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Pâturage

Débrayer les parcelles au bon moment pour faire du stock de qualité


TNC le 16/05/2023 à 05:03
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Guillaume Le Bellego est passé en bio et en système tout herbe cette année. Son prochain cap : grouper tous les vêlages au printemps pour profiter de la pousse à cette période. (©Guillaume Le Bellego)

Tandis que le pic de pousse de l'herbe se profile, l'heure est à la prise de décision : il faut gérer les différentes parcelles et notamment en débrayer certaines pour la fauche.

« Le démarrage a été long, ça a été ric-rac sur les derniers jours de mars, mais la pousse a explosé au 10 avril. » Guillaume Le Bellego, éleveur laitier du Calvados, conduit 75 laitières et leur suite dans un système pâturant (110 ha de surface, tout en herbe). Son objectif : passer en vêlages groupés de printemps pour maximiser le potentiel de ses prairies multi-espèces. « On est dans un secteur très portant, donc les vaches sont quasiment toute l’année dehors : l’hiver sur les parcelles qui portent le plus avec du foin que je déroule pour faire du bale grazing, et l’été je complète avec de l’ensilage d’herbe distribué à l’auge pendant la traite. »

Je préfère les vêlages de printemps à ceux d’automne car je préfère arrêter de traire l’hiver et avoir un pic de travail l’été.

En système de pâturage tournant (27 ha accessibles pour les vaches laitières), il a constitué des paddocks d’une journée. C’est sa première année en 100 % pâturage (auparavant il gardait toujours un fond de ration à l’auge) et l’éleveur devrait aborder l’été sereinement : « Je mesure les parcelles à l’herbomètre toutes les semaines. On a eu environ 85 kg/MS/ha/j de pousse la semaine dernière et on devrait atteindre les 120-130 kg là. » Il a même commencé à débrayer des parcelles qu’il compte faucher dès qu’une fenêtre météo se présentera.

Ne pas se faire déborder

Romain Torquet est conseiller fourrage à la chambre d’agriculture de Normandie et suit un groupe d’éleveurs dans le Pays d’Auge (dont Guillaume). Il complète : « Cette année, les conditions sont excellentes pour la pousse des graminées et des légumineuses. Le pic de production devrait durer plusieurs semaines. » Pour lui, le risque est de se faire dépasser. « Au stade épiaison, les graminées perdent de leurs valeurs. »

Faire le tour des parcelles régulièrement pour mesurer et contrôler le stade physiologique des graminées. L’idéal est de pâturer ou faucher avant l’épiaison des graminées.

La clé c’est le déprimage : « Avec un bon déprimage, on crée un décalage de pousse entre les parcelles, c’est primordial pour ne pas être débordé ensuite. Le bon stade de pâturage, c’est le stade trois feuilles (12 cm à l’herbomètre, 18 cm au mètre ruban). Au-delà, on perd en valeurs et en production donc il faut bien anticiper pour en perdre le moins possible. » Dans ce cas, on débraye.

Guillaume Le Bellego a réussi à faire un bon décalage mais ça ne suffit pas : « Les vaches ont déjà fait trois passages partout et j’ai ramené des génisses et des taries dans le circuit pour les aider à faire face à la pousse de l’herbe, mais ça ne va pas assez vite donc je vais sortir plusieurs paddocks que j’ensilerai. » L’ensilage se fait à l’autochargeuse dans un silo qu’il rouvre et complète au fur et à mesure sur la hauteur. « Je fais ça depuis deux ans et ça se passe plutôt bien. »

Parcelle pâturée il y 12 jours et débrayée pour la fauche. (©Guillaume Le Bellego)

Avec l’expérience, il se constitue de petits repères : « Lorsqu’on prend 30 mm sur la semaine, on sait qu’on va tenir un mois de plus. Là on en est à 45 mm, donc je suis assez serein jusqu’à fin juin, c’est plutôt pas mal. Je vais même pouvoir faire du foin pour en vendre un peu. » Dans une zone très séchante, l’éleveur connait le potentiel de ses parcelles : « Tous les ans, on a 1 ou 2 mois très secs pendant lesquels on a besoin d’affourager, il faut juste le prévoir. »

Faucher les excédents d’herbe

Si l’on ne parvient pas à faire pâturer avant que l’épi ne sorte de la gaine, il faut exclure la parcelle du cycle de pâturage pour la fauche. La règle d’or, c’est l’anticipation. « Il faut agir assez vite pour récolter de l’herbe de qualité, insiste Romain Torquet. On optera pour de l’enrubannage ou de l’ensilage en fonction de son système. On peut aussi attendre pour faire du foin en juin, mais il perdra en valeurs alimentaires, surtout s’il y a beaucoup de graminées dedans. »

L’inconvénient du débrayage en revanche, c’est qu’on remet les parcelles fauchées toutes au même stade 5 semaines plus tard. Autre aspect à avoir en tête : ces petits chantiers de fauche ont un coût de récolte assez élevé à la tonne de MS récoltée.

Trois solutions s’offrent donc aux éleveurs en cas d’ excédent d’herbe (un « problème de riche » il faut l’admettre car toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne) :

– Débrayer des parcelles pour la fauche,

– Allonger le temps de séjour des animaux (mais cela oblige à en sortir quand même du cycle de pâturage),

– Faire revenir des animaux d’autres lots sur les parcelles.

L’expert fourrage complète : « On peut aussi faire du report sur pied, mais cette herbe ne devra pas être destinée aux animaux à forts besoins comme les laitières. On réservera cette herbe aux génisses par exemple. »