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Reportage au Gaec Petit Village (60)

« Organiser ses chantiers en partageant un salarié »


TNC le 31/01/2022 à 09:46

Fabien est salarié au Gaec Petit Village dans l'Oise. Mais aussi à l'EARL Vandekerchove, à 10 km. Deux fermes différentes, l'une en bovin lait, l'autre en allaitant et céréales, et des patrons et façons de faire qui le sont aussi. Une diversité, liée au salariat à temps partagé, qu'il apprécie. L'organisation, bien huilée mais souple, ne pose aucun souci. Reportage, dans l'un des élevages, celui de vaches laitières, où Fabien a d'abord été stagiaire puis apprenti. Pour les éleveurs et lui, un moyen de : « savoir qu'on ne serait pas déçus ! »

Fabien Frebourg connaît bien le Gaec Petit Village à la Neuville-Vault, près de Beauvais dans l’Oise. Bientôt 10 ans qu’il y travaille ! Entré en tant que stagiaire en 2012, il n’est plus jamais reparti, ou presque. Jusqu’en 2014, il y effectue cinq semaines de stage dans le cadre de son Bac STAV. Son diplôme en poche, il reste pour aider durant la moisson, puis en apprentissage pendant deux ans pour son BTS Acse.

L’examen obtenu, il poursuit ses études en passant un CS en machinisme agricole, puis un CAP de conducteur routier, toujours en apprentissage… chez Gilles Pelletier et son fils Corentin, les associés du Gaec Petit Village ! Dès le départ, « le feeling est passé » entre les deux éleveurs et le jeune homme, qui a « beaucoup appris sur l’exploitation » comme il le précise.

Dès le départ, le feeling est passé.

Après son CAP et la moisson qui a suivi toutefois, il décide de partir six mois en Australie. « Une belle expérience, résume-t-il. J’ai découvert d’autres productions que celles dont j’avais l’habitude, et à une autre échelle ! C’était très formateur ! » En mars 2019, il revient en France et devinez où on le retrouve à peine 15 jours plus tard : au Gaec Petit Village ! En avril, il y est embauché comme salarié agricole, mais à 50 % seulement.

« S’adapter aux besoins de chaque ferme »

« Quand on est bien quelque part, pourquoi aller ailleurs ?, fait remarquer Fabien. La structure ne pouvant accueillir un temps plein, il doit cependant chercher un complément dans une autre ferme. « J’ai d’abord trouvé dans la Somme, mais c’était un peu loin. » Alors il essaie de se rapprocher mais les offres intéressantes, pas pour un simple vacher, sont rares. Six mois plus tard, une opportunité se présente à Milly-sur-Thérain, à 10 km, par bouche-à-oreille.

C’est Fabien qui gère son temps.

« Depuis deux ans, je passe mes jeudis et vendredis au Gaec Petit Village et mes lundis et mardis à l’EARL Vandekerchove. Le mercredi, j’alterne entre mes deux patrons », détaille-t-il. Fabien est en effet ce qu’on appelle salarié à temps partagé sur plusieurs exploitations agricoles. « Comme on connaît à l’avance ses jours de présence, on peut planifier les travaux », met en avant Gilles Pelletier. Cette organisation bien cadrée ne pourrait-elle pas être trop figée, notamment en cas de pointe de travail chez l’un des employeurs ?

« C’est Fabien qui gère son temps, c’est pratique », répond son fils Corentin. « En fonction des besoins de chaque ferme et de la météo, complète son salarié. En termes de travaux, les deux structures sont assez complémentaires. Ici, il y a pas mal de maïs à semer et récolter, à Milly, plus de blé et des betteraves. Même au niveau de la moisson, ça colle bien. Et dans le cas contraire, il suffit d’intervertir les jours. » « On a toujours réussi à s’arranger avec les Vandekerchove », confirme Gilles.

