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Bovins lait

Comment améliorer le confort de travail : les enseignements du projet Cow Forme


TNC le 29/09/2022 à 14:12
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Au-delà de l'étude du temps et de l'efficacité du travail, « il s'agit de savoir comment les éleveurs se sentent dans leur métier », expliquent les organismes engagés dans le projet Cow Forme. (©Pixabay)

« Comment améliorer la qualité de vie au travail des éleveurs bovins laitiers ? ». En 2020, le projet Cow Forme a été lancé pour répondre à cette problématique, de plus en plus prégnante notamment dans cette production. Quels sont les points sources de tension dans les exploitations ? Et les pistes d'amélioration ? Au bout de trois ans, c'est l'heure du bilan, présenté au Space 2022.

Pour rappel, le projet Cow Forme est européen et inter-régional, entre les Hauts-de-France pour notre pays, et la Wallonie et Flandre en Belgique. Il fait partie du programme transfrontalier Interreg 5, issu d’un partenariat franco-belge sur la cohésion sociale, la santé, la formation et l’emploi en élevage.

Objectifs : favoriser l’emploi et la mobilité transfrontalière de la main-d’œuvre, mais aussi améliorer la qualité de vie au travail des producteurs bovins à travers une série d’actions (formations, groupes d’échanges…) autour de deux axes, l’un dédié aux demandeurs d’emploi et l’autre aux éleveurs employeurs de main-d’œuvre.

Quatre organismes ont participé à cette étude : l’idele, la chambre d’agriculture des Hauts-de-France, l’Inagro (centre de recherche situé en Flandre Occidentale) et le CRA-W (centre wallon de recherches agronomiques), avec 17 partenaires de la recherche, l’encadrement, la formation et l’emploi. 

Les éleveurs, au cœur du dispositif

L’originalité de ce programme, il s’appuie largement sur les échanges entre éleveurs avec :

  • 48 producteurs de lait, répartis en 7 groupes de travail (ou Focus Farm) sur les trois régions ;
  • 17 conseillers d’élevage, formés à « l’approche qualité de vie au travail » en production laitière pour réaliser :

1 diagnostic travail (35 questions) dans chacune des exploitations participantes.

1 visite de ferme en présence de l’ensemble des éleveurs engagés et d’experts selon les sujets traités.

Objectif :analyser la situation de chaque structure, avec les exploitants eux-mêmes et d’autres producteurs prêts à partager leur expérience, pour si besoin proposer un plan d’action destiné à l’améliorer. Au-delà de l’étude du temps et de l’efficacité du travail, « il s’agit de savoir comment les éleveurs se sentent dans leur métier, en interrogeant et c’est important chaque membre du collectif de travail », complètent l’idele, la chambre d’agriculture des Hauts-de-France, l’Inagro et le CRA-W.

Échanger entre pairs : les exploitants apprécient. Ils le mettent en avant dans le bilan du projet Cow Forme, citant en particulier :

– « le regard extérieur sur leur manière de travailler, de personnes du métier néanmoins » ;

– « le fait de voir qu’ils ne sont pas seuls à rencontrer les mêmes problèmes », ce qui s’avère réconfortant ;

– la découverte d’autres façons de faire, qui peut leur donner des idées à tester dans leur élevage ;

– l’émulation du groupe qui incite à « prendre du recul », « se remettre en question », et « motive » à changer certaines pratiques et à progresser ;

– les propositions de « pistes d’amélioration concrètes ».

