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25 ans après les premiers lâchers, l’ours « un patrimoine » toujours clivant


AFP le 04/06/2021 à 09:41
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(©Pixabay)

« Qu'il est mignon », « extraordinaire », la douzaine de personnes participant à la randonnée « sur les traces de l'ours », près du village de Melles, où les trois premiers ours slovènes ont été réintroduits il y à 25 ans, sont émerveillés de découvrir un ourson qui se trémousse avec délectation.

Adrien, l’un des deux guides naturalistes de l’association Pays de l’Ours Adet, dévoile sur une tablette les images d’un jeune plantigrade d’un an et demi filmées par l’un des « pièges photos », un appareil à déclenchement automatique, quelques heures avant le passage du groupe sur ce sentier forestier, au cœur des Pyrénées.

« La réintroduction est un succès biologique. Du point de vue de la cohabitation avec l’agropastoralisme, il reste du travail à faire », estime Alain Reynes le directeur de Pays de l’ours Adet. « L’ours c’est un patrimoine biologique et un patrimoine culturel des Pyrénées », plaide-t-il. Deux femelles sont d’abord lâchées dans la forêt de Melles, Ziva le 19 mai 1996 et Mellba un mois plus tard. En 1997, le mâle Pyros les rejoint. Alors que les plantigrades se comptaient sur les doigts d’une main au mitan des années 90, après de nouveaux lâchers ils sont aujourd’hui 64 selon un comptage officiel.

Une population toujours fragile

Sur les sentiers qui traversent les forêts de hêtres et de sapins, ces passionnés apprennent à repérer les traces de l’ours, poils, empreintes de pattes, ou couche confortable confectionnée dans un tapis de feuilles. Florise, l’une des deux guides ramasse quelques faines de Hêtres. « Il s’en régalent surtout à l’automne. 80 % de leur alimentation est composée de végétaux ». Elle ajoute que ces grands mammifères puisent une grande partie de leurs besoins en protéines en « éclatant des fourmilières ou des ruches sauvages ». « On pensait qu’avec une cinquantaine d’individus on aurait une population pérenne, mais on s’est rendu compte qu’ils sont issues pour la plupart de deux mâles », ajoute Adrien. Pour éviter une telle consanguinité, il faudra rapidement « introduire de nouveaux individus », complète ce gaillard barbu à l’allure de viking.

Côté bonnes nouvelles, les guides évoquent les trois oursons nés dans l’hiver dans le Béarn, « une première depuis cinquante ans ». 2020 est d’ailleurs une année « record » avec un total de 16 naissances. Mais dans le même temps, trois ours adultes ont été tués illégalement, deux en Espagne et un en France. Et des éleveurs demandent toujours le retrait « d’un ours à problèmes ». « Goiat est un animal sur lequel les opposants se focalisent. Il a des comportements atypiques, il est notamment entré dans une bergerie mais il n’a jamais menacé personne et n’est pas agressif », souligne Alain Reynes.

L’effarouchement, une avancée pour les éleveurs

Pour François Thibault, le monsieur Ours de la Confédération paysanne de l’Ariège, le grand prédateur pose problème dans ce département qui concentre à lui seul 80 % des individus : « l’essentiel de la prédation c’est ici. Sur l’estive d’Ustou on a pu compter le passage de 17 ours. » « Un éleveur qui trouve ses bêtes éventrées c’est quelque chose d’extrêmement violent », dénonce le syndicaliste paysan. Cet éleveur, qui possède lui-même un troupeau de 200 brebis, note toutefois une baisse de la prédation en 2020. Il souligne surtout « un changement favorable de la part des agents de l’État (Office de la Biodiversité) depuis la mise en place d’une brigade d’effarouchement » mais il s’inquiète de ne pas avoir l’assurance que « cette expérimentation » soit reconduite.

Ruppert Vimal, un géographe du CNRS qui mène une étude sur la cohabitation entre l’ours et l’agropastoralisme, affirme que chez les éleveurs on assiste « à un tournant depuis deux ans avec cette possibilité de l’effarouchement ». « C’est une logique différente (de ce qui se faisait avant) qui marque que l’homme est aussi chez lui et que l’ours n’est pas intouchable ». Selon le chercheur, « même s’il existe toujours une minorité bruyante et agissante » d’opposants à l’ours, si l’on regarde « à l’échelle de l’estive, (les éleveurs) sont dans une logique d’acceptation et d’adaptation ». La présence de bergers et de chiens Patous a été ainsi renforcée et quelques estives résistent encore au parcage de nuit des brebis. Outre l’abatage de 3 ours en 2020, on peut noter comme signe de cette pression persistante des anti-ours radicaux une vidéo de 2017 envoyée au média locaux. On y voyait des hommes armés et cagoulés façon FNLC menacer « de rouvrir la chasse à l’ours en Ariège et de mener une résistance active face aux agents de l’État », disait l’un d’eux avec un fort accent ariégeois.