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Sucre

Saint-Louis entame la restructuration d’un secteur sinistré


AFP le 23/04/2019 à 14:06

Avis de tempête sucrière : le premier groupe mondial, l'allemand Südzucker, démarre jeudi l'examen du plan social de sa filiale française Saint-Louis sucre, comportant la fermeture de deux usines, sur fond de crise du secteur qui risque de laisser sur le carreau des centaines de salariés et d'agriculteurs.

Le plan, annoncé à la mi-février, sera l’objet d’une réunion jeudi à 10h00 au siège parisien du groupe. Il prévoit la suppression de près de 130 postes sur les 723 que compte la branche française du groupe allemand. Ainsi, 74 des 82 postes de la sucrerie de Cagny (Calvados) et 53 des 58 que compte le site historique de conditionnement de Marseille seraient supprimés. La sucrerie d’Eppeville (Somme) verrait en revanche 48 des 126 salariés du site maintenus, notamment sur des activités de déshydratation et de stockage, et 76 salariés à la production reclassés à « poste équivalent » dans le site voisin de Roye. Au-delà des salariés, ce sont des centaines de planteurs de betteraves à sucre qui vont, faute de débouchés, subir une remise en cause de leur modèle économique : 1 036 planteurs qui travaillaient pour Cagny et 1 268 planteurs autour d’Eppeville. Et plusieurs centaines de salariés agricoles verraient aussi leur emploi menacé, estime Loïc Touzé, délégué Force Ouvrière chez Saint-Louis. Dans la Somme, une partie des agriculteurs pourraient écouler leurs betteraves vers Roye, voire chez la concurrence, selon Loïc Touzé. Mais « il y a aussi des gens qui seront dans la même configuration que dans un bassin isolé comme Cagny », et devront arrêter de produire faute d’autre usine à proximité, déplore Franck Sander, président de la CGB, syndicat des 26 000 betteraviers français. D’autant que la déprime des cours mondiaux du sucre, qui ont chuté de moitié depuis trois ans, touche l’ensemble des acteurs. Si les prix baissent et remontent de manière cyclique, le phénomène a été cette fois amplifié par la fin des quotas européens de betteraves à sucre fin 2017, et par des productions records en Inde et en Thaïlande.

Des agriculteurs prêts à reprendre les sites menacés

Au premier semestre de son exercice 2018-2019, le numéro deux mondial et premier groupe sucrier français Tereos (Béghin Say) a ainsi encaissé une perte nette de 96 millions d’euros, ravivant une crise de gouvernance qui n’en finit plus entre la direction et des coopérateurs contestant la stratégie financière du groupe lourdement endetté. Et le numéro 2 français, Cristal Union (Daddy), a annoncé à son tour la semaine dernière avoir été déficitaire sur son dernier exercice annuel et étudier la fermeture de deux sites, celui de Bourdon (Puy-de-Dôme) et de Toury (Eure-et-Loire), ainsi que l’arrêt partiel de l’activité de conditionnement à Erstein (Bas-Rhin). Les conséquences pour l’emploi, si ces fermetures se vérifient, seraient radicalement différentes. « Il n’y a pas vraiment de sujet » concernant les salariés et les coopérateurs de la sucrerie de Toury, à proximité de deux autres usines dans le sud de Paris, a assuré le directeur général du groupe, Alain Commissaire. En revanche, la fermeture de la sucrerie de Bourdon, la plus ancienne de France, signerait la fin de la betterave pour quelque 400 planteurs auvergnats. « La coopérative, elle est là pour ses coopérateurs », estime cependant Franck Sander, qui relève cette différence avec Saint-Louis Sucre, filiale privée de Südzucker, et souhaite que Cristal Union accompagne « l’ensemble de ses planteurs, dans l’étude des projets qu’ils pourraient vouloir faire émerger ». Un projet de reprise du site de Bourdon par les coopérateurs est à l’étude, selon la FDSEA du Puy-de-Dôme.

Les betteraviers veulent aussi présenter un projet de reprise des sucreries de Saint-Louis à Cagny et Eppeville le 13 mai à la direction de Südzucker. Loïc Touzé veut croire que les dirigeants allemands sont « peut-être moins bloqués qu’ils ne l’étaient » au début des discussions. Alors que les stocks de sucre mondiaux sont pléthoriques, les avis divergent quant à un redressement des cours, mais Franck Sander se dit  « convaincu que l’Europe restera un marché exportateur de sucre ». « Les Allemands font supporter la restructuration à la France mais en parallèle continuent à développer les pays de l’Est. La production en Europe ne va pas baisser », conclut-il.