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Agriculture de conservation des sols

Le défi de l’abandon du glyphosate en France


AFP le 29/09/2018 à 19:05

L'agriculture de conservation des sols, une technique agronomique marginale en France, mais prometteuse pour la biodiversité des sols et la lutte contre le réchauffement climatique, va devoir s'adapter face à la suppression annoncée en France des désherbants à base de glyphosate d'ici trois ans.

« En agriculture de conservation des sols (ACS), on est utilisateur de glyphosate, même à doses réduites, et aujourd’hui, dans les conditions actuelles, on aurait du mal à pratiquer cette agriculture sans ce produit », admet Benoît Lavier, agriculteur et président de l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad). En France, moins de 4 % des agriculteurs sont en ACS. Souvent indépendants d’esprit, ils cherchent d’une récolte sur l’autre à améliorer la fertilité et la biodiversité des terres agricoles avec, parallèlement une réduction des intrants chimiques et la suppression du labour. Leurs techniques ressemblent aux principes de la permaculture, en vogue dans le maraîchage bio, et reposent sur trois éléments fondamentaux : s’occuper du sol, le couvrir avec des plantes à tout moment de l’année, y compris au lendemain de la récolte principale.

Lutter contre l’érosion

Ces couverts végétaux sont des engrais verts qui nourrissent et renforcent le sol via leurs racines. Le but est de ne jamais laisser une terre nue afin de développer sa biodiversité, vers de terre et insectes surtout. Deuxième grand principe, l’abandon du labour signifie un semis direct sans avoir retourné le sol au préalable, afin d’y maintenir le carbone. Et enfin, les rotations de cultures. Grande différence avec la permaculture, une fois par an, les agriculteurs en ACS recourent au désherbant pour nettoyer leur parcelle de tous ses couverts végétaux préalablement écrasés au rouleau, afin que la graine de blé ou de maïs qu’ils plantent puisse se développer.

Pour l’agence des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), cette technique « accroît la biodiversité et stimule les processus biologiques naturels qui ont lieu au-dessus et en dessous de la surface du sol, ce qui contribue à une utilisation plus efficace de l’eau et des nutriments et permet d’améliorer durablement la production végétale ». Les techniques de l’ACS, utilisées depuis les années 1930 aux États-Unis pour lutter contre les dust-bowls, sont suivies avec intérêt par le ministère de l’agriculture français. Elles ont été promues dans le cadre de l’accord de Paris pour lutter contre le réchauffement climatique.

Mais en agissant positivement sur les températures, cette technique contribue aussi à la pollution des nappes phréatiques via le glyphosate, jugé cancérogène probable par une agence internationale. « Il est illusoire de vouloir 20/20 partout, ce qui est important, c’est d’adopter une démarche de progrès et de faire évoluer les choses tout en se confrontant au réel » répond un responsable du ministère de l’agriculture. Il fait valoir qu’en France, les agriculteurs en ACS utilisent 2 l par hectare et par an ou moins, loin des énormes doses utilisées au Brésil ou aux États-Unis.

Cocktail de plantes

Même s’il n’a pas voulu l’écrire dans la loi alimentation qui sera votée mardi, le gouvernement s’est engagé à supprimer l’herbicide controversé d’ici trois ans. À la ferme de Bertonvilliers, à Messe dans l’Essonne, Christophe Naudin, 36 ans, adepte de l’ACS sur la centaine d’hectares qu’il exploite, cherche aussi comment s’en passer. Pour contrôler la pousse des mauvaises herbes, et remplacer ainsi le glyphosate, il essaie « d’augmenter la densité de la couverture des sols » pour « étouffer » les herbes. Le résultat n’est pas encore totalement concluant.

« J’ai découvert l’ACS en cherchant sur internet comment réduire mes coûts d’exploitation », raconte-t-il, en montrant ses champs verdis par un mélange de tournesols, lin, radis, sarrasin, destiné uniquement à nourrir le sol. « Avec la photosynthèse, ces panneaux verts contribuent à filtrer l’air parisien voisin », démontre-t-il. L’enrichissement naturel des terrains lui a permis de «fortement diminuer» les engrais et phytosanitaires. « Je n’utilise plus du tout d’insecticides sur ma ferme », dit-il. Du coup, les oiseaux sont revenus aussi. Les produits qu’il utilise encore : un antilimaces, un fongicide contre les moisissures, et le fameux glyphosate. « Certaines années, je n’utilise guère plus de 1,5 litre par hectare, alors que la dose permise en France est de 6 litres à l’hectare. »