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Vin et cuisine

Le repas gastronomique français : de la bouche à l’esprit


AFP le 06/05/2022 à 10:05

(©Pixabay)

« Un repas festif où les convives pratiquent l'art du "bien manger" et du "bien boire" », disait l'Unesco en inscrivant au patrimoine de l'humanité le « repas gastronomique des Français », auquel est dédiée la Cité internationale de la gastronomie et du vin inaugurée vendredi à Dijon.

Mais manger « à la française » va au-delà du plaisir de bouche. « Le repas gastronomique met l’accent sur le fait d’être bien ensemble et l’harmonie entre les êtres humains », poursuivait l’Unesco lors du classement en 2010. Les Français ont en effet cette particularité de se poser pour manger.

Ensemble.

« Dès qu’un Français pense à déjeuner ou à dîner, il a envie de s’asseoir », souligne le sociologue Jean-Pierre Corbeau, de l’université de Tours. C’est à l’opposé des Américains, par exemple, qui « vont souvent manger debout, à côté du plan de travail et pas forcément avec d’autres personnes ». Tous réunis, les convives « resserrent le cercle familial et amical et renforcent les liens sociaux », selon l’Unesco.

Le repas gastronomique est donc « cette bonne bouffe rituelle qui réunit les Français pour célébrer le bien vivre ensemble », souligne François Chevrier, fondateur de l’Institut européen de l’histoire et des cultures de l’alimentation (IEHCA, Tours), cité dans La Cité passe à Table (Autrement).

Le repas français contribue ainsi à « l’attention à l’autre et au partage », constituant un « repère identitaire important qui procure un sentiment de continuité et d’appartenance », explique l’Unesco.

Rien d’étonnant, dès lors, que la « bouffe » soit un sujet majeur de conversation des Français, y compris à table. 68 % des Français « aiment cuisiner », selon une enquête du Credoc de 2018. 2 000 livres sur le vin ou la cuisine paraissent chaque année en France, pays aux 637 restaurants étoilés.

Autre particularité française : la gastronomie est largement répandue. C’est que, auparavant réservée à « une cuisine aristocratique », elle s’est diffusée grâce à la Révolution, explique François Chevrier. « Les princes et les nobles disparus, leurs cuisiniers sans emploi ont couvert Paris de restaurants de grande qualité. Et voilà donc de grands cuisiniers servant au tout-venant ».

Mais le repas « à la française » est « en danger », avertit Jean-Robert Pitte, professeur à Paris-Sorbonne et un des artisans de l’inscription à l’Unesco. « Beaucoup de nos contemporains estiment que cuisiner est une perte de temps », déplore-t-il. L’inscription à l’Unesco avait ainsi pour but de redonner « le goût de cuisiner ». Car, estime l’expert, « bien manger n’est pas superflu, mais une nécessité de santé, de sociabilité, économique et culturelle ».