Les deux structures, où Fabien travaille, sont assez complémentaires. Les chantiers s’enchaînent sans trop se bousculer. (©TNC)

« Un quotidien varié »

Fabien voit même des avantages à « se partager » entre deux exploitations. « Le quotidien est plus varié. D’autant que l’une est spécialisée en bovins lait et l’autre en allaitants et céréales, dans un secteur davantage de plaine. Les pratiques sont aussi différentes : semis direct ou non, MAE + réduction des IFT (indices de fréquence de traitement) ou non… Cela permet d’échanger, sur des sujets très divers, en confrontant des visions qui peuvent l’être tout autant. Cette ouverture d’esprit me plaît ! »

Il faut dire que le jeune salarié a été à bonne école au service de remplacement. Pendant deux ans, il s’est frotté à plusieurs systèmes et manières de travailler. « Personne n’a la même façon de faire, c’est ce qui est gratifiant !, lance-t-il. À chaque fois, il faut prendre ses marques mais toutes ces expériences sont un atout sur le CV. » Il a acquis des connaissances qui, aujourd’hui, lui servent chez ses deux employeurs, auprès desquels il se sent aussi bien. « J’ai de la chance ! », reconnaît-il.

Personne n’a la même façon de faire,
c’est ce qui est gratifiant !

Comme eux, Fabien est polyvalent. Chacun ayant néanmoins « ses domaines de prédilection », nuance Corentin, ce qui permet d’être « compétent dans son domaine, donc plus performant ». S’il assure la traite et les soins aux animaux (alimentation, paillage), le salarié s’occupe plus des cultures. « Ainsi, avec mon père, nous pouvons nous concentrer sur l’élevage laitier. »

Fabien s’occupe plus des cultures. Les éleveurs peuvent se concentrer sur l’élevage laitier. (©TNC)

« Montrer, partager, transmettre »

Si l’on interroge les éleveurs justement, Fabien n’a été ni le premier stagiaire, ni le premier apprenti, Gilles ayant pour la première fois été maître d’apprentissage au début des années 2000. Et après Fabien, Gilles a recruté pour quelques mois Kevin que le salarié, se rappelant être « passé par là », a bien encadré.

Les jeunes peuvent progresser à mes côtés.

« J’ai le contact facile, j’aime partager ma passion de l’élevage et celle de mon métier, montrer et transmettre des savoir-faire », raconte le producteur laitier, qui en retour « apprécie de pouvoir discuter avec une personne extérieure à la ferme ». « Fabien, par exemple, nous parle des techniques qu’il utilise avec son deuxième patron. C’est un plus pour nous. »

« Je pense que les jeunes peuvent progresser à mes côtés, s’ils sont intéressés, curieux, courageux et volontaires. Car il faut leur consacrer du temps. S’ils ne s’impliquent pas et qu’on ne peut leur confier quasiment aucune tâche, cela coûte vite cher. En élevage, c’est parfois compliqué : avant un certain âge, ils n’ont pas le droit de faire grand-chose, en particulier lorsqu’il faut utiliser des machines. La réglementation est souvent contraignante. »

Les animaux disposent de pâtures autour de l’exploitation. (©TNC)

« Un bon moyen de juger la personne »

Question démarches cependant, les exploitants sont plutôt tranquilles : c’est la chambre qui s’en charge, y compris des fiches de paye, quand Fabien était apprenti comme depuis qu’il est salarié. « Il relève ses heures et me les donne en fin de mois. Je les transmets ensuite au service main-d’œuvre », explique Gilles. Concernant les subventions à l’apprentissage en revanche, ce n’est pas la même histoire.

« On a eu du mal à les toucher. Normalement, elles sont versées tous les trois mois. Là, on a tout eu à la fin parce qu’on n’a pas lâché. » Toutefois, l’éleveur se félicite d’avoir pris Fabien en apprenti, et en stage auparavant. « Un bon moyen de juger la personne et de savoir que je ne serai pas déçu en l’embauchant comme salarié », souligne-t-il.

La chambre d’agriculture se charge des démarches.

Quant à devenir agriculteur un jour, Fabien en aurait bien envie. D’autant que son grand-père était exploitant, mais il est parti en retraite quand il n’avait que 10-12 ans. « Il a gardé les terres, mais cédé les vaches laitières. Vu les prix de reprise d’exploitation, s’installer n’est déjà pas facile. Sur 57 ha uniquement, ce ne serait pas viable. Il faudrait conserver une part de salariat de toutes façons. »

Les bâtiments sont regroupés sur le corps de ferme. (©TNC)