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Prix du lait

« 3 producteurs sur 4 ne gagnent pas le Smic : Danone ne peut pas l’accepter »


TNC le 25/01/2022 à 18:03
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Les producteurs de lait de Caplait ont manifesté le 24 janvier pour demander à Danone un prix décent. (©TNC)

Plus de 100 producteurs de l’OP qui livrent Danone à Ferrières-en-Bray ont manifesté le 24 janvier devant le site, pour demander une nouvelle formule de prix qui prenne réellement en compte les coûts de production moyens des éleveurs. Aujourd’hui rémunérés à 342 € les 1 000 litres, ils demandent au moins 10 % supplémentaires sur le prix de base.

À l’appel de Caplait, l’organisation de producteurs qui livre Danone Haute-Normandie, une centaine de producteurs de lait se sont rassemblés le 24 janvier devant le site de Danone à Ferrières-en-Bray, en Seine-Maritime, avec un objectif : rappeler au groupe leur détermination pour obtenir une révision de la formule de prix qui prenne en compte le coût de production moyen.

« Aujourd’hui, Danone est l’entreprise qui, en Seine-Maritime, paye le moins cher le lait, et de très loin », explique Jocelyn Pesqueux, membre du bureau de l’OP et de la FNSEA 76. Le prix de base est à 342 euros les 1 000 litres, alors que les autres laiteries payent entre 350 et 380 euros, détaille un éleveur présent.

Un prix indexé sur les coûts de production du quart supérieur des éleveurs

« La loi Égalim oblige à payer au minimum sur les coûts de production moyens, mais Danone paye aujourd’hui seulement un producteur sur quatre au smic horaire », poursuit Jocelyn Pesqueux. L’entreprise se base en effet sur les coûts de production du quart le plus performant des éleveurs qui la livrent, c’est-à-dire la plupart du temps ceux qui ont déjà fini de payer leurs dettes et leurs investissements. Alors qu’aujourd’hui, le prix est à 34 centimes sans les primes, les producteurs demandent au moins 38 centimes le litre pour qu’au moins la moitié des producteurs touchent un Smic horaire.

Aujourd’hui, Danone est hors la loi !L’OP a présenté à Danone une étude, réalisée par CER France, sur 30 producteurs en 2019 : elle montre qu’il faudrait 394 euros au prix moyen (pour les années 2017, 2018 et 2019), quand le lait a été payé 347 euros. « Et tout ça, pour que seulement un éleveur sur deux touche le Smic », souligne un manifestant. Rencontrés la semaine dernière, les représentants de Danone se sont dit « prêts à revoir le calcul du prix par rapport à ces chiffres », indique Hubert Dion, président de l’OP, qui espère une négociation rapide. « C’est le moment opportun, notre formule n’est pas assez réactive, nos concurrents sont au-dessus, nos demandes sont légitimes ! », ajoute-t-il. D’autant plus qu’en ne prenant pas le coût de production moyen, « aujourd’hui, Danone est hors la loi », ajoute Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA.

Un enjeu « générationnel »

Hubert Dion, président de l’OP, devant l’usine et les manifestants. (©TNC)

Sans accord rapide, les producteurs pourront saisir le médiateur des relations commerciales. Cependant, le processus risque d’être long. « Nous, on veut trouver des accords. Je ne peux pas comprendre que Danone tolère que ¾ de ses producteurs ne touchent même pas le Smic horaire », déplore Jocelyn Pesqueux. « On ne veut pas travailler en dessous du Smic, c’est pas comme ça que les jeunes s’installeront », ajoute Luc Smessaert. Aujourd’hui, l’OP compte près de 400 exploitations dans l’Oise et en Seine-Maritime, soit un tiers de moins qu’il y a dix ans. « C’est quand même dommage, c’est une usine qui est une des plus modernes d’Europe, et si on continue comme ça, dans 10 ans il n’y aura plus de producteurs laitiers dans notre secteur », déplore Hubert Dion.

Soutenir les agriculteurs, c’est aussi soutenir la ruralité.« Je vais rappeler à Danone qu’il a l’obligation de respecter la loi et au ministre les engagements qu’il a pris de la faire respecter », a promis de son côté le député Sébastien Jumel (Gauche démocrate et républicaine). Pour l’élu de Seine-Maritime, «  soutenir les agriculteurs, c’est aussi soutenir la ruralité, quand un agriculteur arrête, ça fait des dégâts dans nos communes rurales », ajoute-t-il, conscient de « l’enjeu générationnel ».

Une première réponse de Danone est attendue ce jeudi. Si les négociations n’avancent pas suffisamment vite, « peut-être faudra-t-il aussi aller directement dans les grandes surface pour expliquer au consommateur comment Danone rémunère vraiment les éleveurs », suggère Luc Smessaert. Les éleveurs sont prêts, en tout cas, à revenir sur place pour réaffirmer leurs revendications.