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Génétique

Génotyper les femelles pour un élevage laitier plus durable dans le temps


TNC le 13/04/2021 à 09:06
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La génomie en élevage laitier a révolutionné la sélection en réduisant considérablement l'intervalle de génération. Les experts reviennent sur les intérêts et la fiabilité du génotypage sur femelles et Vincent Rétif, éleveur laitier en Maine-et-Loire, témoigne de son application au sein de son troupeau.

« Contrairement à la sélection généalogique, la sélection génomique repose sur une prédiction de valeur génétique basée sur l’information de marqueurs moléculaires couvrant tout le génome », rappelait Didier Boichard de l’Inrae à l’occasion du webinaire Grand angle lait organisé par l’Institut de l’élevage.

Le principal intérêt de la génomie : évaluer un animal (et donc sélectionner) à un stade jeune, avant même qu’il n’exprime ses caractères.

En 10 ans, plus d’un million d’animaux de races laitières ont été génotypés. L’activité se démocratise.

Le génotypage des femelles : un intérêt double

« Pour l’éleveur, le génotypage des femelles permet d’affiner la sélection intra troupeau. Et à l’échelle de la population, ça permet d’augmenter et renouveler la population de référence qui comprend aujourd’hui plus de 35 000 taureaux et 250 000 vaches en race Holstein. » Cela a également permis de faire évoluer les objectifs de sélection avec l’intégration de nouveaux caractères autrefois difficiles à sélectionner mais assurant aujourd’hui une plus grande durabilité des élevages (exemple : mammites, santé du pied, acétonémie, fromageabilité du lait, etc.).

En revanche, la génomie risque de générer plus de consanguinité au sein des troupeaux (plus de générations en moins de temps qu’avant), d’où l’importance d’utiliser plus de taureaux pour compenser.

Plus de réactivité et de précision dans la sélection du renouvellement.

Vincent Rétif, éleveur laitier dans le Maine-et-Loire et président d’Évolution XY témoigne de son expérience : « J’ai 65 vaches laitières à la traite avec une cinquantaine de génisses en renouvellement. On a démarré le génotypage il y a 9 ans sur quelques génisses d’intérêt seulement. Aujourd’hui, toutes les génisses sont génotypées. Cela nous donne la possibilité de les hiérarchiser en fonction de leur intérêt par rapport à la stratégie et la conduite de l’élevage. »

Cela facilite aussi l’accouplement : « On insémine alors 80 % des génisses en semences sexées avec les meilleurs taureaux du moment, ainsi que quelques primipares d’un très bon niveau génétique (cela représente environ un tiers du troupeau en production). Le deuxième tiers des vaches est inséminé en semences conventionnelles Holstein, et le dernier tiers est inséminé en croisement industriel. » Pour Vincent Rétif, la génomie a apporté beaucoup plus de réactivité : « On a une connaissance précoce de nos animaux nous permettant de faire des choix génétiques précis. »

Les index génomiques : de bons prédicteurs de performances

Sophie Mattalia de l’Institut de l’élevage présente les résultats d’une étude menée sur toutes les génisses génotypées en 2016 à moins d’un an et qui ont exprimé leur première lactation en 2018-2019 (15 400 Prim’holstein, 7 800 Montbéliardes, 2 800 Normandes). Et les résultats sont positifs : les performances exprimées sont conformes aux attentes puisqu’elles correspondent aux classes d’index :

  • production laitière : pour les Montbéliardes, il était attendu un écart de 1 200 kg de lait entre la moins bonne classe d’index (- 400 à – 200) et la meilleure (+ 800 à + 1 000) et les mesures ont montré un écart réel de 1 300 kg.
  • cellules : En Normande, l’étude met en évidence un écart de 200 000 cellules entre les classes extrêmes.
  • fertilité (réussite à l’IA) : En Holstein, les résultats affichent un écart de 11 % sur le taux de non-retour 18-90 jours entre les classes extrêmes.
  • morphologie : En Montbéliarde, il y avait jusqu’à 10 cm d’écart au garrot entre les classes extrêmes.

« Cela confirme bien que les index génomiques sont de bons prédicteurs de performances », appuie Sophie Mattalia. Pour autant, elle soulève aussi que « pour un même index, on peut avoir une variabilité importante de performances. Pour les Holstein de l’étude, on constate par exemple jusqu’à 10 g/kg d’écart sur le TP entre les moins bonnes et les meilleures à index constant. » Elle en conclue : « La génétique ne fait pas tout, c’est un levier parmi tant d’autres pour améliorer le troupeau. Cela passe par le sanitaire, l’alimentation, etc. »