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Vin

Un importateur voit les Américains aller vers davantage de naturel


AFP le 11/02/2019 à 14:48

Pour André Shearer, importateur de vins aux États-Unis, un cru français représente une « expérience totale », du gargouillis des pneus freinant sur les cailloux devant le domaine, à la « poignée de mains » du vigneron.

À l’occasion du salon Wine Paris qui rassemble pour la première fois jusqu’à mercredi, la quasi-totalité des terroirs viticoles français, le président de l’importateur Cape Classics détaille pour l’AFP, dans un français parfait, les grands changements de la consommation aux États-Unis, premier pays acheteur des vins français dans le monde.

New-Yorkais, ce Sud-Africain de naissance a d’abord importé les vins de son pays, avant d’écumer le vignoble français. Pour satisfaire les consommateurs américains, tout en restant concurrentiel face aux jus gorgés de soleil et d’alcool qui inondent leur marché, les vins doivent être « riches en bouche », dit-il. Mais, faisant abstraction des crus classiques importés massivement aux États-Unis, il dit chercher des vins « expressifs et aromatiques » : « Des domaines familiaux, pas forcément bio mais le plus naturels possible », dans des terroirs qui ont encore peu traversé l’Atlantique.

Parmi ses clients, la chaîne de supermarchés haut de gamme Whole Foods, récemment rachetée par Amazon. « Le marché américain du vin est en croissance, mais il change car il est maintenant piloté par les « millenials » (jeunes adultes, NDLR) et les sommeliers » explique-t-il.

De son arrivée aux Etats-Unis en 1992, il se souvient surtout que les sommeliers étaient « des hommes classiques de plus de 50 ans, un peu austères ». Aujourd’hui, la jeune génération de sommeliers est avide de nouveautés, « à la recherche de millésimes en Nouvelle-Zélande comme en Bulgarie », et très « prescriptrice ». Et dans les restaurants à New York, « tout le monde boit du vin, même à midi » affirme André Shearer, presque étonné de la baisse de consommation en France. Selon lui, les jeunes consommateurs américains cherchent du naturel, du bio. « Seulement 1 % du marché du vin américain est bio aujourd’hui, mais je suis certain que d’ici quelques années, ce chiffre va passer à 5 % et que d’ici 20 ans, les produits bio seront devenus les produits normaux partout », assure-t-il.

Construire une relation sur 15 ou 20 ans

« L’an passé, le marché des vins bio aux États-Unis s’élevait à seulement 300 millions de dollars », une broutille par rapport aux 50 milliards de dollars du marché de l’alimentation bio en général. « Je ne distribue pas que des vins bio, mais je souhaite en distribuer plus, à condition qu’ils soient bons et bien faits », ajoute l’importateur qui couvre une grande partie du territoire américain.

Côté prix, le marché s’élève. Les ventes en dessous de 8 dollars la bouteille ont « tendance à baisser », selon lui, alors que celles « entre 15 et 20 dollars » progressent « de 10 à 12 % en moyenne ». En visite chez un viticulteur, André Shearer regarde aussi bien « la vigne », « l’herbe entre les rangées », que « la cave », ou la façon dont sont traités les salariés. « C’est un tout pour moi » s’exclame-t-il, fier d’avoir été nommé fin 2018 « importateur de l’année » par la revue Wine Enthusiast pour son « éthique des affaires » et le « respect du développement durable ».

« Nous goûtons d’abord à New York le vin que les viticulteurs nous envoient, puis nous venons leur rendre visite, nous aimons construire une relation avec les familles qui peut durer 15 ou 20 ans », dit-il, en citant Vincent Carême en Touraine (Vouvray), ou Marie et Frédéric Chauffray, producteurs de la Réserve d’Or, un AOP Terrasse du Larzac, dans l’Hérault. Après « l’explosion » des vins rosés de Provence, « une augmentation de 50 % des ventes aux États-Unis en 2018 par rapport à 2017 », il prédit un grand avenir aux vins blancs de Loire de cépage chenin, vifs et fruités, « très en vogue à New York ». Et cherche des partenaires « de qualité » du côté des Côtes du Rhône.

Pour lui, les changements vers plus de naturel vont s’accélérer sur le marché américain du vin avec la jeune génération. Et de citer Joe Gallo, héritier de l’une des plus grandes dynasties viticoles américaines, ou James Walton, dont la famille possède la première chaîne de distribution, Walmart. « Je les connais tous les deux, je peux vous dire qu’ils feront différemment de leurs pères. »