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Bâtiment d'élevage

Concevoir et entretenir une aire paillée


TNC le 04/11/2021 à 10:58
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La ventilation du batiment joue un role important sur le comportement de l'aire paillee en evacuant l'humidite du sol. (©TNC)

Bien que la plupart des nouveaux bâtiments aujourd'hui sont conçus en logettes, l'aire paillée reste appréciée par les éleveurs pour son confort. Tanguy Morel de l'Institut de l'élevage liste les points importants pour concevoir un bâtiment en aire paillée.

43 % des éleveurs bovins (laitiers et allaitants confondus) logent leurs vaches en aire paillée, selon un récent sondage publié sur Web-agri. Les logettes restent néanmoins en tête dans les élevages laitiers. La plupart des nouveaux bâtiments sont conçus en logettes pour gagner de la place et limiter la consommation de paille.

Malgré cela, de nombreux éleveurs restent attachés à l’aire paillée. Focus sur la conception du bâtiment et conseils du spécialiste Tanguy Morel de l’Institut de l’élevage :

8 m2/VL d’aire paillée

« Pour le dimensionnement de l’aire paillée, il y a les normes et les recommandations : ce n’est pas pareil. La norme est par exemple de 6,5 m2/VL pour pouvoir stocker 2 mois de fumier en l’absence de fumière. Mais dans la réalité, soyons honnête, c’est difficile de garder 2 mois de fumier sous les vaches, reconnaît l’expert de l’Idele. En plus, c’est à peine suffisant pour un bon confort. » Lui recommande plutôt 8 m2/VL. « Il y a un compromis à trouver entre confort et coûts, forcément. »

Le bâtiment peut être long, tant que la circulation y est bonne. Mais c’est en largeur qu’il faut faire attention : « Plus le bâtiment sera profond, plus la paille sera souillée par les déplacements. Les vaches dominantes iront se coucher en premier dans le fond. Quand elles se lèveront pour aller manger par exemple, elles dérangeront les dominées, couchées après et plutôt au bord de l’aire d’exercice. » Pour l’expert, il ne faut pas dépasser les 12 m de profondeur. « Avec 10 m de large de l’aire paillée, on arrive en général à avoir la même longueur de couchage que de places à l’auge, ça se goupille bien. »

Sous la paille : béton ou terre battue ?

Pour le dessous de l’aire paillée, Tanguy Morel préfère la terre battue au béton : « Le béton coûte cher et sera moins confortable pour les vaches, avec des risques de glissades. En plus, après un curage en plein hiver, le sol sera très froid, ce que les vaches n’aiment pas vraiment. Un sol en terre tempérera davantage les écarts de température. »

L’idéal pour lui est de blanchir le sol à la chaux à la construction, puis de recouvrir d’un mélange argile + chaux qui devra être roulé avec un cylindre spécifique pour tenir le plus longtemps possible. « Si c’est bien tassé, ça pourra tenir 6 à 7 ans sans problème. Les godets d’aujourd’hui utilisés pour curer sont moins abrasifs en plus. »

L’aire paillée ne doit pas dépasser les 25-30°C en surface (soit 40°C dans les premiers centimètres). Il faut pouvoir curer avant pour éviter les mammites. (©TNC)

Caillebotis ou aire d’exercice raclée ?

Pour des questions d’hygiène, l’aire paillée intégrale est déconseillée en lait. « L’aire d’exercice permet quand même de sortir 40 % des déjections. Reste à choisir entre une aire raclée ou des caillebotis, et là tout dépend de la surface disponible aux abords du bâtiment. »

Voici un tableau récapitulatif des deux systèmes :

Fosse à lisier extérieureCaillebotis

+ sain (sortie des effluents)

Durée de stockage potentiellement plus longue

– cher

Permet de travailler en lisier frais si méthanisation sur la structure

+ d’humidité sous les vaches et dégagement d’ammoniac

Pratique si manque de place

– de mécanisation (pas de raclage)

Max 2,5 m de profondeur (peut être limitant)

