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Fruits et légumes bio

Les esprits s’échauffent autour des serres chauffées


AFP le 29/05/2019 à 19:29

Des agriculteurs se sont alarmés, mercredi d'une volonté de certains producteurs de fruits et légumes bio d'« industrialiser » la filière en chauffant les cultures sous serre. Faux procès, rétorquent les intéressés, qui affirment vouloir simplement répondre à la demande galopante du consommateur.

« Non à l’industrialisation de la bio ! Pas de tomate bio en hiver » s’est exclamée la Fédération nationale des agriculteurs biologiques (FNAB), dans une pétition lancée avec la Fondation Nicolas Hulot (FNH), Greenpeace et Réseau action climat, appuyées par une soixantaine de cuisiniers, étoilés ou non.

L’objet de leur colère, le développement « de projets de grande ampleur de légumes bio produits sous serre chauffée », qui se font jour, en particulier en Bretagne et dans les Pays de la Loire, qui entraînerait la production de fruits et légumes hors saison, a expliqué la FNAB à l’AFP.

Les agriculteurs bio n’avaient jusque-là pas recours à cette pratique, ou de manière très marginale, selon la FNAB, qui craint « de retrouver sur les étals de la tomate bio française en plein mois de mars. Une aberration gustative, agronomique et environnementale ! », selon sa pétition.

Flou règlementaire

La FNAB entend ainsi convaincre le ministre de l’agriculture Didier Guillaume de « lutter contre l’industrialisation de la bio en limitant le recours au chauffage des serres à la production de plants et au maintien hors gel », d’ici au prochain comité national de l’agriculture bio, prévu le 11 juillet, qui doit trancher sur cette question, une décision déjà reportée à deux reprises.

Pour sa part, l’interprofession des fruits et légumes (Interfel) « n’est absolument pas favorable à un système de serres chauffées en agriculture biologique toute l’année. Elle rappelle simplement que le règlement européen autorise le chauffage des serres » en agriculture biologique. « Pour autant, elle ne s’oppose pas à une évolution possible de ce guide de lecture, dans le respect du cadre communautaire », ajoute-t-elle dans un communiqué. « On est pour des règles qui soient équivalentes dans tous les pays. Il ne faut pas qu’on arrive à une disparition de facto de la production nationale par des contraintes qui feraient qu’effectivement, on ne soit plus compétitifs », a déclaré à l’AFP le président d’Interfel, Laurent Grandin.

« On a les « historiques », dans le développement de la bio, qui ont fait un travail remarquable et ont créé les conditions d’un marché », poursuit Laurent Grandin, pour qui il y a de leur part « une crainte que de nouveaux acteurs, qui utiliseraient des moyens différents, viennent peut-être perturber ce marché ».

Les défenseurs des serres chauffées ont défendu leurs positions en rangs serrés, à l’occasion de l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA).

Bilan carbone pointé du doigt

Parmi eux, Georges Guézenoc, agriculteur bio en nord-Finistère, a ainsi évoqué « un marché complètement déficitaire », égrenant la proportion de produits bio importés en circuit long en 2017. Selon l’agence bio, 78 % des tomates, 70 % des concombres et 69 % des courgettes sur les étals français venaient ainsi de l’étranger.

Au delà d’une explosion des volumes, la FNAB pointe, elle, la pollution générée par le chauffage des serres. S’appuyant sur une étude de l’Ademe, une tomate produite sous serre chauffée émettrait, avec 2,2 kilos de CO2 par kilo pour un kilo de tomates, 7 fois plus de gaz à effet de serre qu’une tomate produite en France en saison et près de 4 fois plus qu’une tomate importée d’Espagne.

Cet argument a été contesté par certains producteurs présents mercredi à l’APCA. « Il est hors de question que nous produisions des fraises et des tomates à Noël. On respecte le cycle de vie », a tonné Jacques Rouchaussé, président de légumes de France.

« Le consommateur veut des produits origine France, aidons le producteur bio à se développer. N’allons pas nous tirer une balle dans le pied pour permettre à du bio espagnol de rentrer. Le bio espagnol, quand vous l’avez en magasin, il est emballé dans du plastique, je ne sais pas si c’est tellement bio, mais il faut réfléchir par rapport à ça », a-t-il conclu.