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Brexit

Les maisons de champagne en mode « stock and see »


AFP le 12/03/2019 à 10:05

La perspective d'un Brexit dur incite les maisons de champagne à gonfler leurs stocks au Royaume-Uni, un marché traditionnellement clé pour ce vignoble. Plus de dix millions de bouteilles de champagne sont ainsi entreposées sur le sol britannique en prévision du 29 mars, affirme à l'AFP Jean-Marie Barillère, président de l'Union des Maisons de Champagne (UMC).

Ce chiffre pourrait même atteindre fin mars les 15 millions, selon Laurent d’Harcourt, président de la maison Pol Roger, soit près de la moitié du marché (27,8 millions de bouteilles en 2017). Du jamais vu pour éviter une rupture d’approvisionnement de quelques mois… Et voir venir !

« Entre-temps, les politiques auront peut-être trouvé une solution », espère, sans illusion, le président de l’UMC. Les grandes maisons, qui s’octroient à elles seules plus de 85 % du marché britannique, ont massivement choisi l’option du sur-stockage, « la meilleure » selon Jean Marie Barillère pour se préparer au pire des scenarii, droits de douane et embouteillages monstres. « On expédie jusqu’à fin mars pour être tranquille jusqu’à fin septembre », indique Frédéric Rouzaud, Pdg de Roederer. « Il n’y a pas de surcoût, seulement une avance de trésorerie pour notre distributeur ».

Pour Pol Roger, le champagne préféré de Churchill, ou Bollinger, celui de James Bond, dont le Royaume-Uni est historiquement le premier marché d’exportation, l’option est même cruciale. « Nous avons stocké pour au moins trois mois d’approvisionnement », indique Charles Armand de Belenet, directeur général de Bollinger. Même raisonnement chez Pol Roger, « notamment pour le lancement de nouveaux millésimes et la cuvée Churchill », souligne son président Laurent d’Harcourt.

Pas d’inquiétude

Les coopératives n’y échappent pas non plus, même si elles ne représentent qu’à peine plus de 10 % du marché britannique. « Nos clients ont constitué à partir de janvier des stocks de sécurité, de l’ordre de 5 % du volume annuel », explique Christophe Juarez, directeur général de Nicolas-Feuillatte, 1ère coopérative viticole du champagne.

Seule la maison Taittinger fait figure d’exception. « Nous avons choisi de soutenir financièrement notre agent en Angleterre avec un budget supplémentaire », plutôt que de sur-stocker, explique son PDG Pierre Emmanuel Taittinger. Et de souligner avec insistance que, malgré le Brexit, il n’y a pas de divorce entre le Royaume-Uni et le champagne.

« Le marketing de la peur, ce n’est pas notre truc ! », avertit en écho le président de l’UMC. « On vendait du champagne au Royaume-Uni bien avant qu’il n’entre dans l’Union Européenne. On continuera ! », ajoute-t-il, alors qu’environ 10 % du total des bouteilles vendues à l’export le sont dans ces pays.

« Le Brexit, nous l’avons déjà connu avec la chute de la livre après le référendum de 2016 », rappelle Laurent d’Harcourt. Christophe Juarez s’en souvient aussi : « Nos clients ont augmenté les prix de 15 à 20 %, ce qui a diminué nos ventes de 30 % ».

A la veille du 29 mars, les maisons affichent une sérénité qu’aurait conforté, selon la plupart des dirigeants interrogés, un très bon début d’année sur le marché anglais. « Nous sommes pragmatiques donc optimistes », assure Laurent d’Harcourt. « Si l’entrée de gamme souffre, le haut de gamme résiste bien. Beaucoup de marques ont été déréférencées mais les marques fortes ont davantage de visibilité », complète Charles Armand de Belenet.

Les projets ne manquent d’ailleurs pas. Ainsi de la coopérative Nicolas-Feuillatte qui vise les cafés, hôtels, restaurants londoniens et a signé en septembre 2018 un partenariat avec Castelnau Wine Agencies (CWA) pour prospecter cette clientèle à haut potentiel. Ou de Bollinger qui attend avec un rien d’impatience le prochain James Bond annoncé pour 2020. Pour Charles Armand de Belenet, comme pour l’ensemble de la filière, une inquiétude demeure cependant : « Quelle incidence aura le Brexit sur la croissance mondiale ? », et donc sur les ventes de champagne qui réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’export.