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La ferme du P’tit Gallo (35)

12 UMO, 400 000 l de lait transformé et bientôt un congé de 10 mois à l’étranger


TNC le 13/03/2020 à 06:04
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Yves Simon est agriculteur en Ille-et-Vilaine. En reprenant la ferme laitière bio de ses parents en 2004, le jeune éleveur se lance dans la transformation. Une quinzaine d’années après, la ferme du P’tit Gallo a bien changé : Yves s’est entouré de 11 salariés et transforme 400 000 l de lait par an, il a fait naître le réseau Invitation a la ferme, a équipé ses bâtiments de panneaux solaires, a monté un séchoir en grange et une micro-méthanisation… L’éleveur qui cumule les projets se lance maintenant un défi de taille : laisser les rênes de l’entreprise aux salariés pour partir 10 mois au Costa Rica en famille.

La ferme du P’tit Gallo se situe à 20 km au nord de Rennes à Montreuil-le-Gast. Pas moins de 12 personnes s’y activent quotidiennement autour des 70 vaches laitières et de l’atelier de transformation. Yves Simon tient les rênes de cette entreprise familiale qui a su évoluer avec son temps.

Transformer et vendre du lait à la ferme

Installé en 2004 sur l’exploitation laitière de ses parents, déjà convertie à l’agriculture biologique en 1998, Yves s’est lancé le défi de monter un atelier de transformation. « Avant d’être agriculteur, j’étais technicien agricole donc je voyais du monde. À mon installation, il était hors de question de m’enfermer sur la ferme. Je voulais une ouverture sur l’extérieur. »

Sur le même sujet, retrouvez : Monter un atelier de transformation à la ferme : par quoi commencer ?

À ses débuts, Yves disposait de 45 vaches laitières et 55 ha de SAU et lançait l’atelier avec 30 000 litres de lait transformés en yaourts, lait cru, crème et beurre. La structure a bien évolué puisqu’elle compte aujourd’hui 70 vaches laitières et leur suite sur 95 ha de SAU, ce qui lui permet d’être complètement autonome. 400 000 litres de lait sont également transformés chaque année. Finis le lait cru, la crème et le beurre, Yves a préféré se concentrer sur les yaourts et desserts lactés (riz au lait, crème dessert, semoule, etc.).

Retrouvez un autre témoignage : Au Gaec des Violettes (63), 40 vaches laitières 100 % herbe font vivre 4 personnes

« Le lait et le beurre sont des produits d’appel mais aujourd’hui je préfère faire de la valeur que du volume », explique-t-il. Pourtant, du volume il y en a puisque l’exploitation sort en moyenne 3 millions de yaourts par an sous la marque Invitation à la ferme, en partie créée par l’éleveur lui-même. Les débouchés restent locaux (de Rennes à St-Malo) mais la ferme livre tout de même 120 points de vente dont surtout des GMS, des magasins bio et des restaurants collectifs.

Invitation à la ferme, qu’est-ce que c’est ?
En 2015, trois exploitations de l’Ouest font naître le réseau Invitation à la ferme. Leur objectif : se regrouper pour structurer une filière de produits laitiers bio transformés à la ferme et vendus en circuit court. Yves Simon fait partie des trois fondateurs : « En mutualisant nos achats, nos compétences et notre savoir-faire autour d’une démarche et d’une marque commune, nous pérennisons et remettons de la valeur sur nos fermes. » Le réseau compte aujourd’hui 37 exploitations réparties sur toute la France.
Retrouvez un article paru en 2018 sur le sujet : 530 €/1 000 litres pour les producteurs du réseau Invitation à la ferme

Une ferme en constante évolution où les projets ne manquent pas

La volume de lait transformé a évolué petit à petit. Pour autant, les projets n’ont cessé d’animer l’éleveur. Il a d’abord monté un séchoir en grange en 2011, puis des panneaux solaires sur ses bâtiments afin d’auto-consommer l’électricité, et une unité de micro-méthanisation sur sa fosse à lisier avec une chaudière qui utilise le méthane pour chauffer les laboratoires de transformation. Yves s’essaie également au croisement Procross depuis 3-4 ans et teste les vaches nourrices.

