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Reportage à l’Earl Coulon (80)

« Avec deux silos seulement à gérer, je gagne 15 min/j pour l’alimentation »


TNC le 12/04/2019 à 05:54
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Il distribue du maïs ensilage, de la pulpe surpressée, de l’ensilage d’herbe, de l’enrubannage de luzerne, de l’aliment liquide ou encore d’autres aliments et il ne gère pourtant que deux silos. Francis Coulon, éleveur laitier de la Somme, est passé au mélange Pulp’mix via la coopérative Tereos. Trois fois par an, il mélange six aliments de sa ration pour n’en faire qu’un seul et même silo. Depuis, il économise 15 minutes chaque jour et a même réduit son coût alimentaire. Le mélange lui coûte tout de même 8 €/tonne mais l’éleveur ne reviendrait pas en arrière car il constate de réels bénéfices sur la santé et la productivité de son troupeau.

La coopérative sucrière Tereos lance Pulp’mix. Destiné à ses éleveurs coopérateurs, ce nouveau service vise à valoriser les coproduits et les fourrages de ferme conjointement. En effet, tous ou une partie des aliments sont mélangés et mis en silo pour faciliter la distribution quotidienne et améliorer l’efficacité alimentaire de la ration. Ils peuvent ainsi intégrer jusqu’à 10 ingrédients dans le mélange.

8 €/tonne de mélange Pulp’mix pour un gain de temps quotidien

« L’offre nutritionnelle Pulp’mix est en place depuis un an, explique Olivier Camau-François (directeur nutrition animale de Tereos). 10 éleveurs l’ont testé à ce jour. » C’est le cas de Francis Coulon, éleveur laitier à Buigny L’Abbée (Somme), « Mélanger un maximum d’ingrédients dans un même silo facilite mon quotidien », témoigne l’éleveur. Son mélange Pulp’mix est composé de maïs, pulpe surpressée, correcteur azoté, ensilage d’herbe, enrubannage de luzerne et Alcomix (coproduit liquide des amidonneries de blé). « Je ne met qu’une partie du maïs dans le mélange et je garde un silo complet de maïs car on paie la prestation à la tonne (8 €/tonne). En revanche, je gagne 15 minutes tous les jours à distribuer : je n’ai qu’à piocher dans le maïs, dans le Pulp’mix et ajouter la paille et les minéraux ! »

Francis Coulon termine aujourd’hui son tout premier silo, conçu en décembre 2018 : « On était parti sur 330 tonnes de mélange afin de nourrir une centaine de vaches pour 3 mois. Finalement, on a réussi à tenir 4 mois. » Pour cela, Tereos met les moyens : le jour du mélange, la coopérative met à disposition une grosse mélangeuse Trioliet ainsi qu’un chargeur et deux chauffeurs. « On met une journée pour mélanger les 330 tonnes, soit entre 35 et 45 t/heure. » C’est un chantier impressionnant qui demande une certaine organisation et de la place pour stocker les aliments. L’éleveur reçoit les produits secs la veille et la coopérative gère la cadence des camions de pulpe en fonction de l’avancée du chantier. Charge à l’agriculteur de préparer ses aliments (débâcher les boules d’enrubannage, désiler les silos) et de confectionner le nouveau silo. « La mélangeuse recule dans le silo, on ouvre les trappes arrière et après ça se passe comme un chantier classique. »

Tereos fait appel à un prestataire extérieur qui met à disposition une grosse mélangeuse Trioliet le jour du chantier. Elle brasse alors près de 45 t d’aliment/heure. (©TNC)

Par facilité, l’éleveur pourrait ne réaliser qu’un seul silo pour toute l’année mais cela représenterait un gros chantier de plusieurs jours et il lui faudrait aussi acheter une importante quantité d’aliments d’un coup ! En revanche, son fonctionnement en silo de 4 mois lui permet de réaliser deux mélanges sur la campagne de betteraves (car celle-ci s’étale de plus en plus). Il n’aura besoin de stocker les pulpes que pour le dernier mélange à faire. Pour ce qui est du maïs ensilage, il faudra veiller à caler le chantier Pulp’mix à la bonne période : il pourra désiler son maïs dans les deux jours qui suivent l’ensilage mais pas après. Dans ce cas, il faudra attendre la fin de la stabilisation du silo. Même chose pour l’enrubannage : « Ça peut paraître idiot d’enrubanner de la luzerne pour la remettre en silo derrière mais j’ai des parcelles inaccessibles avec l’ensileuse. En revanche, si je presse dans les deux jours avant le chantier Pulp’mix, je ne suis pas obligé d’enrubanner, j’économiserai alors de la bâche. »

