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Face au gel

Une panoplie de techniques à l’efficacité limitée pour protéger les cultures


AFP le 14/04/2021 à 17:45

Bougies, aspersion d'eau, tours pour brasser l'air, hélicoptères : confrontés à un épisode de gel exceptionnel, les viticulteurs français ont tenté de lutter. Petite revue des techniques mises en œuvre.

Face au gel les viticulteurs ont sorti les grands moyens. En quoi cet épisode est-il exceptionnel ?

D’abord par sa très grande ampleur. Il a frappé pratiquement tout le territoire métropolitain, « ce qui est assez inusuel », souligne Inaki Garcia de Cortazar Atauri, directeur de l’unité Agroclim à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae). « Souvent lorsqu’on a des événements de gel, ils sont très localisés », relève-t-il. Surtout, « ce gel s’est combiné avec une précocité importante de la végétation, ce qui a généré beaucoup de dégâts ». Quand il s’est mis à faire « très doux » en mars, les vignes sont sorties de leur phase de repos hivernal et les bourgeons sont apparus. Lorsqu’un front froid, venu du nord de l’Europe, s’est soudain installé sur la France, les vignes ont très fortement souffert.

Le chercheur relève qu’« il est toujours délicat d’attribuer des événements extrêmes au changement climatique ». « Mais on observe depuis plus d’une quarantaine d’années l’avance de la végétation. »

Quelles parades possibles ?

Un moyen assez simple consiste à disposer de grosses bougies de cire dans les vignes. Elles diffusent de la chaleur, ce qui permet de réchauffer l’atmosphère pendant environ 12 heures. Il faut 400 bougies par hectare. C’est la technique la plus répandue.

Autre méthode : l’aspersion des vignes avec de l’eau. Il se forme alors une coque de glace autour des bourgeons, ce qui les protège des températures très négatives (jusqu’à -7 degrés), souligne Anastasia Rocque, spécialiste du gel à l’Institut français de la vigne et du vin (IFV). À ses yeux, « c’est le moyen de lutte le plus efficace ». Mais il nécessite l’installation d’un dispositif et « une quantité d’eau assez importante. Il n’y a pas toujours un fleuve ou une rivière à côté », note-t-elle. Cela explique que cela soit peu répandu.

Plus faciles d’utilisation, les tours antigel fixes : formées d’un pilier d’une dizaine de mètres de hauteur et de pales, elles brassent l’air, envoyant de la chaleur au sol et renvoyant l’air froid en hauteur, ce qui uniformise les températures. Elle sont efficaces jusqu’à -4 degrés. Il y a aussi de petites tours antigel mobiles, mais elles sont moins performantes.

Plus spectaculaire, l’hélicoptère peut lui aussi venir en aide aux vignes. Avec ses pales, il va chercher l’air chaud en altitude pour le plaquer au sol. Cependant il faut des autorisations pour le faire voler et il est surtout autorisé au petit matin.

Quelle sont les principales limites de ces techniques ?

Le monde de la viticulture répond en chœur: « le coût ». Le système d’aspersion des vignes représente un investissement de l’ordre de 8 000 à 14 000 euros (hors taxes) par hectare, selon Jérôme Despey, secrétaire général de la FNSEA et viticulteur dans l’Hérault. C’est donc « pour des vignobles à haute valorisation ». Les tours antigels nécessitent un investissement d’environ 40 000 euros hors taxe pour 5 hectares. Mais elles ne sont pas efficaces s’il y a trop de vent. Les hélicoptères sont utilisés par certains grands crus. Le coût est d’environ 7 500 euros pour 25 hectares. Quand aux bougies, elles coûtent 2 500 euros hors taxe l’hectare pour trois nuits de protection. Mais cela demande une manutention importante. Pour Jérôme Despey, il est clair que la prévention des risques de gel ne pourra se faire « sans l’aide de la puissance publique et des collectivités ».

Ces techniques soulèvent également la question de leur impact environnemental (utilisation de l’eau etc.) et d’éventuelles nuisances (bruits). Face à l’épisode de gel intense des derniers jours, elles n’ont pas suffi, loin de là. « Mais sans tous ces moyens, cela aurait pu être pire. Cela a sauvé des hectares mais pas autant qu’espéré », déclare Anastasia Rocque.