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À l'approche de Pâques

Immersion dans l’un des plus grands abattoirs de France pour les ovins


AFP le 05/04/2023 à 14:30

Dans un abattoir du sud de la France, les bêlements ont quasiment cessé, les hommes sont muets, seule la ferraille résonne. Une file d'agneaux avance, sans voir le sort des congénères qui les précèdent.

Dès que le jeune animal dépasse la bâche noire qui lui masque la vue, il est étourdi à l’aide d’une pince qui diffuse un courant électrique à travers le crâne. Il bascule, inconscient, un peu plus bas. Un employé, qui aiguise régulièrement sa lame, le saigne au niveau de la carotide, pendant qu’un autre lui accroche les pattes arrière. L’animal est soulevé mécaniquement jusqu’à un rail, le sang se répand sur l’inox. C’est le début de la chaîne d’abattage de Sisteron, dans ce sud des Alpes réputé pour la production d’agneaux.

L’abattoir, un des plus grands de France pour les ovins, tourne à plein régime, avec 350 animaux tués par heure : l’agneau occupe une place de choix au menu des fêtes des trois grandes confessions monothéistes (judaïsme, christianisme et islam), concentrées cette année en avril. « Il faut que les agneaux soient sur les étals d’ici à jeudi », avant le week-end pascal, explique Guillaume Garcin, président de l’abattoir et éleveur.

Ce jour-là, aucune bête n’est destinée au marché halal (un quart de l’activité de cet abattoir en général). L’abattage rituel (casher comme halal) est régulièrement contesté au nom du bien-être des animaux car ceux-ci sont en principe, et sur dérogation, égorgés sans étourdissement préalable. Economiquement, « on ne peut pas se passer de 25% de l’abattage », dit Guillaume Garcin.

Caméras

L’abattoir, qui dit recevoir régulièrement la visite de professionnels intéressés par ses pratiques, se veut « hyper regardant sur le bien-être animal », au-delà des obligations réglementaires. C’est un devoir « moral », pense l’éleveur des hauteurs de Sisteron, qui vient d’amener une dizaine d’agneaux.

Sur le quai de déchargement, des panneaux lancent un « avertissement bien-être animal » : « Le déchargement des animaux est sous contrôle permanent de la vidéosurveillance ». Il y a eu des rappels à l’ordre, par écrit, quand des bêtes étaient malmenées. « Maintenant, ça n’arrive plus », affirme Guillaume Garcin. Des caméras sont aussi installées à l’intérieur : un « progrès », selon lui.

Le projet d’imposer les caméras dans tous les abattoirs de France, pour dissuader ou sanctionner les dérapages, a été abandonné malgré les demandes des défenseurs des animaux. Les seules images qui sortent de ces lieux sont tournées clandestinement par l’association L214 qui milite pour l’arrêt de la consommation de viande. D’après Guillaume Garcin, « il ne faut pas avoir peur de montrer qu’il peut y avoir de bonnes choses aussi ».

Les arrivages s’enchaînent, avec des animaux souvent transportés dans des bétaillères sur trois niveaux. « Il n’y a pas de cri, personne qui s’énerve, on y veille », remarque Christophe Chavagnac, dirigeant de la société Alpes Provence Agneaux qui commercialise la majorité des volumes abattus sur place. « Après la fin reste la même… »

« C’est parti »

Guillaume Garcin sifflote pour faire descendre les animaux de sa bétaillère. Les agneaux sont parqués, par lots, dans des cases collectives paillées et dotées d’abreuvoirs. Deux employés ouvrent une barrière. Finis les bâtons, utilisés il y a encore « une dizaine d’années » pour pousser les animaux. Ils sont guidés avec les mains, sans élever la voix. Les agneaux filent vers le passage étroit en béton qui les mène à la saignée. « C’est parti », souffle l’éleveur, pour qui « ce n’est pas la période de l’année la plus joyeuse ».

L’abattoir prévoit d’améliorer l’isolation phonique pour atténuer le fracas des machines afin que les hommes et les animaux « entendent le moins de bruits possible ». Il se passe une dizaine de minutes entre le moment où l’agneau est abattu et celui où sa carcasse rejoint un premier frigo. 

Dans l’intervalle, des employés alignés le long de la chaîne retirent la peau, le bout des pattes, les viscères… Une boucle électronique, sur l’oreille, assure la traçabilité. Un appareil enregistre la position de la carcasse sur la chaîne. La tête peut maintenant être tranchée au couteau et crochetée sur un rail parallèle à celui des carcasses. Tous les morceaux de l’animal sont utilisés dans l’habillement, l’alimentation des hommes ou des animaux de compagnie. Pour Guillaume Garcin, « on voit que l’animal est respecté jusqu’au bout ».