Accéder au contenu principal
Dans la Meuse

« Mobilisation sans précédent » pour endiguer la peste porcine


AFP le 30/01/2019 à 15:25

« C'est l'opération de la dernière chance » : face à la peste porcine africaine détectée sur des sangliers en Belgique, des patrouilles nocturnes arpentent la frontière meusienne pour créer un vide sanitaire empêchant l'épizootie d'atteindre les élevages porcins.

«Y a pas mal d’animaux là-bas, mais ce sont des chevreuils… il y a juste une tâche, au fond, il faut se rapprocher pour voir plus distinctement », murmure Christophe Pisi, chef de la brigade loup de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), venu spécialement du sud de la France pour former les gardes locaux au tir de nuit à Breux (Meuse).

Équipés de bottes et de parkas, lui et son collègue progressent en silence sur un chemin boueux en contre-haut du village, éclairé par la seule lueur des étoiles, à la recherche d’éventuels sangliers sortis du bois pour se nourrir. À travers la petite caméra thermique d’une portée maximale d’1,5 km, leurs yeux aguerris distinguent ici un renard, là-bas un lièvre, plus loin des chevreuils… mais point de suidés. « C’est peut-être une bonne nouvelle, ça veut peut-être dire qu’ils ne sont plus là », espère Christophe Pisi au retour d’une heure de marche nocturne par – 2 degrés, bredouille. Mais ces animaux habitués à la pression de chasse sont également connus pour leur capacité à se cacher quand il le faut… 500 à 600 bêtes doivent pourtant être abattues « d’ici deux à trois semaines » dans la zone blanche de 141 km2, selon le ministère de l’agriculture.

À la sortie du village, des ouvriers se sont activés toute la journée pour installer une clôture métallique de 1,50 m de haut, qui s’étendra à terme sur environ 70 km à cheval sur la Meuse et les Ardennes. Une clôture similaire est déjà en place côté belge. Des pièges ont également été posés et une nouvelle battue administrative réunissant 200 personnes, dont l’armée, aura lieu dimanche dans cette zone blanche pensée comme un coupe-feu. « C’est absolument exceptionnel ce qu’on fait (…) c’est une mobilisation sans précédent », assure Olivier Thibault, directeur général de l’ONCFS, à la fin d’une réunion de crise dans une veille grange en pierre du village transformée en quartier général.

« Groin à groin »

Chacun se penche sur les cartes topographiques, observant la bande qui doit être dépeuplée des sangliers, laies et marcassins, au plus vite. « C’est un sujet économique majeur car la maladie est très transmissible (aux porcs), de groin à groin c’est suffisant », explique Olivier Thibault, rappelant en revanche que la peste porcine ne se transmet pas à l’homme. Si elle se propage, la France risquerait de perdre son statut de pays indemne et ainsi se voir refuser les exportations, notamment sur l’important marché chinois soit, selon Olivier Thibault, « 200 à 300 millions d’euros » de pertes pour la filière porcine française.

Dans la nuit de Breux, une autre équipe de gardes a réussi à observer un sanglier, mais sans pouvoir tirer, malgré la carabine suréquipée – caméra thermique, lunette d’affût, silencieux – en sa possession. Ces opérations exceptionnelles ont aussi un impact sur les chasseurs du secteur bientôt entièrement clôturé, qui ne reverront plus aucun sanglier dans les prochaines années. « On ne faisait pas du quantitatif mais du qualitatif, on avait une méthode très rigoureuse et on savait prélever quand il fallait, mais aujourd’hui on nous demande de faire tout l’inverse, de tuer tous les marcassins, les femelles, sans distinction, et ça c’est très très compliqué à vivre », confie Guy Pereira, président de l’association communale de chasse agréée de Breux, pin’s de cerf sur polaire kaki. « J’ai le cœur qui saigne, je suis un président ému », ajoute-t-il, malgré tout conscient que ces mesures sont prises « pour la bonne cause ».

Sans ce grand gibier, la zone blanche perdra inévitablement de sa biodiversité, mais aux yeux d’Olivier Thibault, il faut en passer par là pour « protéger la biodiversité sur tout le territoire », dont l’équilibre est menacé par cette maladie contre laquelle il n’existe ni traitement, ni vaccin.