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Carburant

Sans approvisionnement rapide, les travaux de semis pourraient s’arrêter


TNC le 14/10/2022 à 16:20
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Les agriculteurs réussiront-ils à finir leurs semis d'automne ?  (©Nadège Petit@agri_zoom, Banque d'images FranceAgritwittos)

« Sans carburant, pas de semis » : si le gazole continue à être livré au compte-gouttes, certains agriculteurs, notamment dans le nord de la France, ne pourront plus récolter et surtout semer les céréales d'hiver, alertent vendredi exploitants et syndicats.

Jusqu’ici relativement épargnés par les difficultés d’approvisionnement en carburant, les agriculteurs sont rattrapés par la grève dans le secteur de l’énergie : leurs réserves s’épuisent, les livraisons tardent et le système d’entraide entre exploitants atteint ses limites.

« On a de la tension dans les Hauts-de-France, en Ile-de-France, dans le Centre-Val de Loire et dans le Grand-Est : on est sur une zone de récolte de la betterave et de la pomme de terre, et où démarrent les semis de blé et d’orge d’hiver », a expliqué à l’AFP Joël Limouzin, vice-président du syndicat agricole majoritaire FNSEA.

« Si on ne fait pas les semis de céréales, cela aura un impact sur la disponibilité en blé en 2023 et donc sur le pain. On est en alerte, parce que les semis, c’est maintenant, quand les conditions de culture sont optimales, pas dans dix jours ou dans un mois », a-t-il détaillé.

Dans les Flandres, Christophe Ryckabusch surveille la jauge de son tracteur comme le lait sur le feu. « J’ai été dépanné de 100 litres de GNR (gazole non routier) par un voisin en attendant d’être livré. J’ai reçu 1 000 litres mardi, je devrais tenir », estime-t-il, alors que sa récolte de pommes de terre est effectuée à 80 % et qu’il a déjà commencé ses semis de blé.

1 000 litres, 2 000 « quand on a de la chance » : le rationnement plonge les exploitants dans l’incertitude. « Ici, on est bloqués à 1 000 litres : on commande, mais on n’est jamais sûr du jour de livraison », relate Philippe Fleury, céréalier dans l’Eure.

« Tracteurs à vide »

La situation est déjà « critique » dans l’Oise, pour Régis Desrumeaux, président de la FDSEA du département. « On a aujourd’hui plus de 120 exploitations qui sont en grande difficulté : s’il n’y a pas d’approvisionnement en carburant dans les heures qui viennent, les travaux vont s’arrêter », affirme-t-il. « 1 000 litres, c’est environ deux jours de travaux pour la récolte de betterave : est-ce qu’on va laisser tout un pan de l’économie française s’arrêter ? », gronde-t-il.

Dans l’Aisne, Bruno Halle est lui déjà à l’arrêt, il a dû stopper ses semis faute de GNR : 

Nourrir ses vaches ou semer ?

Près de Beauvais, Luc Smessaert ne décolère pas. « Tous les tracteurs sont à vide. J’ai siphonné le réservoir de ma moissonneuse-batteuse, il restait 3 à 400 litres. Ca va me permettre de nourrir mes vaches », explique-t-il à l’AFP. Ses 100 vaches laitières doivent être nourries matin et soir : il faut pour cela acheminer du maïs depuis le silo et ajouter du fourrage : « Vu les quantités, on ne fait plus ça à la brouette », lâche-t-il. Il espère une livraison de carburant d’ici mardi. En attendant, « tout est à l’arrêt » dans les champs. « Ce qui est incroyable, c’est qu’on n’a aucune visibilité. On est plus qu’en colère. »

Dans la Sarthe, Julien Lep, éleveur, craint de devoir stopper ses semis de céréales début de semaine prochaine pour préserver le carburant nécessaire à l’alimentation de ses bêtes : 

Plusieurs fédérations d’exploitants du nord de la France ont demandé aux préfectures d’avoir accès aux réserves stratégiques de l’État.

« Aujourd’hui dans la Marne, on a 30 % des volumes commandés qui sont livrés. Les listes d’attente s’allongent », indique Hervé Lapie, de la fédération régionale des exploitants dans le Grand-Est. « On n’est pas dans une pénurie de carburant, on est en rupture de livraison. Nous demandons à avoir accès aux réserves stratégiques, au même titre que le secteur de la santé », plaide-t-il.

Nombreux, comme lui, fustigent le discours de l’État, qui vante « la souveraineté alimentaire et la place centrale de l’agriculture » et dans le même temps laisse « mettre en difficulté l’appareil productif français ».

Si aucune action n’est encore officiellement programmée, les cris d’alarme d’agriculteurs se multiplient sur les réseaux sociaux : les uns suggérant de taxer les jets privés, les autres appelant au secours. Vendredi, un exploitant se désespérait d’être face au « choix des travaux entre récolte et semis ».

« L’alimentation ne peut être prise en otage. Nous demandons au gouvernement une action immédiate, réactive, car dans trois semaines, il sera trop tard », ont écrit jeudi dans un communiqué commun les syndicats agricoles majoritaires d’Ile-de-France.