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Filière viande bovine

Du scénario catastrophe à l’avenir assuré, cinq hypothèses à l’horizon 2040


TNC le 03/01/2019 à 14:32
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L’interprofession bovine a missionné Franceagrimer pour mener une étude prospective sur la filière bovine à l’horizon 2040, abordant à la fois le contexte général – climatique, économique et sociétal – le contexte propre à la filière bovine et l’évolution des marchés. Du pire au meilleur pour les éleveurs, cinq scénarios sont envisagés. L’étude doit « servir les décideurs de la filière en vue de l’élaboration de stratégies gagnantes ».

Comment va évoluer le marché de la viande bovine en France et chez nos principaux clients étrangers ? Comment les éleveurs vont-ils s’adapter à l’évolution du contexte économique, climatique et sociétal ? Comment s’adapteront-ils à l’évolution de la demande ? Franceagrimer a publié à la demande d’Interbev une étude prospective décrivant cinq scénarios – du pire au meilleur – pour l’avenir de la filière viande bovine française, dans un contexte économique et sociétal relativement peu favorable et ponctué de menaces.

Cette étude résulte d’un travail de deux ans pour aborder « près de 1 000 hypothèses sur trois thèmes majeurs : le contexte général (économique, climatique et sociétal), le contexte propre à la filière bovine (concertation des acteurs, contractualisation, systèmes de production, etc) et l’évolution des marchés et produits (consommation, évolution des prix, segmentation de l’offre).

De ces nombreuses variables, Franceagrimer a ainsi identifié et décrit cinq scénarios.

Crise globale, repli national de la consommation et du nombre d’exploitations

Dans un premier scénario plutôt sombre, la filière doit s’adapter « pour faire face aux conséquences de la crise globale » climatique et énergétique. L’équilibre économique des exploitations spécialisées en viande bovine « passerait nécessairement par une diversification des sources de revenus : céréales, vente directe, méthanisation, etc. ». Dans ce contexte, le renforcement du principe du « pollueur-payeur » favoriserait le modèle d’élevage extensif à l’herbe associé à une diversification des sources de revenus.

Les exploitations bovines seraient ainsi victimes d’une forte diminution de la consommation de viande en France. Mais la hausse du prix du pétrole rendrait non compétitives les importations de viande bovine sud-américaine. Cette évolution ne profiterait pas aux éleveurs français car la filière bovine servirait toujours plus de monnaie d’échange dans les négociations commerciales bilatérales. « Au final, malgré le complément de revenu associé à la bonne valorisation des déjections et les autres diversifications des sources de revenus, la situation économique des éleveurs de bovins allaitants est si difficile que leur nombre diminue », analyse Franceagrimer.

Consommer moins, pour toujours moins cher

Un deuxième scénario noir envisage une crise économique et une limitation des émissions de gaz à effet de serre pour tenter de résoudre la question climatique. Dans ce scénario, la crise économique mondiale serait si importante qu’elle s’accompagnerait d’une baisse de la demande énergétique et, ainsi, une chute du prix du pétrole.

La France soumettrait la taille du cheptel national à un « quota », « ce qui pousserait à améliorer la productivité par tête et à intensifier l’élevage. » Le consommateur substituerait drastiquement les protéines animales par des protéines végétales. La consommation française de viande bovine diminuerait ainsi fortement. « En complément de la viande issue des élevages laitiers et d’un engraissement intensif de jeunes bovins à l’auge, la rémunération des services environnementaux rendus par l’élevage et la diversification des activités permettent le maintien résiduel d’exploitations extensives, respectueuses des contraintes environnementales. »

Montée en gamme sous forte pression sanitaire et sociale, le scénario le plus crédible

Dans ce scénario, les évolutions sociétales, en matière de bien-être animal, tendent à redéfinir les relations « homme-animal » et « conduisent à l’encadrement strict des itinéraires techniques acceptés, en lien avec une réglementation qui in fine prend le pas sur la contractualisation. » La demande mondiale en viande bovine augmente donc, mais davantage en qualité qu’en quantité.

En France, « le système de gestion de la qualité, et la prise en compte du bien-être animal à tous les stades de la filière pour certaines destinations, constitueraient des facteurs de compétitivité à l’international, contribuant notamment à lever des barrières sanitaires aux échanges. »

La consommation de viande rouge se ferait « plus rare, mais par plaisir ». La restauration collective achèterait plus local, donc français. Le consommateur privilégierait l’origine France et la proximité, et accepterait de payer plus cher pour un « produit plaisir ». La filière s’adapterait ainsi par une montée en gamme significative de la production.

Dans ce contexte, ce seraient principalement « les exploitations écologiquement intensives basées sur la valorisation de l’herbe, et ceux bénéficiant d’une proximité de sources de sous-produits alimentaires, qui parviendraient à capter une part significative de la valeur ajoutée, les autres courant après le respect de normes de plus en plus contraignantes. »

Compétitivité et différenciation, le scénario alternatif

Dans un quatrième scénario assez similaire au précédent, les échanges mondiaux seraient freinés par le coût de l’énergie. La filière bovine s’orienterait vers un système de production durable concentré et intensif à l’herbe. Une orientation qui serait facilitée par des avancées sur le plan génétique, permettant « d’améliorer la durabilité de la filière en répondant à une pluralité de demandes (qualité et poids des carcasses, meilleure valorisation de l’herbe, limitation de l’impact environnemental par amélioration des qualités bouchères du troupeau laitier,…) ».

Côté consommation, « le prix de vente consommateur de la viande bovine augmenterait sensiblement du fait de la part croissante des signes de qualité, reconnus et payés comme tels, et les éleveurs parviendraient à capter une partie des gains de productivité (notamment la réduction du coût des intrants pour les exploitations s’étant réorientées vers un système d’élevage à l’herbe). La valeur ajoutée à la production reviendrait en partie aux exploitations dès lors qu’elles s’engagent dans des stratégies de différenciation qui vont au-delà des obligations réglementaires. Une différenciation portant surtout sur l’abattage et le transport et relativement peu sur les systèmes d’élevage. »

Filière organisée et marché porteur, le scénario optimiste

Le dernier scénario est le plus optimiste. L’accroissement de la population mondiale s’accompagnerait d’une hausse de la demande en viande bovine. « Grâce à la mobilisation et aux efforts des acteurs de la filière française et des pouvoirs publics, contrairement à d’autres pays, la France ne connaîtrait plus de crises sanitaires majeures dans le secteur bovin, ce qui rassurerait les consommateurs français et ses clients étrangers ». La filière française serait reconnue pour sa « traçabilité exemplaire » et travaillerait ardemment à « construire de la qualité dans toutes les dimensions : bien-être animal, sanitaire, gustative, santé, environnement.

La filière s’organiserait pour « communiquer au consommateur des informations précises et détaillées sur la viande et son origine, quel que soit le circuit de distribution et le produit (viande spécialisée ou co-produit issu du troupeau laitier) ». Ainsi l’offre française de viande bovine, segmentée et innovante, fidéliserait ses consommateurs et rémunérerait convenablement ses producteurs.