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Dossier : Réforme de la PAC

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Pacte vert et nouvelle Pac

Un risque de baisse des revenus agricoles et de hausse des prix alimentaires


TNC le 08/12/2020 à 18:Dec
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Dans une étude réalisée pour la commission agriculture du Parlement européen, des chercheurs de l’Inrae et d’AgroParisTech mettent en avant les conséquences négatives que pourrait avoir la mise en place du Pacte Vert européen sur les revenus agricoles, les prix alimentaires et même l'environnement, s’il n’est pas accompagné de politiques publiques cohérentes.

Quelles implications stratégiques de l’adaptation de la future Pac aux objectifs du Green Deal (Pacte vert) européen ? Une étude répondant à ces questions a été commandée par la commission Agriculture du Parlement européen et a été réalisée par l’Inrae et AgroParisTech. Les conclusions sont sans appel : pour atteindre les objectifs du Green Deal, il est indispensable de revoir les mécanismes de la conditionnalité de la Pac, ainsi que sa gouvernance, et de la compléter par une politique alimentaire globale.

Car les objectifs ambitieux du Pacte vert, à savoir 25 % des terres en bio et – 50 % de recours au pesticides de synthèse d’ici 2030, ne seront pas atteints avec les pratiques agricoles actuelles. De même, la dynamique de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), à l’arrêt depuis 2010, nécessiterait pour être relancée une diminution du recours à la fertilisation azotée et du nombre d’animaux d’élevage, estiment les auteurs de l’étude.

Une conditionnalité stricte pour répondre aux objectifs

La Pac doit donc favoriser les innovations et les incitations pour des pratiques plus respectueuses de l’environnement. L’étude recommande de stimuler les innovations et les incitations à réduire l’usage d’engrais, pesticides et antibiotiques, pour l’environnement mais également pour limiter les coûts liés aux intrants sur les exploitations. Pour cela, les mesures mises en place doivent se recentrer sur les cycles biologiques et les pratiques agro-écologiques.

Les chercheurs avancent plusieurs pistes pour y parvenir, autour d’une application stricte de la conditionnalité. Les paiements des BCAE (bonnes conditions agricoles et environnementales) doivent récompenser les agriculteurs pour les efforts allant au-delà des exigences de conditionnalité, en augmentant « proportionnellement à leurs efforts et aux avantages non commerciaux ».  

« Dans cette optique, deux nouveaux budgets spécifiques devraient être mis en place dans le cadre du premier pilier, 15 % des dépenses étant réservées aux mesures d’atténuation du climat et 15 % aux mesures en faveur de la biodiversité. En outre, 35 % des dépenses du deuxième pilier devraient être consacrées à des mesures environnementales », préconise l’étude.

Les chercheurs estiment également que les mesures des programmes écologiques du premier pilier qui sont entièrement financées par le budget européen doivent viser les biens publics mondiaux (atténuation du changement climatique, préservation et le rétablissement de la biodiversité, bien-être animal). Ils doivent par ailleurs être complétés par des mesures du deuxième pilier qui sont axées sur les biens publics locaux, comme la quantité et la qualité de l’eau, la fertilité des sols et la diversité des paysages.

Le risque d’une forte baisse des revenus agricoles

Néanmoins, ces changements de pratiques « pourraient aussi avoir des répercussions négatives sur les revenus des producteurs agricoles, dont l’ampleur dépendra de la volonté des consommateurs de payer pour des produits de meilleure qualité », précisent les auteurs. « S’ils sont rendus contraignants, plusieurs objectifs du pacte vert pourraient avoir une incidence significative sur les revenus agricoles », ajoutent-ils. Les consommateurs pourraient également être touchés par la hausse des prix alimentaires.

Sans compter d’autres effets négatifs, y compris sur l’environnement, en lien avec la désintensification des pratiques et systèmes agricoles induits par le Green Deal : cet objectif nécessite en effet d’utiliser davantage de terres agricoles.

C’est pourquoi des études d’impact doivent être menées pour toutes les orientations stratégiques, recommandent les auteurs de l’étude. Les politiques commerciales et alimentaires seront également nécessaires pour accompagner les transitions de façon cohérente. Les enjeux climatiques et environnementaux demandent en effet un changement de régime alimentaire, « mais le coût plus élevé des régimes alimentaires moins caloriques et plus équilibrés est un obstacle potentiel au changement, en particulier pour les ménages à faibles revenus » précisent les auteurs, qui soulignent le rôle clé que l’industrie alimentaire et le commerce de détail devront jouer.

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