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– Le Gaec Hannebique (62) a investi 50 000 € pour autoconstruire un séchoir en grange de luzerne
– H. Dion (60) : « Des animaux croisés productifs adaptés à un système intensif grâce au Procross »
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Et tout récemment : Le seuil d’appel d’offres relevé à 300 kWc pour développer les projets de photovoltaïque

Il est aussi passé en semis simplifié et a diversifié ses cultures avec des lentilles, du blé panifiable ou encore du sarrasin. « Prochainement, l’idée c’est de diminuer un peu les vaches pour augmenter la surface en cultures. Le nombre de 60 vaches laitières colle parfaitement au rythme de transformation et je suis convaincu qu’il y a un réel intérêt à se diversifier au niveau des cultures. »

« Les projets m’animent », explique Yves qui complète également : « Avoir des projets professionnels est une bonne chose mais il faut aussi en avoir des personnels. Mon épouse n’est pas dans l’agriculture et j’ai trois enfants en bas âge donc j’essaie d’en profiter avant qu’ils ne grandissent trop vite. Je pars six semaines par an en vacances car j’aime voyager. J’ai déjà laissé l’exploitation tourner trois semaines sans moi, c’est l’avantage d’avoir des salariés sur qui je peux compter. »

« Est-ce que la ferme peut tourner sans moi ? C’est la question qu’il faut se poser. Pour ma part, je suis sûr que oui. » C’est ce qui a fini de convaincre l’éleveur pour son dernier projet et pas des moindre : quitter sa ferme et plus largement l’hexagone pour partir 10 mois au Costa Rica en famille.

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Savoir déléguer jusqu’à confier les rênes de l’exploitation aux salariés

Yves Simon est bien entouré. Parmi ses 11 salariés, 3 sont spécialisés sur l’élevage et les cultures et 8 s’occupent de la transformation. Il se souvient : « Peu de temps après mon installation, je me suis blessé. Étant seul sur la ferme, j’étais bien obligé de travailler quand même mais je me suis dit qu’il fallait absolument développer l’activité et avoir un ou plusieurs salariés pour pouvoir compter sur quelqu’un. Il fallait que je ne sois indispensable nul part. » C’est chose faite !

Et plus encore, préparant actuellement son départ prévu en juillet, il affirme partir serein.  Gérer autant de salariés n’est pas une mince affaire, mais l’éleveur est plutôt du genre à relativiser : « Les patrons ont deux discours possibles : ils représentent trop de charges et n’avancent pas assez vite ou ils sont utiles et soulagent le travail. De mon côté, ça m’a fait comprendre que chaque heure travaillée devait être rentable et que c’était plutôt à moi de changer mon organisation. »

« Il faut faire confiance et savoir déléguer. Bien-sûr, il peut y avoir des erreurs, tout le monde en fait, mais il me semble primordial de lâcher prise et de faire un break de temps en temps pour revenir plus en forme ensuite. Aujourd’hui, j’arrive à avoir mon mercredi après-midi et on tourne sur l’astreinte des week-ends. »

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Cela fait maintenant un an que l’éleveur a annoncé son projet de congé sabbatique à ses salariés. Il compte partir en juillet et revenir en avril 2021 : « On avait au départ prévu de partir un an complet pour revenir en juillet 2021 mais je préfère rentrer pour la saison d’herbe car elle représente tout de même 2/3 de la ration annuelle. » Le départ se fait progressivement puisque Yves est actuellement en train de basculer à mi-temps pour ensuite partir en douceur.

En ce qui concerne les comptes rendus à distance, Yves compte échanger de façon hebdomadaire avec ses salariés. Il a d’ailleurs défini un responsable par atelier et aura donc affaire à un référent sur l’élevage, un sur la transformation, un sur le commerce et un autre sur l’administratif. Et quand on lui demande s’il est passé de paysan à agri-manager, il répond par la négative : « Même si c’est moi qui détiens le capital aujourd’hui, il y a beaucoup de partages et de responsabilisation de chacun. Les décisions, on les prend ensemble. La ferme, elle s’est construite grâce à toute l’équipe, selon les envies de chacun, c’est une aventure humaine avant tout ! Donc je reste bien paysan… »