Accéder au contenu principal
Droit

La mise à disposition des baux ruraux


Marie-Claire Barbier, juriste au cabinet d’avocats TERRÉSA, membre d’AGIRAGRI le 15/07/2020 à 12:Jul

(©GettyImages)

La mise à disposition des baux du preneur auprès de la société dans laquelle il est membre nécessite soit l’agrément du bailleur soit son information. Gare à celui qui ne respecterait pas ce formalisme.

De nombreux agriculteurs sont membres de sociétés d’exploitation agricole auprès desquelles ils mettent à disposition leurs baux. Cette action nécessite un certain formalisme : soit l’agrément du bailleur, soit uniquement son information. Dans tous les cas, le preneur reste seul titulaire du bail et doit continuer à se consacrer à l’exploitation desdits biens, c’est-à-dire participer de manière effective et permanente à leurs travaux (article L. 411-37 du code rural). S’agissant de la durée de la mise à disposition, celle-ci ne peut excéder la durée du bail dont le preneur est titulaire.

Des conditions et un formalisme stricts

En fonction du type de sociétés bénéficiaires de la mise à disposition, le formalisme et les conditions à respecter ne seront pas les mêmes.

Pour les Gaec (art. L. 323-14 CR), le preneur adhérant peut mettre à disposition tout ou partie des biens dont il est locataire par simple information au bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception. Aucune mention particulière n’est exigée.

Pour les contrats de métayage (art. L. 417-10 CR), le métayer doit respecter les prescriptions de l’article L. 411-37, I. du CR relatif aux sociétés à objet principalement agricole (voir ci-après). Le métayer et le bailleur conviennent ensemble, avec la société bénéficiaire, de l’organisation à mettre en place sur la répartition des charges et produits. A défaut, le Tribunal paritaire des baux ruraux fixe ces conditions.

Pour les autres sociétés, il convient de distinguer les sociétés à objet principalement agricole des sociétés à vocation principalement agricole (art. L. 411-37 CR).

Les sociétés à objet principalement agricole

Sont concernées les EARL et les SCEA, mais il peut aussi s’agir d’une société de forme commerciale dont l’objet est agricole telle qu’une SARL ou SAS par exemple.

Le preneur qui souhaite mettre à disposition tout ou partie des terres du bail au profit de ce type de société, doit préalablement en être associé. Il reste néanmoins le seul titulaire du bail, même si les coassociés et la société elle-même sont tenus indéfiniment et solidairement avec lui de l’exécution des clauses du bail (notamment le paiement du fermage(1)). Aussi, il est fortement recommandé au preneur d’établir une convention de mise à disposition entre lui et la société, afin d’encadrer leurs relations, notamment le sort des travaux et améliorations réalisés pendant cette période.

Le preneur doit informer le bailleur dans les deux mois suivant la mise à disposition, par lettre recommandée. Ce courrier devra comporter le nom de la société et mentionner le tribunal de commerce auprès duquel la société est immatriculée et les parcelles misent à disposition. A chaque modification de l’une de ces mentions ou, lorsque le preneur cesse de mettre à disposition les biens loués, il doit procéder à une nouvelle information dans les mêmes forme et délais au bailleur.

Nous attirons votre attention sur la mention relative au nom de la société. Très souvent, celui-ci intègre, à tort, la forme de la société (ex : EARL DUGATINAIS). Ce qui implique en cas de changement de forme, de prévenir le bailleur. Pour éviter ce formalisme inutile, il suffit de ne pas préciser la forme de la société (ex : DUGATINAIS). Ainsi, en cas de transformation de l’EARL en SCEA par exemple, le nom n’ayant pas été modifié (DUGATINAIS restant DUGATINAIS), il n’y a pas lieu d’informer le bailleur.

La société bénéficiaire doit être dotée au jour de la mise à disposition, de la personnalité morale(2), c’est-à dire, qu’elle doit être immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS). Elle doit être titulaire d’un objet principalement agricole et être détenue majoritairement (plus de 50 %) par des personnes physiques.

Ne pas confondre
Attention, une mise à disposition n’est ni une cession de bail au profit de la société, ni une sous-location – par ailleurs illicite (article L. 411-35 du code rural). Elle n’est pas davantage un apport du droit au bail à la société, expressément prévu par l’article L. 411-38 du même code.

Les sociétés à vocation principalement agricole

Sont notamment concernées les sociétés détenues majoritairement par des personnes morales (ex : une SCEA dont le capital est détenu à 80 % par une SAS). Pour ce type de société, il ne s’agit plus d’une information mais de l’obtention de l’agrément du bailleur pour mettre à disposition les terres. Le preneur, membre de cette société, reste toujours le seul titulaire du bail.

La demande d’agrément doit être adressée au bailleur, par lettre recommandée avec accusé de réception, deux mois avant la date d’effet de la mise à disposition. Cette demande précise le nom de la personne morale et doit être accompagnée des statuts de la société et des références des parcelles mises à disposition. Le preneur doit également informer le bailleur par lettre recommandée avec accusé de réception, d’un changement dans la personne morale et lorsqu’il cesse de mettre à disposition les parcelles et ce, dans les deux mois suivant ces événements.

De son côté, le bailleur a deux mois pour s’opposer à cette mise à disposition. A défaut, l’accord est réputé acquis.

Des sanctions

En cas de société à objet principalement agricole, le preneur qui n’a pas informé le bailleur de la mise à disposition, encourt la résiliation du bail. Mais sous réserve d’une part, que le bailleur l’ait mis en demeure, par lettre recommandée avec accusé de réception, de lui communiquer les informations prévues dans ce cas précis. Et d’autre part, si les omissions ou irrégularités sont de nature à induire le bailleur en erreur. Il encourt la même sanction s’il met à disposition les terres sans avoir obtenu l’agrément du bailleur, si cette mise à disposition lui porte préjudice.

Le preneur encourt également la résiliation du bail, s’il ne se consacre pas à l’exploitation du bien de manière effective et permanente (s’il fait faire l’exploitation à façon via une ETA par exemple). Cette sanction est encourue que la mise à disposition soit réalisée au profit d’une société à objet principalement agricole ou à vocation agricole. Si le preneur n’exploite pas personnellement les terres mises à disposition, il peut aussi être empêché de céder son bail car celui-ci sera qualifié de preneur de mauvaise foi(3).

Souple dans sa mise en oeuvre, la mise à disposition nécessite un formalisme strict quelle que soit la société bénéficiaire et ce, tout au long de la mise à disposition. Ce qui est souvent oublié des intéressés ou fait hors délai. De plus, même si la rédaction d’une convention écrite n’est pas obligatoire, il est recommandé de rédiger avec le plus grand soin les règles qui encadreront les relations entre le preneur et la société, afin d’éviter toute surprise à la fin des relations.

(1) Il est important d’avoir à l’esprit que c’est toujours le preneur qui est tenu de payer personnellement les fermages, à charges pour la société d’indemniser le preneur.
(2) Ou s’il s’agit d’une société en participation, elle doit être régit par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine.
(3) Cass. 3ème civ., 3 fév. 2020, n° 09-11528.

Les articles du dossier