À retenir des audits travail en élevage 

1-Quelques chiffres sur l’échantillon de fermes auditées (quantitatif)

 FranceWallonieFlandre
Nb VL/exploitation103 VL97 VL153 VL
UMO/exploitation2,4 UMO 2 UMO3,6 UMO
UMO lait/exploitation1,3 UMO lait1,6 UMO lait2,7 UMO lait
Nb VL/UMO44 VL/UMO52 VL/UMO40 VL/UMO

Temps astreinte/VL

Minimum : 27 h/VL/an           Moyen : 48 h/VL/an          Maximum : 89 h/VL/an

« En Flandre, les élevages sont de plus grande taille, plus spécialisés et robotisés » mais c’est en Wallonie qu’il y a le plus grand nombre de vaches par unité de main-d’œuvre, font remarquer les quatre organismes. Le temps d’astreinte par VL est lui très hétérogène dans l’échantillon. Les plus efficaces ont en général une SAU inférieure, sont mieux équipés, avec un peu de salariat et pas forcément de robot. »

2- Les problématiques rencontrées (sources de + ou – d’insatisfaction) (qualitatif)

(©Cow Forme)

Les deux points jugés les plus négatifs, sans surprise : le revenu des éleveurs et  les tâches administratives, « vécues comme pénibles et pesant sur la charge mentale ». Vient ensuite la gestion des imprévus, puis des week-ends et congés.

Les aspects plutôt positifs : la planification des chantiers, ainsi que le partage des responsabilités et la stabilité de la main-d’œuvre au sein du collectif de travail.

Les visites de fermes ont ensuite été construites autour de 2 à 3 de ces thématiques avec parfois, en complément, une réflexion sur le temps de travail, la pénibilité et les bâtiments/équipements. 

3- Les solutions évoquées dans les groupes Focus Farm

Organisation : davantage planifier les travaux en semaine et alterner les week-ends d’astreinte.

Diminution de la pénibilité et du temps de travail :amélioration des circuits (alimentation, traite, paillage/curage…), acquisition de colliers et/ou taxis-lait, astuces diverses.

Gestion du collectif :embaucher, déléguer, mieux communiquer (utilisation d’outils comme les points réguliers, les plannings, les affichages, etc.), partager des projets…

4- Les suites du programme Cow Forme

Tous les résultats vont être compilés sous forme de fiches méthodes et d’un guide, que les éleveurs bovins lait pourront utiliser pour améliorer leur qualité de vie au travail. Des vidéos sont en cours de réalisation pour illustrer les différents éléments abordés. Quatre webinaires ont également été proposés cette année sur le salariat (accueil et fidélisation du salarié, organisation du travail, communication, réglementation, coût), ainsi que trois voyages transfrontaliers en exploitation sur une thématique. Fin novembre, un événement est prévu, dans une ferme en Belgique, pour clore le projet Cow Forme et restituer l’ensemble de ses enseignements.

Un exemple : l’élevage de Jean-François Duriez

L’exploitation en bref (Pas-de-Calais) : 47 VL / 470 000 l / 105 ha / 2 UTH (1 chef d’exploitation, 1 salarié 35 h depuis 10 ans) + appui des parents 

Les problématiques rencontrées : « sécuriser la main-d’œuvre (réduction progressive du bénévolat des parents, âgés de 74 ans) et structurer la communication avec le(s) salarié(s) » (embauche possible, voir ci-après).

Les solutions envisagées :

– « recruter une 2e personne à temps partiel (20 h/semaine avec la traite du soir) (définition des besoins et du profil recherché, rédaction de l’offre d’emploi, conduite de l’entretien » ;

– « organiser les échanges avec les salariés (entretien annuel, réunions, protocoles, consignes, moments conviviaux, etc.) » Jean-François Duriez précise qu’il allait, notamment, « aménager un endroit spécifique pour eux » et qu’il comprenait mieux désormais « comment parler des problèmes sans les vexer » ;

– « mieux gérer l’administratif (aménagement du bureau, temps dédié comme une demi-journée par semaine par exemple, « il faudrait presque engager une secrétaire », plaisante Jean-François Duriez. « Certains éleveurs le font », répliquent les organismes qui ont mené cette étude) » ;

– « améliorer le management et formaliser les règles de fonctionnement (formations/outils via Cow Forme entre autres) ».