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Sécheresse

« Pour les fourragères, il faut prévenir ET guérir », d’après le Gnis


TNC le 25/06/2020 à 16:50
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Nouvelle sécheresse, nouveau coup dur pour les éleveurs. « Face à cette situation, deux issues sont à envisager : gérer l’urgence et repenser son système pour les années futures », explique le Gnis. Intercultures, betterave fourragère, sursemis, et choix de nouvelles espèces : l'interprofession fait le tour des solutions envisageables.

« Nous subissons, cette année encore, une sécheresse exceptionnelle qui, à force de se répéter, devient non plus exceptionnelle mais habituelle, bien que toujours aussi dramatique pour le monde de l’élevage », déclare l’interprofession des semences et plants dans un communiqué de presse.

Surpâturage et sursemis de prairie

Première nécessité : ne pas dégrader les pâtures en place par le surpâturage. Cela pénaliserait, en plus de la période en cours, la prochaine saison de pâturage. Si l’herbe vient à manquer, les experts prairies du Gnis recommandent plutôt de concentrer les animaux sur une petite surface et de les affourager.

À lire : Vous risquez de manquer d’herbe ? Comment bien complémenter son troupeau au pâturage ?

Ils précisent aussi : « Lorsque la végétation cesse de pousser, le sol continue de libérer de l’azote qui s’accumule et qui sera disponible dès le retour des pluies. Il n’est donc pas utile de s’empresser de donner un apport azoté. Il est même possible de s’en abstenir. »

En revanche, si la prairie est en souffrance, c’est le bon moment pour sursemer, « en espérant, bien-sûr, une pluie d’orage après le semis. » Le choix des espèces peut se faire de façon classique (en fonction du sol, de l’utilisation, de la période de production et de la pérennité) mais aussi en urgence, c’est-à-dire en semant des espèces très rapides d’installation comme le ray-grass d’Italie ou hybride. « Il est d’ailleurs possible d’associer ces ray-grass aux autres espèces plus pérennes afin qu’ils servent de couvert et protection. Une fois les RGI et RGH en fin de vie, les autres espèces prendront le relais.  Un premier pâturage est envisageable 30 jours après le sursemis. »

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Des alternatives sont possibles

Lorsque cela est possible, l’idéal (et le moins coûteux) est de réaliser des stocks sur pied. Mais cela nécessite quelques règles que le Gnis rappelle : « Il faut que la parcelle ait été déprimée, voire pâturée lors du deuxième passage des animaux pour favoriser le tallage et la densité et ne pas avoir trop de vieilles feuilles. Puis il faut se donner l’objectif d’avoir une bonne proportion de légumineuses, trèfle blanc, lotier, luzerne, trèfle violet. Comme l’herbe pâturée sera haute (30 à 60 cm), il est indispensable d’organiser un pâturage au fil avancé chaque jour (fil avant et fil arrière) ou de constituer des petits paddocks quotidiens. En pâturage classique il est clairement établi que la hauteur d’herbe doit se situer entre 5 et 15 cm. La qualité doit être une priorité. En prairie temporaire, les critères variétaux des espèces à privilégier sont la souplesse d’exploitation, la précocité, la remontaison, la résistance aux maladies. » Pour rappel, le site Herbe-book vous aide à choisir les bonnes variétés.

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Autre alternative : les cultures dérobées fourragères. « Pour les choisir, il convient de se poser quelques questions clés : où se situe la parcelle et peut-on envisager facilement un pâturage, peut-on réaliser une récolte mécanisée, à quelle date sera-t-il possible de semer, quelle sera la culture l’année suivante, comment prévoir la destruction du couvert après l’exploitation, quand exploiter (dès l’été-automne, en hiver, au printemps, ou à plusieurs de ces périodes) ? »

On peut aussi compter sur la betterave fourragère, valorisable à l’auge tout l’hiver mais aussi en pâturage au fil. Et les experts du Gnis lui font confiance : « si une période devient défavorable (sécheresse, chaleur ou froid), la betterave cesse de croître. Toutefois, dès que les conditions sont à nouveau favorables, elle redémarre très vite avec souvent une croissance compensatrice, diminuant ainsi très fortement les retards de croissante constatés. »

Plus largement, si les sécheresses se multiplient, il faudra peut-être repenser le système actuel, en implantant des mélanges mieux adaptés et en aménageant les prairies pour réimplanter des arbres et des haies favorables autant aux plantes qu’aux animaux.

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Adapter sa prairie au climat

Concernant les espèces fourragères, certaines résistent mieux à la sécheresse que d’autres, notamment : la fétuque élevée, le dactyle, le lotier et surtout la luzerne « qui est en quelque sorte une assurance sécheresse. »

« D’autres espèces cessent de produire mais ne meurent pas, comme le ray-grass anglais et le ray-grass hybride. D’autres encore sont sensibles et disparaissent définitivement comme la fétuque des près (sauf quelques variétés sélectionnées) et le ray grass d’Italie. La fléole est aussi assez sensible.

Il est important de préciser que pour obtenir une flore qui résiste mieux à la sécheresse, il faut favoriser la profondeur d’enracinement. Pour cela, deux moyens existent : faire monter la végétation pour effectuer une fauche une fois tous les 2 ou 3 ans et favoriser la vie du ver de terre. Ce dernier brasse les différents horizons du sol, aère la terre en profondeur grâce à ses galeries, favorise le drainage, enrichit le sol avec ses déjections et permet de répartir la fertilité. Pour soutenir l’activité du ver de terre, il y a trois moyens : hersage en surface, apport d’effluents d’élevage (idéal : fumier de dépôt ou compost) et tranquillité ! En ce qui concerne l’excès de chaleur, la plupart des plantes sont actives jusque 30 à 33°C, sauf le ray-grass anglais qui entre en dormance au-dessus de 25°C. La luzerne pousse jusque 40°C ! »