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Incendie Lubrizol

À Rouen, les produits frais locaux n'ont plus la cote


AFP le 05/10/2019 à 17:Oct
Woman worker portrait in the modern farm

Blue collar woman working in the farm

« Elles ont été récoltées avant le nuage vos pommes ? » : devant les étals de produits frais rouennais, les clients sont  méfiants, les ventes en berne et les produits locaux n'ont plus la cote, une semaine après l'incendie spectaculaire de Lubrizol.

« Je n’achète plus de local si ça n’a pas été produit avant la catastrophe », poursuit cette Rouennaise, Anne Thibaud, 69 ans, une des rares clientes sur le marché de la place Saint-Marc à Rouen ce vendredi matin, interrogée par l’AFP.

La vendeuse de pommes a beau expliquer que ses produits « ne sont pas impactés » car ils « n’ont pas été sous » le panache de fumée, elle ne vendra pas de légumes à cette cliente.

Son exploitation, « Les jardins d’Agnès » produit à Jumièges, à 25 km à l’ouest de Rouen alors que le panache de fumée de 22 km créé par l’incendie de l’usine Seveso le 26 septembre est parti vers le nord-est. L’exploitation n’est donc pas concernée par l’interdiction de commercialisation des productions agricoles prononcée par le préfet pour 112 communes. « Oh vous savez moi, les histoires de nuages qui s’arrêtent à des frontières, je n’y crois pas », lui répond Anne Thibaud.

« Je me suis remise à acheter des soupes en brique, alors qu’avant je faisais tout moi même », confie cette militante écologiste, loin d’être la seule à se méfier.

Résultat, les ventes de « Les jardins d’Agnès » baissent. « Dimanche, on n’a pas fait un quart de notre chiffre d’affaires », explique Agnès Mégane, la productrice. En face, Jean-Jacques Malhouitre, producteur bio du Bocasse, à une vingtaine de kilomètres au nord de Rouen, affiche 20 % de ventes en moins, alors qu’il n’est pas concerné non plus par l’arrêté préfectoral.

« Relocalisation balayée »

Un peu plus loin de l’autre côté de la célèbre cathédrale de Rouen, sur la place du Vieux Marché, « c’est la misère », confie Abdou Chebbi qui vend des fruits et légumes venant aussi bien de Brionne, à 40 km au sud-est de l’agglomération normande, que de Paca. « Il est 11h et j’ai zéro vente. C’est comme ça depuis une semaine. J’ai jeté beaucoup beaucoup de marchandises », se désole ce vendeur.

À quelques pas de là, un homme de passage sur la place fait la grimace et repositionne son masque de papier sur son nez. L’odeur qui incommode voire rend malade les Rouennais de façon récurrente depuis la catastrophe est de retour.

Anthony, 37 ans, vendeur de fruits et légumes bio a lui quelques clients. « Je m’approvisionne depuis 10 ans auprès de lui. Donc je lui fais confiance », explique à l’AFP Maurice Pielle, 66 ans, avant de repartir avec un sac rempli de légumes. Mais le vendeur est loin d’être épargné. « On s’est arrangé pour ne plus rien avoir de local. Mais regardez : c’est le désert aujourd’hui. Ce matin j’ai fait 50 euros contre 300 à 400 habituellement. C’est dramatique. Pour moi c’est 10 ans de boulot foutu en l’air », assure Anthony qui avait environ 30 % de légumes locaux auparavant.

Porter plainte ? « On n’a pas les moyens », assure le vendeur qui estime que sa plainte n’aurait pas de poids « par rapport à la puissance de quelqu’un comme » Warren Buffet, le milliardaire américain propriétaire de Lubrizol, « troisième fortune mondiale ».

À quelques centaines de mètres de là, l’épicerie Biocoop, un réseau qui prône les circuits courts, prépare elle une plainte. « Personnellement ça me met colère. Nos clients le sont aussi. C’est complètement rageant. Toutes les initiatives depuis des années pour relocaliser l’agriculture sont balayées par cet accident terrible », déplore Guillaume Martin, le gérant de ce magasin de neuf salariés qui affiche 20 à 30 % de baisse de chiffre d’affaires depuis l’incendie. « Après un an et demi d’ouverture, on était satisfaits. C’est très frustrant », explique-t-il.

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