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Dossier : Réforme de la PAC

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Coronavirus

Du prosecco au chianti, le vin italien boit la tasse


AFP le 28/04/2020 à 12:Apr
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Pour la députée européenne Irène Tolleret, qui siège à la "Comagri", la réforme de la Pac sera pas applicable avant 2023 (©Pixabay)

Restaurants et bars fermés, fêtes et mariages interdits, morosité n'incitant pas à trinquer : du prosecco au chianti, les producteurs de vin italien subissent de plein fouet l'épidémie de coronavirus avec une nette chute des ventes.

La péninsule s’enorgueillit d’être le premier producteur mondial de vin (avec 47,5 millions d’hectolitres l’an passé), juste devant la France (42,1 millions) à qui elle a ravi ce titre en 2015. Une grande partie est vendue à l’étranger, ce qui a permis au pays d’engranger l’an passé 6,4 milliards d’euros (contre 9,8 milliards pour la France qui reste le premier exportateur en valeur).

Mais « depuis un mois et demi, tout un canal de distribution, celui des hôtels, restaurants, traiteurs et cafés est fermé en Italie. Puis progressivement, il s’est fermé dans le reste de l’Europe et outre-Atlantique » à cause des mesures de confinement, « et les ventes de prosecco via ce canal sont désormais proches de zéro », se désole Lodovico Giustiniani, président de l’organisation agricole Confagricoltura en Vénétie (nord-est).

« L’autre canal, celui de la grande distribution (supermarchés), fonctionne encore, mais il ne peut compenser les ventes d’un canal complètement à l’arrêt », note-t-il.

Sa propre cave, Borgoluce, qui ne vend pas en grande distribution et est très présente à l’étranger (États-Unis, Canada, Sud-Est asiatique…), a subi une chute de… 90 % de ses ventes en mars. Et « la consommation que nous n’avons pas eue pendant ces deux mois, nous ne la récupérerons pas : les gens ne boiront pas en plus ce qu’ils n’ont pas bu à un moment donné », rappelle, comme une évidence, le vigneron.

Force devenue faiblesse

Dans le Piémont (nord-ouest), l’inquiétude est également vive. Pour le barolo, la situation « est très critique, car il est vendu à 90 % dans la restauration mondiale, aujourd’hui fermée », explique à l’AFP Paolo Boffa, président de la coopérative Terre del Barolo.

Le barolo a misé depuis plusieurs décennies sur « la qualité maximale », et a été promu sur les cartes des meilleurs restaurants du monde, note-t-il. Mais ce qui était une force se révèle une faiblesse aujourd’hui.

Les lignes de mise en bouteille de la coopérative, qui compte 300 producteurs, continuent à fonctionner, grâce à d’autres vins comme le barbera ou le dolcetto, aux prix plus grand public, et qui connaissent « une bonne consommation dans la grande distribution en Italie et en Europe », souligne M. Boffa. Mais là aussi, « ces ventes ne peuvent sauver le bilan de l’entreprise ».

Les producteurs, où qu’ils soient, réfléchissent aux mesures pouvant être prises alors que la prochaine vendange aura lieu dans quelques mois. Où la mettre alors que les caves sont encore pleines ? Les producteurs de barolo demandent à pouvoir stocker en dehors de la zone de production traditionnelle, ce qui leur est normalement interdit. Ils réfléchissent aussi, comme les producteurs de prosecco, à réduire la production de leurs vignes.

Une décision « drastique » que le Consortium du vin chianti a lui déjà prise, en abaissant sa production de 20 % au risque d’entraîner de « graves dommages économiques pour les entreprises », selon son président, Giovanni Busi.

Alors que selon lui de nombreux producteurs « sont au bord de la faillite », il déplore « la distance abyssale entre les annonces innombrables faites par le gouvernement (…) et la réalité » vécue par les entrepreneurs « qui se voient claquer la porte au nez par les banques ».

« Sacrifices »

Certains producteurs envisagent par ailleurs de distiller une partie de la production, afin de la transformer en alcool (éthanol), qui pourrait par exemple être utilisé pour la fabrication de gel hydroalcoolique.

Les coopératives viticoles françaises, italiennes et espagnoles ont ainsi demandé à l’Union européenne « l’ouverture sans délai d’une distillation de crise européenne de 10 millions de hectolitres dotée d’un budget exceptionnel européen de 350 millions d’euros ».

La solution pourrait tenter des producteurs dont le vin se conserve peu, à l’image du prosecco, un « vin très jeune » que « l’on ne peut pas faire vieillir comme on le fait avec les vins rouges », souligne M. Giustiniani. Une éventualité exclue en revanche pour les vins haut de gamme comme le barolo, qui peuvent se garder.

Alors que le gouvernement italien a fixé au 1er juin l’éventuelle réouverture des bars et restaurants, la filière, souligne M. Boffa, y voit « une grande et belle nouvelle », même si elle craint une faible affluence du fait de l’inquiétude d’être contaminé.

« Nous avons tous compris la gravité de cette épidémie et de la crise qu’elle engendrera pour nos familles. Mais nous, agriculteurs, sommes habitués aux sacrifices et une fois encore nous n’abandonnerons pas », souligne-t-il.

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