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Mayotte

Face aux importations, les filières agricoles locales tentent de se structurer


AFP le 27/05/2021 à 09:28

L'inauguration fin mai d'un abattoir de volailles à Mayotte, le seul depuis l'échec d'une tentative similaire en 2005, marque une nouvelle étape dans la construction d'une filière agroalimentaire dans ce département français confronté à la cherté de la vie, à l'insularité et à l'éloignement.

« On m’a toujours dit que le Mahorais voulait manger moins cher. Moi, je crois que le Mahorais veut manger moins cher, mais de qualité », a expliqué en conférence de presse Elhad-Dine Harouna, le président de la SAS l’Abattoir de volailles de Mayotte créée en 2017.

Cet abattoir, d’une capacité de 1 500 tonnes de poulet annuelle, va permettre de multiplier par dix la production de la marque « Mon Pouleti », commercialisée aujourd’hui par AVM à titre expérimental. Le lancement de l’activité est prévu à partir du mois de juillet 2021. De quoi proposer une alternative locale pour la restauration collective et les grandes et moyennes surfaces, où la majeure partie des produits sont issus de l’importation. Une situation coûteuse en raison de l’octroi de mer, cette taxe spécifique aux départements et régions d’Outre-mer censée protéger les entreprises et collectivités locales. D’après le programme 2017 du Posei – qui décline la politique agricole commune (Pac) dans les régions ultrapériphériques (RUP) – relatif à Mayotte, 99 % de la consommation totale de volaille est importée, soit 8 900 tonnes par an.

À Mayotte, petite île de 374 km2, l’agriculture est encore majoritairement vivrière et les tentatives pour développer des filières locales font l’objet de freins, liés à l’insularité, l’éloignement et au manque de compétences et d’infrastructures. Petite taille des exploitations, difficultés à les moderniser ou à entrer dans les circuits de commercialisation: Près de la moitié des ménages agricoles utilisent leur production pour leur consommation personnelle plutôt que pour la vente.

Compenser les importations

Pourtant, dans certains secteurs, la production locale pourrait compenser une partie des importations : outre les volailles, la filière œufs est déjà quasi autosuffisante, de même que les fruits et légumes, même si la majorité de la production finit sur des étals de fortune au bord des routes.

L’économie informelle capte plus de 70 000 tonnes de fruits et légumes sur les quelque 71 000 cultivés, d’après une étude de la Direction de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DAAF) de Mayotte. « Ces vendeuses de bord de route s’auto-organisent pour aller chercher la marchandise directement chez les agriculteurs », explique à l’AFP Bastien Chalagiraud, chef du service économie agricole à la DAAF, qui tache justement de formaliser le secteur pour garantir traçabilité et sécurité des produits. « Les agriculteurs qui veulent vendre n’ont pas forcément les moyens, de locomotion, de stockage, pour accéder au marché formel, sauf ceux qui sont dans des circuits formalisés, quelques dizaines », note-il.

Pour autant, les initiatives se multiplient ces dernières années afin de proposer une alternative de qualité au consommateur, poussées depuis 2014 par les aides du Fonds européen agricole pour le développement rural, le Feader (plus de 83 millions d’euros pour la programmation 2014-2022), et du Posei (six millions d’euros par an). Financée à 90 % par le Feader, la coopérative Uzuri Wa Dzia propose depuis mars 2020 ses gammes de lait local à raison de 200 litres par semaine. Un statut coopératif qui a déjà fait ses preuves pour les fruits et légumes avec l’Ucoopam, l’Union des coopératives agricoles de Mayotte, née en 2017. « Le fait de se regrouper nous permet de bénéficier d’une exonération d’octroi de mer et donc de réduire les coûts des intrants nécessaires aux agriculteurs. Et nous proposons aussi un réseau de distribution pour nos adhérents », expose à l’AFP Bryce Bouvard, le coordinateur. Grâce au Feader, une nouvelle plate-forme de stockage et de distribution doit sortir de terre pour « multiplier par trois nos capacités », aujourd’hui limitées à 200 tonnes annuelles, développe-t-il.

En octobre 2019, le président Emmanuel Macron, en déplacement sur l’île voisine de La Réunion, avait annoncé une politique adaptée pour tendre vers l’autonomie alimentaire dans les départements et régions d’Outre-mer d’ici 2030. À Mayotte, un groupe de travail dédié doit rendre ses réflexions « d’ici fin juin », promet Bastien Chalagiraud.