Fréquence de paillage et matériel

« Pour le paillage, on a longtemps raisonné en quantité de paille par bovin. En bovin viande par exemple, on recommande 4 à 8 kg/VA. En lait, il faut raisonner au m2 : je compte 1,2 kg/m2 de couchage. En fait il faut pailler mais pas trop pour veiller à ne pas enfermer trop d’air dans la paille ce qui fera chauffer le fumier. Les anciens disaient qu’un ébousage vaut deux paillages, et ils n’avaient pas tord. On voit souvent des éleveurs qui paillent fort car ils sont confrontés aux mammites mais c’est presque pire : en paillant beaucoup, on enferme beaucoup d’air dans la litière qui se met à chauffer plus vite. »

Un ébousage vaut deux paillages

Si c’est une pratique plutôt perdue, l’ébousage (le fait de retourner les bouses sous la paille à la fourche) présente deux avantages : économiser de la paille, et réduire l’échauffement de la litière.

Consommations de paille indicatives par catégorie de bovins et par type de logement (en kg/animal/j). (©Idele)

Pour le paillage, l’expert recommande une fréquence de 2 paillages par jour. « L’idéal est de pailler régulièrement pour assurer un maximum de confort, mais en petite quantité pour limiter l’échauffement, comme peuvent le faire les robots de paillage, finalement. » Il passe en revue les différents systèmes de paillage :

  • La pailleuse à turbine : la plus utilisée à ce jour. Elle permet de rouler dans le couloir tout en soufflant la paille sur l’aire paillée, jusqu’à 13 m. Son seul bémol est de générer beaucoup de poussière.
  • La dérouleuse pailleuse : elle éparpille la paille (donc moins de poussière), mais oblige l’éleveur à rouler sur l’aire paillée (déconseillé en bovin viande où les cases se multiplient et contraignent l’éleveur à ouvrir et fermer un grand nombre de barrières).
  • La pailleuse suspendue : elle passe au-dessus des box (pas besoin d’ouvrir les barrières) et génère peu de poussière. L’éleveur la contrôle depuis une cabine sur la machine ou via une télécommande. Son chargement peut en revanche être limitant : s’il faut passer plus d’une botte par paillage, il faudra attendre que la machine revienne à son point de départ pour la recharger (chronophage).
  • Le paillage robotisé : les plus connus étant les systèmes Schauer et Dussau avec un poste fixe qui broie la paille, relié à une soufflerie.

Un curage régulier et une bonne ventilation

La température de la litière est un bon indicateur, elle est à prendre à plusieurs endroits pour une mesure fiable. On dit qu’il ne faut pas dépasser les 30°C en surface, au-delà il faut curer. « La fréquence moyenne de curage de l’aire paillée est de 3 semaines-1 mois. Pour autant, la réglementation oblige les éleveurs à faire maturer ce fumier sous les animaux ou en fumière durant 2 mois avant de le stocker au champ, ce qui est quasi impossible en pratique. Imaginez stocker du fumier sous des vaches laitières 2 mois… » Heureusement, il existe une tolérance à ce jour. Attention tout de même à bien respecter certaines règles de bon sens pour le stockage au champ (pas au bord des habitations, maîtriser les écoulements, etc.).

Avant de se tourner vers des asséchants de litière très coûteux, mieux vaut revoir la conception du bâtiment et notamment sa ventilation.

La ventilation joue un rôle important sur le comportement de l’aire paillée. Tanguy Morel explique : « Les ouvertures doivent permettre une bonne évacuation de l’humidité. Pour les compléter, certains éleveurs ajoutent des brasseurs d’air à palles. Ils sont intéressants, même l’hiver à une faible vitesse, pour faire remonter l’humidité du sol. » Dans son secteur, l’Auvergne-Rhône-Alpes, la plupart des bâtiments s’ouvrent sur le couchage en aire paillée orienté à l’Est : « En ouvrant de ce côté, on a une bonne entrée d’air sans soucis de pluie ou de vent. On profite de l’ensoleillement du matin qui permet d’assécher le bâtiment. Cela facilite aussi le curage car on peut couper le bâtiment en deux parties, cela éviter de bloquer les vaches sur les caillebotis toute la journée. »