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[Témoignages] Diversification

Une safraneraie vient « d’Éclore » en Picardie


TNC le 11/02/2022 à 18:05
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Dans l’alimentation humaine, le safran s’utilise comme épice, comme colorant et comme exhausteur de goût.(©Éclore)

Si l'Iran représente 90 % de la production mondiale de safran, plusieurs producteurs relancent depuis quelques années la culture de l'or rouge dans l'Hexagone. Parmi eux, Appoline Gautier et Étienne Broutin, installés près de Chaumont-en-Vexin (Oise), se sont lancés dans ce défi en 2021 et viennent de démarrer la commercialisation de leur safran, sous la marque Éclore.

Appoline Gautier et Étienne Broutin sont tous les deux consultants sur Paris. Issus du milieu agricole, c’est pendant le premier confinement en 2020, alors de retour dans la campagne isarienne, que leur projet Éclore mûrit. 

Un premier essai dans le potager

« On souhaitait réaliser quelque chose de nos mains et pouvoir suivre la culture de A à Z, de la production à sa commercialisation. Cultiver des fraises, des salades… on a réfléchi à différentes idées », confie Étienne Broutin. Le couple est rapidement séduit par le safran. De plus, cet épice noble demande «  peu d’investissements de départ, par rapport à d’autres cultures ».

Avant de se lancer, Appoline et Étienne décident de planter 250 bulbes dans leur potager pour « voir ce que ça donne ». Et c’est après cet essai plutôt concluant qu’ils démarrent leur production en août 2021 : trois jours de travail sont nécessaires pour implanter les 60 000 premiers bulbes. Installé en grandes cultures dans l’Oise, le père d’Appoline leur a confié une parcelle de 50 ares. Pour le moment, les plantations couvrent un peu plus de 1 500 m².

Appoline Gautier et Étienne Broutin ont planté 60 000 bulbes de safran dans l’Oise, en août 2021. (©Éclore)

« On a fait le choix de bien espacer les pieds, 40 bulbes /m², pour éviter un arrachage trop précoce de la safraneraie, nous explique Etienne Broutin. Un bulbe reste généralement 4 ans en terre : chacun va alors donner 1 fleur/an lors des 2 premières années, à 80 % puis 100 % de chances. À partir de la 3 e année de production, le bulbe commence à se multiplier et on le déterre après la 4e. Il convient alors d’effectuer un tri pour se séparer des bulbes mères et conserver tous les autres, qui sont en bon état, pour la plantation suivante. Il est possible également d’acheter de nouveaux bulbes pour le renouvellement. » 

310 h de travail pour 35 000 fleurs récoltées

Les producteurs ont pris soin de clôturer l’ensemble de la parcelle pour « limiter les dégâts causés par les lièvres ou les sangliers… ». Autre menace constatée la campagne dernière : les mulots. Du côté des maladies, la littérature met en avant le rhizoctone violet, la fusariose et le phoma crocophila, qui peuvent s’attaquer aux bulbes et aux feuilles du safran. Appoline et Étienne n’ont néanmoins pas observé de souci à ce niveau pour leur 1ère année de production. La culture apprécie plutôt les sols drainants et le soleil. Pour le désherbage de la parcelle, le couple utilise « une petite herse étrille derrière le quad, à passer une fois par semaine environ, de la plantation jusque trois semaines avant la récolte. Ensuite, le travail se fait plutôt à la main pour éviter d’endommager les plantes ».

Vient enfin la période de floraison, qui dure en moyenne 4 semaines entre septembre et novembre, selon les régions et les souches utilisées. Du 18 octobre au 20 novembre la campagne dernière dans l’Oise. « Le nombre de fleurs à récolter peut être très variable selon les conditions : 500 un jour, puis 3 000 le lendemain », précise Etienne. Sachant que chaque fleur qui sort de terre doit être cueillie le jour même, cela demande de l’organisation et de la rigueur. 

Lors de l’émondage, les safraniers récupèrent les parties rouges des pistils de safran. (©Éclore)

Étienne nous explique le rythme de leurs journées : « environ 1 à 2 h de cueillette pour commencer la matinée puis un nouveau passage vers midi, plus rapide. Et le reste du temps, c’est l’émondage qui doit, là aussi, être réalisé le jour de la récolte ». Pour cette étape, il s’agit de récupérer les parties rouges du pistil de safran, qui correspondent à « l’or rouge ». Une fois séché, c’est cette partie qui sera commercialisée et utilisée comme épice, colorant et exhausteur de goût en alimentation humaine.

« Un travail méticuleux, mais réalisé dans une bonne ambiance », précise Étienne, le couple a pu compter notamment sur l’aide de sa famille. Pour cette 1ère année de production, il compte en tout 310 h de travail pour 35 000 fleurs récoltées, soit 183 g de safran sec fini. Une quantité un peu en deçà des espérances, mais la qualité est au rendez-vous: « la production est conforme à la catégorie 1 de la norme Iso 36 32, qui évalue le safran selon quatre critères d’importance : humidité, odeur, couleur et saveur ».

Mettre en avant un produit local

Le produit nécessitant une période de maturation d’un mois dans un bocal hermétique après le séchage, Appoline et Étienne ont pu démarrer la commercialisation début décembre sous la marque Éclore avec les marchés de Noël de leurs entreprises, du porte-à-porte auprès des professionnels et la communication sur les réseaux sociaux. Les producteurs n’ont pas choisi la voie de l’agriculture biologique, préférant « mettre en avant le côté local » de leur production. « Nous avons eu de premiers bons retours et nous souhaitons prendre notre temps pour faire connaître ce produit très subtil », précise Étienne. 

« Pour le moment, nous continuons chacun nos métiers respectifs. Mais nous souhaitons atteindre prochainement 1 kg de safran/an et développer d’autres projets à côté pour « ne pas mettre tous les œufs dans le même panier ». Aujourd’hui, nous nous sommes focalisés sur la vente de safran auprès des traiteurs, des restaurants et des épiceries fines. Pourquoi pas à l’avenir le valoriser aussi via des produits dérivés, comme la confiture ou le miel ? »