Baisse d’ingestion mais production stable = coût alimentaire en baisse

Pas question de mélanger tous les aliments n’importe comment ! Tereos fait appel à l’expertise de Stéphane Lartisant du BTPL pour la formulation de la ration. Ce dernier ne se substitue pas au conseiller d’élevage, au contraire : « Même si cette technique est bien connue et pratiquée dans l’Est de l’hexagone, elle ne l’est pas forcément dans les Hauts-de-France. Je prends le temps d’échanger avec le conseiller de l’éleveur et on réfléchit ensemble quant à la « recette » choisie. »

Pour le spécialiste, Pulp’mix est une évidence : « Le mélange améliore l’efficacité de la ration : la fermentation des aliments agit comme une pré-digestion. Les analyses de bouses le confirment : on ne retrouve quasiment rien. En travaillant sur un seul silo, les aliments ont tous le même pH, ce qui génère moins de stress pour l’animal. On augmente également le rythme d’avancement, ce qui limite les pertes par rapport à un silo de maïs qui n’avancerait pas de 20 cm/j. On distribue alors une même ration équilibrée tous les jours avec une impossibilité pour les vaches de trier puisque tout est mélangé. »

Francis Coulon l’a constaté : « J’ai baissé le nombre de parts distribuées car les vaches ne mangeaient pas tout. Je suis à 75 rations pour 92 VL (en 2 distributions/j). Elles ingèrent environ 20 kg de MS alors qu’elles devraient être à 22-23 kg sur le papier [à cela s’ajoutent les aliments au robot, NDLR]. Pourtant, la production n’a pas chuté (31 kg/VL de moyenne à 38/32 et un mois moyen de lactation de 6,5). Mon coût alimentaire est passé de 121 € à 97 €/1 000 l, auquel il faut additionner le coût du mélange Pulp’mix. Pour moi, l’investissement en vaut la peine : le coût alimentaire a certes baissé mais mon temps de travail aussi. » Concernant la baisse d’ingestion, l’expert du BTPL se veut rassurant : « Ce système rejoint un peu les robots d’alimentation : les vaches ont accès à une ration régulière et homogène qu’elles ne peuvent pas trier. Elles se gavent moins et ce qu’elles mangent est mieux valorisé. »

Pulp’mix permet d’offrir une ration homogène avec un pH constant. La fermentation assure une pré-digestion des aliments, ce qui améliore l’efficacité alimentaire. De plus, un seul silo permet de faire avancer le front d’attaque de façon rapide. (©TNC)

Grâce à cette meilleure efficacité alimentaire, le besoin en aliments de l’exploitation devrait diminuer. L’éleveur pourra peut-être libérer des surfaces en maïs par la suite. Pulp’mix lui permet aussi de préserver son matériel : « Je passe ma luzerne dans le gros bol, ce qui abîme moins les couteaux de ma propre mélangeuse et me fait gagner du temps. Finalement, ma machine tourne moins longtemps tous les jours et j’y réfléchirai à deux fois lorsqu’il faudra la changer. Un simple godet désileur pourrait suffire pour distribuer la ration tous les jours. »

Finalement, pourquoi passer par Tereos pour mettre tous ces aliments en silo ? Stéphane Lartisant explique : « Une mélangeuse traditionnelle n’est pas faite pour tourner 8 h sur une journée et brasser autant d’aliments. En général, les mélangeuses tournent 2 h/j max. Là, l’avantage c’est qu’on dispose d’un matériel puissant et de chauffeurs supplémentaires. » Là-dessus, Olivier Camau-François ajoute : « Le service Pulp’mix permet aussi aux adhérents d’accéder facilement aux coproduits de la coopérative afin d’assembler des ressources locales aux ressources de l’exploitation. On reste ainsi dans un circuit court et une économie circulaire. »