union européenne a sonné pour l’Irlande la fin des relations privilégiées avec le Royaume-Uni, qui était son premier client. Le Royaume Uni servait aussi de « pont terrestre » à l’Irlande pour ses exportations vers l’Europe, avec 80 % des camions vers l’Europe qui passaient par le Royaume Uni puis le tunnel sous la Manche.

Pour trouver de nouvelles solutions logistiques, l’Irlande travaille à faire de la France sa porte d’entrée vers l’Union européenne. « Depuis le Brexit, il y a 4 fois plus de liaisons maritimes directes avec la France. La France doit se positionner comme la porte d’entrée de l’Irlande vers l’Union européenne en répondant à ses besoins logistiques », encourage Sébastien Guillemet.

Dans ce contexte, les entreprises françaises ont de réelles opportunités pour accompagner le développement agricole irlandais en attente de solutions en fertilisation et gestion des effluents, de machinisme, dans la gestion et suivi des troupeaux, mais aussi en alimentation animale.

« L’Irlande est très dépendante des importations pour l’alimentation, hors fourrages, de son bétail, précise Sébastien Guillemet. La France a des cartes à jouer, notamment en répondant à une attente croissante de produits garantis sans OGM ».